Alors que l’attention et l’inquiétude se focalise volontiers sur les FPS, des jeux aussi innocents que la série des Mario recèlent quantité de situations angoissantes.
Brulé dans la lave, englouti dans la vase, dévoré, plongé dans des matières inconnues, empoisonné, jeté, empalé, jeté, harcelé, kidnappé, gelé brulé, catapulté… Mario a connu mille morts violentes !
Le fait que le jeu soit apprécie par les petits comme par les grands ne signifie pas que le joueurs soient plus cruels que les autres, ni que les concepteurs de jeu soient plus pervers que la moyenne. Si Mario périt de tant de façons différentes, c’est d’abord que toute situation de jeu est une manière d’élaborer l’angoisse..
L’angoisse nous accompagne tout au long de notre vie. Elle touche d’abord la personne propre, puis les personnes dont nous dépendons, et enfin celles qui dépendent de nous. En psychanalyse, ces angoisses sont classées des angoisses de morcèlement aux angoisses devant le surmoi. Les premières touchent à l’intégrité de l’image inconsciente du corps et sont considérées comme plus archaïques que les angoisses devant le surmoi qui sont liées aux situations d’exclusion ou de honte. Dans les premières, l’angoisse est attachée à l’identité, tandis que dans les secondes elle renvoie aux relations aux autres.
Pour Thomas Gaon, l’angoisse est une cheville ouvrière du jeu vidéo : “Le jeu vidéo est structuré par ce processus d’équilibrage par lequel : le jeu vidéo (1) suscite une tension (2) au sein d’un cadre prévenant son débordement et (3) donne les moyens au joueurs d’être actif dans la réduction de cette tension dans des proportions contrôlées”. (Gaon, Th., Le ressort de l’angoisse dans les jeux vidéo.Une ébauche de cyberpsychologie clinique)
En d’autres termes, les joueurs vont chercher dans le jeu vidéo des situations angoissantes mais avec cet avantage que la situation angoissante est contenue dans un dispositif qui donne les moyens de la traiter. Mario peut être englouti dans des sables mouvants ou poursuivi par des monstres, il y a toujours une solution à trouver pour lui éviter un sort funeste. Et en cas de malheur, la partie peut être recommencée.
Mario encode des angoisses qui ne touchent pas fondamentalement l’intégrité de l’image du corps. Il n’explose pas en morceaux, il ne se dilue pas dans l’environnement. Le joueur peut traverser des moments de malaise ou de désarroi, mais il ne doute jamais de son identité. Au niveau du récit, le jeu se situe également bien au-delà des questions d’identité. il s’agit le plus souvent d’aller aider ou sauver une belle princesse, ou d’une rivalité entre les différents protagonistes du jeu.
Cela ne veut pas dire les “Mario like” sont de meilleurs jeux que les autres. Un bon jeu est un jeu qui suscite du plaisir à jouer sans que cela ne porte atteinte au joueur ou à autrui. Les scènes choc des survival horror sont aussi intéressantes à jouer que les abstractions d’un Tétris. Ce qui importe, c’est que le joueur joue avec des éléments qui correspondent à sa maturation psychologique. Il y a un temps pour joueur à CoD et crier “head shot” et un temps pour jouer à Mario.
Merci Yann pour ce port très intéressant.
L’angoisse est effectivement une pierre d’angle pour aborder le jeu vidéo, et le jeu tout court…
Freud avait déjà montré combien l’angoisse était au cœur du jeu chez l’enfant dans « Au-delà du principe de plaisir ». Winnicott, dans Jeu et Réalité la repère également, mais la travaille différemment…
Mais en réfléchissant sur cette histoire d’angoisse, et en prenant l’exemple de Mario ici, je me demande s’il ne faudrait pas distinguer les représentations d’angoisse (comme les différentes morts possibles de ce pauvre Mario…) et l’angoisse en tant qu’affect bien réel, vécu au travers du corps du joueur, mais articulé à la notion d’Autre.
Pour ma part, en suivant Lacan, l’angoisse serait cet affect produit par l’Autre, ce lieu immanent au langage. Ce serait alors un affect qui vient saisir le sujet lorsque ce dernier rencontre ce désir énigmatique du côté de l’Autre. L’angoisse serait l’effet de l’attente indéterminée, chargée de menace, que le sujet ressent dans son corps. Car cet Autre lui demande quelque chose, mais quoi… Que me veut-il ?
Ainsi, là, on pourrait travailler la question de l’angoisse, non au travers des représentations, mais au travers de la relation homme-machine.
Car le dispositif vidéoludique, en tant qu’il est aussi un dispositif relationnel entre un homme et une machine, pourrait être conçu comme suscitant de l’angoisse, mais également comme constituant une protection contre elle pour le sujet.
Car la machine pourrait être mise en lieu et place de cet Autre, dont l’attente et la demande peuvent faire surgir de l’angoisse.
Le jeu vidéo peut ainsi être conçu comme angoissant dans le sens où la machine semble attendre ou demander, parfois obscurément, quelque chose du côté du joueur.
Et l’on peut concevoir la fonction des didacticiels comme de fournir au joueur lors de sa première prise en main de l’espace de jeu, un apprentissage des fonctions et surtout des objectifs que le jeu/machine va assigner à l’utilisateur.
On pourrait aussi travailler la question du gameplay comme le décryptage du joueur de la demande de l’Autre. Qu’attend-il de moi en tant que joueur ? C’est rassurant de comprendre ce que me veut l’Autre…
Et enfin, les représentations des morts, viendraient imaginairement jouer un rôle de soulagement, ou de figuration de ce qui peut se passer entre le joueur et la machine…
VLC.
Bonjour,
je pense que cette vidéo de Mario revisité en drame indy-style va très bien avec votre article !!!
http://www.youtube.com/watch?v=4TdczoetXk4
Je les ai vus au même moment dans mon flux en tout cas ;-)
bonne journée.