Denoix, Sebastian, and Anne Thevenot.

Denoix, Sebastian, and Anne Thevenot. “.” Études sur la mort 1 (2011): 25-38.

A partir d’un cas clinique, DENOIX et THEVENOT reflechissent sur les pratiques excessives des jeux vidéo. Ils font l’hypothèse que dans certains cas, les jeux vidéo peuvent avoir une fonction toxique en remplaçant la sociablilité par une vie sociale virtuelle. Le cas d’un enfant de 15 ans devenu joueur excessif après le départ de la maison d’un grand frère est présenté.

Les auteurs commencent par constater la place de plus en plus importante des jeux vidéo. Les psychologues ont pris acte de cette évolution en réfléchissant sur les risques et les opportunités apportés par ce nouveau média. Les psychologues s’intérrogent sur la nature des jeux vidéo. S’agit il vraiment de jeux puisque les joueurs semblent ne plus être confrontés à leurs corps réels.

Les éléments cliniques sont apportés par la fréquentation d’un des auteurs d’un établissement psychiatrique allemand qui reçoit des joueurs excessif c’est à dire jouant plus de 8 heures par joueur avec un effet négatif sur leurs vies sociales. La plupart des joueurs excessifs jouant aux MMORPG, les auteurs font l’hypothèse qu’une des motivation à jouer est de pouvoir avoir des interactions sociales sans craindre des échecs ou des frustrations. Avec les jeux en ligne, les joueurs basculent vers une “cyborgisation” (D. Le Breton, 2003), ou vers la recherche du plaisir et de la jouissance sans fin.

Les auteurs font l’hypothèse que la pratique excessive des jeux vidéo pourrait chez des personnes fragilisées, déclencher des psychopathologies. Le jeu vidéo et l’identification à l’avatar isolent le joueur, provoquant finalement une “mort sociale”. Le monde du jeu vidéo prend alors la place de l’entourage social du joueur.

La situation de Samuel, 15 ans, est alors discutée. Il s’agit d’un garçon adressé en soin pour des difficultés scolaires liées a un absentéisme.  Il est un joueur excessif depuis le départ de la maison de son frère aîné et  présente des symptômes dépressifs.Pour les auteurs l’absence de reconnaissance de ce que Samuel fait dans le jeu par ses proches est un facteur aggravant qui le conduit à se replier dans le monde virtuel. L’avatar est décrit comme “le dessin moderne d’un fantasme référé à l’image inconsciente du corps” représentant le moi-idéal du joueur. Il donne à Samuel la certitude d’exister par sa fonction antidépressive. Pendant les parties, l’avatar représente une partie que le joueur tente inconsciemment d’intégrer

Qu’en est il de la thèse des auteurs ? Les jeux vidéos sont ils la mort de la socialisation traditionnelle ? Il est évident que les jeux vidéo apportent une autre modalité de socialisation. Sans même penser au très récent phénomène Pokémon GO, les joueurs de jeux vidéo ont toujours créé des communautés à l’intérieur desquelles ils formaient leurs valeurs, leurs mythes et leurs rites. Cette socialisation n’est très généralement pas un danger pour les relations en face à face car les joueurs aiment à se rencontrer dans des conventions comme la BlizzCon. Plus finalement, les jeux vidéo sont un excellent média pour discuter dans les cours de récréation.

Est il possible que dans des cas pathologiques, les jeux vidéo soient dommageable pour la socialisation traditionnelle ? Le cas présenté ne permet pas d’aller dans ce sens car la situation de Samuel devient problèmatique après le départ de son frère. Le texte ne précise pas la qualité de la relation de Samuel à son ainé mais il est possible de faire ll’hypothèse que ce départ l’a privé de soutiens et d’interactions dont il avait besoin. Le fait que le frère ainé ait été lui même un gamer permet de comprendre le mécanisme du jeu excessif : c’est l’identification à son frère qui le maintient des heures devant son écran de jeu. Les parties sont autant de manifestations de l’attachement de Samuel à son frère. Pendant qu’il joue, il ne souffre plus de l’absence de son frère. Il est avec lui et, peut-être, se réapprorpie-t-il les sensations et les pensées de ce frère lorsqu’il jouait aux jeux vidéo et qui lui, plus petit, l’observait ?. Ce n’est pas le temps de jeu qui vide les interactions sociales du joueur. C’est l’absence d’interactions sociales qui remplit le temps de jeu

