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La violence des jeux vidéo n’est pas là ou on l’imagine. Elle est dans les interactions entre les joueurs. Moins que le média, c’est la culture de groupe a laquelle participe le joueur qui est déterminante de la violence

Partout des guerres, des conflits des batailles. Partout des coups de feu, des barrages d’artillerie, des bombardements aériens. Le monde des jeux vidéo est massivement guerrier et violent. Lorsque les conflits ne sont pas actuels ou historiques, ce sont les orcs qui s’affrontent aux elfes, ou les Jedi ou Sith. La violence dans les jeux vidéo est une réalité, mais les études se sont plutôt centrées sur les effets de la violence sur les comportements des joueurs. La violence des images, pour inquiétante qu’elle puisse paraître, a cependant des effets limités dans le temps et dans leur intensité. Elle ne doit pas masquer la violence des joueurs entre eux. Cette violence plonge ses racines dans la situation de désindividuation des jeux vidéo et la culture de certains groupes.

Dès leur origine, les jeux vidéo mettent en scène un univers guerrier. Spacewar! programmé en 1962, et considéré comme le père d’une longue descendance, oppose deux vaisseaux dans une lutte à mort de part et d’autre d’un trou noir. De ce jour, les joueurs semblent n’avoir eu de cesse de tuer ou d’être tués dans les jeux vidéo. Même si certains univers vidéo ludiques ne renvoient pas a la violence, il faut reconnaitre que les titres les plus vendus sont des jeux guerriers ou violents. Battlefield, Call Of Duty, Assassin Creed, Hit Man dépassent de loin en termes de vente les simulations sportives ou les jeux de rôle. Même les jeux comme Civilisation ou Age of Empire, généralement salués comme pouvant être une initiation utile à l’histoire sont surtout des occasions pour se livres aux colonisations les plus brutales, a l’extermination de peuples entiers, et à une guerre totale avec les quelques opposants qui subsistent.

La fréquence et l’intensité avec lesquelles les enfants sont confrontés à ces thématiques guerrières a soulevé quelques inquiétudes. Les jeux vidéo sont pour les enfants une activité extrêmement investie. Elle est pour le peuple des petites personnes, une occasion de loisirs et de détente. Mais cette occupation est elle si innocence que cela ? Pour réponde a cette question, les psychologues ont mis à l’épreuve deux modèles. Dans le premier, les jeux vidéo sont des occasions d’apprentissage par imitation. Les enfants intérioriseraient la violence comme modèle normal de régulation des conflits. Autrement dit, les jeux vidéo violents conduiraient à une désensibilisation à la violence, ce qui a son tour augmenterait la probabilité du choix de la violence parmi les réponses possibles. Le second modèle met en avant que les jeux vidéo sont une occasion de mettre au travail la violence et l’agressivité. Dans ce modèle, ce ne sont pas les jeux vidéo qui apportent la violence. Celle-ci est conçue comme intrinsèque au développement humain, et les jeux vidéo donnent des possibilités de la travailler en lui donnant une image et un contenant.

Les études menées sur la violence et les jeux vidéo permettent d’arriver aux résultats suivants. Il y a bien un effet des jeux vidéo violents sur les joueurs. Ces effets sont à la fois cognitive, affectifs, et comportementaux. Jouer a des jeux vidéo violents conduit les joueurs a produire plus facilement des pensées violentes. Ils ont également tendance à avoir une activation émotionnelle plus importante. Enfin, ils se montrent plus violents dans la réalité que les personnes qui n’ont pas joué à un jeu vidéo ou à un jeu vidéo violent.

Cependant, ces effets sont de courte durée. On peut les comparer à un feu de paille. L’activation émotionnelle ou cognitive peut être importante, mais elle est de courte durée. Enfin, même si elle peut déborder de l’espace du jeu, et conduire a des passages à l’acte, ceux-ci ne sont en aucun cas de la même nature que les “school schooting” qui inquiète tant le public.

Il est possible que les chercheurs aient regardé dans la mauvaise direction. L’idée générale de toutes ces études est de chercher à comprendre comment les jeux vidéo peuvent conduire à des problèmes en dehors du jeu. Or, il reste à comprendre la violence qui se produit à l’intérieur du jeu. Dans ce cas, ce ne sont pas des jeux vidéo qui provoquent des inconduites dans l’espace tangible, mais des problèmes dans la réalité qui motivent les inconduites dans le jeu.

