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En 1817, Stendhal fait une halte à Florence. Lors d’une visite à un musée, il défaille :

“J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber “. Stendhal

Le malaise est-tel que Stendhal se demande anxieusement : “Peut-on mourir d’art ?”

Le cas de Stendhal n’est pas isolé. Aujourd’hui encore, des personnes sont mises de malaise devant les tableaux des maitres de la renaissance italienne. Graziella Magherini a appelé le phénomène “syndrome de Stendhal”. Devant l’œuvre, la personne est prise de vertige, a des douleurs à la poitrine, son cœur s’emballe. Elle peut passer par un sentiment d’exaltation et de toute puissance, à la panique et la peur de mourir. Les troubles cessent généralement lorsque la personne quitte la ville.

Pour Graziella Magherini, la clé est dans la relation à l’œuvre d’art qui fonctionnerait parfois comme “le symbole d’un drame intérieur”. Ce que la personne voit, c’est moins la toile du maitre qu’une représentation de son psychisme. Cela peut être un souvenir traumatique, un fantasme, ou un affect profondément réprimé, mais dans tous les cas, l’œuvre d’art ramène dans ce psychisme ce qui avait été pendant longtemps comme “enfermé dehors

Le psychiatre Régis Airault retrouve des situations similaire en Inde. Comme Stendhal en Italie, les voyageurs se disent profondément troublés par la grande beauté des bâtiments, des personnes ou des cérémonies. Les décompensation en Inde sont si fréquentes que l’ambassade de France a jugé utile de s’attacher les services d’un psychiatre. L’Inde rend-t-elle fou ou est-ce les fous qui vont en Inde ?. Quelque soit la réponse, elle apporte une troisième question ? Qu’est ce qui dans l’Inde provoque de tels bouleversements ? Là encore, les troubles cessent souvent lorsque la personne revient en France.

Le syndrome de Stendhal se retrouve aussi à Jérusalem ou à Rio de Janeiro. il semble que ce soit la situation du voyage qui soit l’élément déclenchant. Voyager, cela signifie se séparer d’un environnement dans lequel on se sent en sécurité et se risque dans l’inconnu. C’est être confronté à quelque d’autre qui mettent à mal le sentiment d’identité: autre culture, autres personnes, autres moeurs, autres rites sociaux, autres goûts, autres bruits, autres mœurs. Ce n’est pas pour rien que le syndrome de Stendhal est aussi appelé syndrome du voyageur

Les gamers ne sont-ils pas également des voyageurs. Ils se risquent dans d’autres mondes, parfois étranges, parfois dangereux, mais toujours étrangers. Ils prennent d’autres formes, acquièrent d’autres habilités, se lient à des personnes ou des lieux par des procédés qui n’existent que dans le cyberespace.

On trouve aisément chez ces voyageurs immobiles des récits qui correspondent à ce que Stendhal a couché sur le papier. La visite d’une ville comme la puissante et industrieuse Forgefer, la beauté des personnages, l’harmonie d’un mouvement de troupes dans un jeu de stratégie ou dans un round de FPS, les effets de lumière ou les environnements sonores sont à même de provoquer d’intenses sentiments de beauté. Ces effets de beauté sont toujours importants. Ils témoignent d’une mise en tension et d’une surcharge interne. Ils sont les signes d’une rencontre entre le joueur et des éléments de sa vie psychique. Le signe le plus sûr en est que les joueurs ont toujours le désir de partager avec d’autres de tels moments de beauté.