Les auteurs présentent les interactions en ligne comme étant libre des échecs et des frustrations des interactions hors ligne. Pourtant, toute personne ayant joué à un MMORPG ou un jeu vidéo en ligne peut constater à quel point les interactions peuvent y être conflictuels. Il peut être difficile de constituer des groupes de quête ou d’instance. Parfois, ce sont les joueurs qui ont des comportements inappropriés. Par exemple le Tank fonce tête baissée dans l’instance sans se préoccuper de l’état de ses partenaires. J’ai aussi pu constater que parfois le Healer faisait la grêve. Les motifs de conflits et de frustrations sont nombreux et constants  dans les jeux en ligne.

Dans la construction théorique de Serge TISSERON, l’avatar est un représentant de la mère intériorisée. Mais ile est possible que le joueur se situe a l’autre pole de la relation en jouant le rôle de l’imago maternelle. C’est cet aspect de DENOIX et THEVENOT explorent lorsqu’ils affirment que l’avatar n’apporte pas au joueur la certitude mais au contraire “sans les actes et la persévérance du joueur, l’idéalisation virtuelle ne tient pas et risque d’être anéantie par les risque du jeu vidéo même”. Le joueur peut être une mère “suffisament bonne” en veillant à ce que rien de facheux n’arrive à son avatar-enfant. Il peut aussi explorer les aspects agressifs ou abandonnique de la relation en plongeant l’avatar dans les plus grands dangers ou en l’abandonnant.

La relation qui unit les deux pôles de la dyade numérique peut alors être précisée. Le joueur et son avatar constituent un parce narcissique. Trois situations peuvent êtré décites. Dans la première, le joueur et l’avatar satisfont un fantasme de suffisance dans la complicité (“ensemble nous suffisons, et n’avons besoin de personne”). La seconde situation correspond à un fantasme de toute puissance dans l’unité (“Ensemble et soudés, nous triomphe de tout”). Enfin, le fantasme de mort dans la différencation correspond à la troisième situation (“Si me quittes, je me meurs)”

Je pense qu’un des grands intérets des images numériques est qu’elles permettent de figurer l’image inconsciente du corps.  Cet aspect est approché par DENOIX et THEVENOT mais ils s’en éloignent finalement en rattachant l’avatar du moi-idéal. L’image inconsciente du corps est antérieure au stade du miroir qui impose comme représentation de soi une image spéculaire. Mais avant cette étape, l’image de soi peut être visuelle, sonore, cénesthérique, tactile ou un mélange de tout cela. Dans les jeux vidéo, la représentation du joueur est n’est pas que visuelle. Elle est accompagné d’effets sonores et tactiles. Les mouvements et les actions des personnages sont soulignés par de nombreux effets visuels qui se rapprochent des signifiants formels. Les personnages peuvent se transformer à volonté ou sous l’effet des actions de l’environnement. Il n’y a guere que dans un jeu vidéo – ou dans le rêve – qu’il est possible de se transformer en un ours et de redevenir humain ! Les retrouvailles avec les images inconscientes du corps sont un des grands plaisirs des jeux vidéo.

Au final, “Etude d’un cas d’adolescent pris dans les jeux vidéo, mort de la socialisation tranditionnelle ?” n’arrive pas à convaincre de la validité de sa thèse mais comporte de bonnes idées

SOURCES

Racamier, PC. “L’inceste et l’incestuel, les Éditions du collège.” OUVERTURES ET DÉBATS 195 (1995).

Tisseron, Serge. “Jeux vidéo: entre nouvelle culture et séductions de la «dyade numérique».” Psychotropes 15.1 (2009): 21-40.