"There is a plane on the Hudson" est il appelé à devenir aussi célèbre que "Houston we have a problem" ?

C’est par cette phrase que  Janis Krums annonce sur Twitter le crash d’un avion dans le fleuve Hudson. Le twitt se répand dans la twittosphère comme une trainée de poudre et il est probable que peu de membres de Twitter n’aient été au contact de cette nouvelle. Les commentaires sur cette affaire ont surtout concerné la balance entre les médias traditionnels et cet Übermedia qu’est Internet. Twitter s’est montré plus rapide, plus viral que tous les autres médias. Non seulement l’information a circulé sur Twitter, mais elle s’est répandu dans les autrés espaces. Une vidéo Youtube Chesley Sullenberger – Pilot Flight 1549 – A True US Hero! a été mise en ligne, et une fan page a été faire pour Chesley Sullenberger sur Facebook, le pilote de l’avion.

L’histoire tient en quelques mots. Suite a une panne moteur, le commandant de bord du vol 1549 de US Airways décide de poser son Airbus A-320 dans le fleuve Hudson. L’ammérissage est réalisé à la perfection et quelques instants plus tard, Janis Krums poste son twitt :

"There is a plane on the Hudson. I am on the ferry to pick up the people. Crazy."

 Le mythe de L’avion dans l’Hudson

Je ne discuterais pas ici la question de savoir s’il s’agit d’un signe supplémentaire en faveur (ou en défaveur) de ce que l’on appelle le journalisme citoyen. Ce que je voudrais mettre en avant c’est la valeur de mythe de cette histoire. Je prends "mythe" dans le sens donné par Roland Barthes : un outil idéologique, un signe.. Pour Roland Barthes, les mythes de nos cultures sont produits par un appauvrissement progressif du sens initial auquel se substitue un tout autre récit.  la DS, la photographie du visage de Greta Garbo, ou le catch en sont quelques exemples.

"L’avion dans l’Hudson" est un mythe de l’Internet. Il dit la rapitité de la circulation de la l’information. Il dit qu’il n’est pas un événement qui ne puisse être couvert, une place qui ne soit accessible. Il dit l’ubiquité et la simultanéité. Partout, ‘l’oeil de l’ appareil photographique d’un téléphone cellulaire peut enregistrer un événement et le partager avec les multitudes.

On peut maintenant étendre la proposition de Barthes

"Chaque objet du monde peut passer d’un existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société" Barthes

Chaque événement du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société.

 

La résonance fantasmatique

Ce n’est pas la première fois que Twiter a une longueur d’avance sur les médias traditionnels : dot.life  en donne toute une liste.

Si l’histoire de L’avion dans l’Hudson a fait l’objet de tant de transferts (fowards et autres retwitts) et de manipulations, c’est aussi parce qu’elle résonne en chacun. Chaque personne qui a fait suivre cette histoire sur un de ses réseaux sociaux est une personne dont l’intêret conscient et inconscient a été suffisamment éveillée. L’avion dans l’Hudson vient à point nommé : dans un monde confronté à plusieurs guerres, a une récession économique dont nous savons tous qu’elle sera éprouvante, à la raréfaction des énergies fossiles, qui ne rêverait d’un Chesley Sullenberger pour nous assurer d’un atterrissage en douceur ?

Si cette histoire intéresse plus d’un, c’est parce qu’elle est d’un bout à l’autre un histoire oedipienne. Le buzz est le signe – ou le symptôme – de la mise en place d’une résonnace fantasmatique à partir du fantasme initial.  Bien sûr, chacun est appelé différemment. Certains seront plus sensibles à la figure du pilote, d’autres s’ identifieront aux passagers, d’autres retiendront la panne moteur, d’autres seront marqués par l’avion étendu dans le fleuve… Le thème général de L’avion dans l’Hudson se décline en une cascade de motifs dans lesquels chacun peut se reconnaître.

On appelle en psychanalyse résonance fantasmatique inconsciente (Foulkes, 1948; Anzieu, 1984)  le processus par lequel un groupe s’ organise autour d’un fantasme individuel. Dans les groupes hors ligne, le fantasme organisateur est donné par un membre privilégié du groupe. Le groupe garde cette organisation tant que le fantasme initial  suscite un écho suffisant dans le groupe et que ceux qui ne se sentent pas concernés restent dans une position passive et périphérique. Elle cesse soit parce qu’elle n’est plus suffisamment investie soit parce qu’elle mobilise des attitude défensives chez les autres.

 

 

Les réseaux comme Twitter sont des espaces rêvés pour de tels phénomènes. Ce qui est transmis, ce n’est jamais que de l’information mais aussi des émotions, des fantasmes, des imaginaires. En ligne, la résonance peut être maximale parce qu’il est facile de trouver d’autres personnes qui résonneront sur le même thème ou un thème voisin. Par ailleurs ceux chez qui le fantasme suscite des attitudes défensives n’ont pas a attaquer les autres puisqu’ils peuvent se tenir à l’ écart. Enfin, dernière différence avec le monde hors ligne, ici, c’est le fantasme qui est privilégié. C’est en fonction de sa capacité a agréger le plus de monde que sa diffusion se fait ou pas, tandis que dans le monde hors ligne, le point de départ est donné en fonction de celui qui porte le fantasme. Cela fait des mondes numériques des mondes particulièrement ouverts a la transmission sous toutes ses formes : des plus secondarisées aux plus archaïques.

 

PS.

Il serait intéressant de faire le graphe de la diffusion du twitt initial. Cela serait sans doute un bon modèle d’une transmission épidémique. Pourquoi certains ne sont pas touchés ? Qu’est ce qui assure leur résilient ?