Il y a toujours une ombre de doute qui plane sur les jeux vidéo comme s’ils ne pouvaient décidément pas être des objets ordinaires. Ainsi, avoir rapproché les MMORPG des contes, Rossé et Chotard-Fresnais (2009) les différencient de a manière suivante :

– les contes ont une fin, le plus souvent heureuse. Les MMORPG n’ont pas de fin.

– les quêtes des contes de fées sont existentielles. Les quêtes des contes de fées sont matérialistes

– le héros des contes de fées est confronté à la loi. Il doit faire avec ses affects et ses interrogations. Un jeu comme World of Warcraft ignore la loi et n’est régit que par des règles et un règlement.

Les MMORPG n’ont pas de fin.

L’idée selon laquelle les MMORPG n’ont pas de fin sert souvent de point d’articulation pour expliquer les pratiques excessives (ou les “addictions) aux jeux vidéo (Gaon, 2009). Les MMORPG sont des jeux “permanents” : l’univers du jeu subsiste même après que le joueur l’ait quitté. Par ailleurs, l’éditeur renouvèle sans cesse le contenu du jeu. Ces deux éléments rendraient compte du fait qu’il est difficile de cesser de jouer

C’est cependant céder à une illusion car les MMORPG ont bel et bien une fin. Même dans le cyberespace, les choses ont une fin. Il y a quantité de MMORPG qui ont fermé leurs portes. Contrairement à ce qui se passe dans l’espace géographique, la disparition de ces mondes laisse très peu de place. Leur archéologie est donc difficile, ce qui explique en partie le fait que ‘l’on oublie vite que des mondes aussi opulents que Tabula Rasa aient existé.

A l’intérieur même du jeu, la fin peut être expérimentée. Arriver au top level, finir une série de Hauts Faits, progresser dans son métier, faire progresser sa guilde, progresser dans la compétition avec les autres joueurs, obtenir de beaux objets sont autant de “fins” que chacun peut trouver et se donner. Certains joueurs font preuve d’une grande inventivité. Par exemple, Everbloom a atteint le niveau 85 à World of Warcraft sans verser la moindre goutte de sang. D’une façon plus banale, le jeu est vécu comme “terminé” le joueur a reçu une satisfaction suffisante de son besoin d’autonomie, de compétence ou de relation sociale (Deci & Ryan, 2000, 2008).  C’est la satisfaction d’un de ces besoin qui fait vivre une expérience totale et qui conduit ensuite le joueur à d’autres objets

Les quêtes des MMORPG sont matérialistes.

Les quêtes des MMORPG sont très simples : tuer un ou plusieurs personnages, collecter des objets, escorter un personnage, reconnaitre une zone, défendre une zone, ou encore créer un objet. De ce point de vue, les quêtes sont “matérialistes”. Mais en quoi sont elles différentes des actions que doivent effectuer les personnages des contes de fées ? Le Petit Chaperon Rouge doit amener une galette chez sa Mère-Grand et ce n’est que par un effet d’interprétation que l’on comprend qu’il s’agit d’une histoire qui parle de la transmission de la sexualité d’une mère à son enfant, de la nécessité de séparation, et des risques d’engloutissement dans la relation parent-enfant. Le conte peut ausssi être entendu de cette manière, et dans la majorité des cas, les enfants l’entendent à aussi à ce niveau. Mais il peut tout aussi bien être compris comme une succession de choses à faire. Le conte n’est pas plus symbolique en soi que le jeu vidéo n’est matériel en soi. L’un est l’autre proposent des expériences qui demandent à être symbolisées.

Les jeux vidéo ne connaissent pas la loi.

L’idée selon laquelle un MMORPG ne connaitrait que des règles et des règlements est une manière de le déprécier vis à vis d’autres expériences mais ne correspond pas à la réalité. Un MMORPG est géré par un éditeur de jeu. Cet éditeur de jeu est une entreprise soumises à des législations nationales et internationales. Les personnages des joueurs ne leur appartiennent pas, pas plus que les objets qu’ils fabriquent ou les histoires qu’ils inventent ce qui n’a pas manqué de produire des débats dont certains ont du être tranchés au tribunal.

La loi est également rencontrée à l’intérieur du jeu comme construction sociale. Ce sont elles qui déterminent les bonnes conduites : exploiter une faille du jeu est dans certains cas considéré comme acceptable et dans d’autres cas comme une tricherie. Dans exemple, dans Call of Duty, l’utilisation d’un lance grenade est très mal vue.

Si l’on entend par “loi” la limite structurante au désir, elle est également rencontrée en jeu. Les jeux vidéo, et particulièrement les jeux en ligne, ne sont pas des espaces dans lesquels les désirs sont facilement satisfaits. Le désir d’être (le plus fort, le meilleur, le plus rapide etc.) ou le désir d’avoir (avoir un objet rare, une tenue complète etc.) sont très difficilement satisfaits. Il arrive assez souvent que le joueur passe par la difficile reconnaissance de ce que ses désirs ne puissent pas être satisfait. Il doit passer par l’épreuve du temps, et parfois modifier ses désirs pour qu’ils soient plus conformes à la réalité.  En d’autres termes, les jeux vidéo sont des espaces dans lesquels les identifications imaginaires peuvent être mises à l’épreuve.

Rossé, Chotard-Fresnais – 2009 – Jeux de rôles en ligne et espace transitionnel Après avoir rapproché les jeux vidéo des mythes