L’application du schéma donné par Marc Valleur à la cyberaddiction pose une seconde difficulté. On se souvient que ce schéma différencie les personnes concernées par le comportement ou  le produit de tous les autres. Parmi les personnes de la première catégorie, certaines ne développeront pas de dépendance, d’autres auront un usage problématiques, et d’autres développeront une dépendance. L’intervention du psychiatre ou du psychologue concerne bien évidement les personnes qui développent une dépendance et celles qui ont un usage problématique.

Ce schéma était parfaitement applicable aux début du déploiement des mondes numériques. Lorsque Kimberley Young construit son “Trouble de l’addiction à l’Internet”, il y a 16 millions d’internautes (Source : Internet World Stat).  Le web est si jeune qu’il est encore de compter le nombre de pages web accessibles. Les jeux vidéo qui font date s’appellent Worms, Wing Commander IV, Command and Conquer ou Destruction Derby… Rares sont les joueurs qui accèdent à l’Internet pour jouer en réseau dans des jeux comme Habitat ou  Air Warrior. Ultima Online, un des premiers MMORPG commerciaux est lancé en 1995 mais il faut attendre les années 2000 pour que ce type de jeu s’impose réellement.

La situation est tout a fait différente aujourd’hui. Nous sommes plus de deux milliards à être sur le réseau. En Occident, être connecté partout à tout moment devient une règle. Le nombre de pages sur le réseau est si important que même Google a renoncé à en tenir le compte exact. Les jeux se jouent maintenant principalement en ligne. Enfin, les jeux vidéo se sont diversifiés et ont conquis de nouveaux publics. Les phénomènes comme Plants vs Zombie, Angry Birds,  Candy Crush Saga ou 2048 montrent que les jeux vidéo ont maintenant un public largement plus étendu que l’adolescent ou le jeune adulte. Enfin, de 1995 à nos jours, le temps passé à jouer et à être sur Internet s’est considérablement accru.

Revenons à notre schéma de l’addiction. Que s’est-il passé en 15-20 ans ? Il y a maintenant plus de personnes concernées par les jeux vidéo et l’Internet de que personnes non concernées par les matières numérique. La proportion s’est inversée ! Il est devenu normal de regarder son compte Facebook/Twitter/mail plusieurs fois par jour. Il est devenu normal de parler de stratégies pour progresser dans Candy Crush Saga. Il n’est peut être pas anormal de ne pas jouer aux jeux vidéo ou d’être connecté à l’Internet, mais ceux qui ne le sont pas attirent de plus en plus l’attention.

Si l’on cherche encore a utiliser le schéma de l’addiction, il reste deux possibilité. La première est de déclarer que la nouvelle majorité a développé une pathologie c’est à dire de pathologiser la norme qui est en train de se mettre en place. La seconde est de s’inquiéter des non-connectés et de chercher chez eux de nouveaux signes de souffrance psychologiques. Verra-t-on se développer une nouvelle addiction au monde hors-ligne ? Il y a bien entendu une autre possibilité que nous explorerons dans les billets suivants.