Ces inconduites sont de deux types. Il s’agit tout d’abord de la tricherie qui permet à un joueur de gagner facilement la partie. La violence peut également prendre la forme du harcèlement. Tricher fait partie de l’univers des jeux vidéo. En effet, les tricheurs étendent sans cesse l’enveloppe du jeu en découvrant des failles dans le code informatique, ou tout simplement en découvrant de nouvelles tactiques de jeu. Mais il arrive que les tricheurs aillent un peu trop loin et déchirent l’enveloppe du jeu. Il existe même un marché de la triche qui permet a des joueurs d’acheter des objets ou des codes informatiques qui leur donnent un avantage substantiel dans le jeu. Ils peuvent ainsi faire en appuyant sur un bouton ce qui demande aux non-tricheurs des heures d’entrainement et du talent. Ils rompent ainsi violemment la règle commune qui rend possible le jeu..

La seconde inconduite correspond aux attaques violentes d’un joueur par un autre ou par plusieurs autres. Dans les MMORPG, ces attaques correspondent au “grey killing” et au “camping”.Le “grey killing” est le fait de tuer un personnage d’un niveau beaucoup plus faible que soi. En général, les personnages dont la mort ne rapporte ni point d’honneur ni point d’expérience sont marqués en gris. Dans ces cas l’attaque n’est motivée que par le désir de nuire à l’autre.Le “camping” consiste à attendre la réapparition de l’ennemi que l’on vient de tuer près de son cadavre pour le tuer une nouvelle fois. Enfin, la troisième forme de violence consiste en des insultes directes à l’encontre d’un joueur. Le harcèlement peut passer par le canal vocal lorsque les joueurs utilisent un casque et un micro. Le “chat” et la messagerie privée peuvent également être utilisés pour insulter et harceler une personne.

Face à cette violence, les joueurs ont plusieurs réponses possible.La première est de rendre silencieux le joueur gênant. Cela peut être fait a l’aide d’une commande qui permet de ne plus entendre le joueur ou de ne plus lire ses messages. La seconde est le signalement du joueur à l’éditeur de jeu. Lorsque un joueur est signalé a plusieurs reprises pour comportement fautif, son compte peut être suspendu. Le jeu League of Legends a innové en mettant en place un tribunal qui permet a des joueurs de déposer une plainte qui sera traitée par la communauté tout entière. L’avis majoritaire conduit à un acquittement ou une condamnation.

Toutes ces inconduites sont des situations de harcèlement. Lorsqu’elles sont isolées, elles ne prêtent pas à conséquence. Mais lorsqu’elles sont répétées, elle peuvent mettre a mal l’équilibre psychologique d’une personne, ou aggraver une situation déj compliquée. Les conscéquence de ce harcèlement peuvent être importante.puisque l’on a pu montrer un lien entre la dépression et les agressions en ligne

Deux séries d’éléments sont à prendre en compte pour expliquer ces comportements. La première série d’éléments concerne la situation de jeu. En ligne, les joueurs sont dans un anonymat relatif. Ils sont représentés par leurs pseudo et une identification plus précise est généralement impossible pour les autres joueurs. Le sentiment de responsabilité est également diminué parce qu’il est peut-être partagé avec tous les autres agresseurs. La situation de jeu donne un caractère ludique à toutes les interactions, même celle qui est des agressions. Le jeu altéré également sent du temps. Les comportements ne s’inscrivent pas dans une histoire, ce qui rend difficile la prise en compte de leurs conséquences. Enfin, l’excitation du jeu facilité encore les comportements agressifs

La situation de désindividuation n’est cependant pas le seul élément explicatif. En effet, certains jeux provoquent moins d’agression. Les communautés de rolistes dans les MMORPG sont par exemple connues pour être moins sujettes à l’agression. Les agressions ne sont pas provoquées par l’absence de règle, mais par le respect d’une règle tacite assumée par le groupe. Le harcèlement dépend donc du média et de la culture des groupes. Le mécanisme explicatif serait ici l’identification. Ce mécanisme psychologique est constitutif du sentiment d’identité. Il fonctionne dans le sens de l’individu aux personnes et aux modèles de son environnement et dans le sens de l’identification de l’individu par son entourage. L’identification à un groupe conduit a l’adoption de ses normes et de ses valeurs. Si la culture du groupe est tournée vers l’agression, la situation de désindividuation incitera les membres du groupe a être agressifs. Mais si la culture du groupe va dans le sens du respect d’autrui et interdit toute forme d’agression, le harcèlement ne se produit pas.