Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait faire la cartographie de territoires façonnés par les flux de l’information, où la distance est remplacée par la force des liens, l’émergence et la disparition de continents entiers avec leurs peuples, leurs traditions, leurs histoires. 

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait faire la géographie des villes numériques passées et présentes, établir le plan de leurs réseaux de communication, étudier l’architecture de leurs bâtiments, comprendre leur urbanisme. 

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait décrire comment ils ont émergé de l’océan primitif Arpanet. Il faudrait expliquer la naissance et le développement du WWW, la réinvention des forums, leur quasi-disparition avec le Web 2.0 et l’arrivée des réseaux sociaux.

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait raconter les guerres de 4chan

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait raconter comment des jeux de laboratoire sont devenus des mass-média.


Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait décrire ses continents passés et présents. Il faudrait décrire Facebook, Instagram, Twitter, et les blogosphères. Il faudrait faire l’archéologie de Usenet. Il faudrait décrire comment de nouveaux territoires apparaissent et sont colonisés en quelques semaines. Il faudrait expliquer les cultures locales et les cultures communes. 

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait décrire comment les digiborigènes créent et exploitent la nature numérique, Il faudrait expliquer comment ils ont découpé le web en d’immenses latifundia appelées Facebook ou YouTube, avec des administrateurs, des modérateurs, et des utilisateurs. Il faudrait comprendre pourquoi le vocabulaire colonial s’est imposé comme une évidence. 

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait comprendre que parce qu’ils sont créés par des tricksters, ils sont toujours sur une ligne crête.


Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait dire qu’on y trouve de grands fleuves où une quantité invraisemblable d’information est charriée chaque jour. Ces fleuves d’information coulent de manière continue, mais certains se forment soudainement pour disparaître quelques heures ou quelques jours plus tard de la même manière. Leur bourdonnement assourdissant fait que les digiborigènes ont pris l’habitude de les appeler des “buzz” Hypnotiques, ils captent toute l’attention de quiconque s’en approche d’un peu trop près. 

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait des aèdes pour chanter l’héroïsme des digiborigènes sur les champs de bataille. 

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait explorer entassent et créent des richesse dans Sourcegforce, Github ou Pinterest

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait comprendre les mèmes, ces rêves collectifs des digiborigènes

Si l’on devait faire une géographie des mondes numériques, il faudrait montrer comme la périphérie est aussi au centre. Il faudrait passer les banlieues de Reddit et mettre le cap sur les lointaines contrées de 4chan