La féminité transformée par le virtuel
La féminité transformée par le virtuel

 

 

 

Vannina RECHTMAN-MICHELI est psychanalyste. Elle reprend pour le colloque d’Espace Analytique “Nouvelles subjectivités à l’adolescence” qui s’est tenu à Orléans en 2012 un article publié avec Margherita BALZERANI comme co-auteur en 2008 L’article n’apporte malheureusement rien de neuf par rapport sa première version.

Le propos est introduit par une longue introduction sur la cyberdépendance, le virtuel et l’usage que les adolescents ont des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La cyberdépendance est liée a la place et à l’omniprésence des images. Elle s’installe lorsque le besoin de jouer est plus fort que le plaisir et concerne généralement les MMORPG. 17 millions de personnes jouent à 250 jeux de rôle en ligne. L’addiction est définie comme “la dépendance à quelque chose, un produit ou un objet, ou l’alimentation ou, ici, les technologies qui provoquent des états psychiques particuliers auxquels le sujet s’abandonne”

Le virtuel est  abordé classiquement : il est ce qui est “en puissance”, différent du faux, de l’illusoire ou de l’imaginaire et n’est pas opposé au réel. C’est une autre modalité  fondatrice qui permet d’interroger la notion de présence physique immédiate

Pour MICHELI-RECHTMAN, les nouvelles technologies de l’information et de la communication bouleversent les bases de la famille et du couple. Du fait du temps passé avec les média , la famille s’élargit à à la “famille” que chacun se constitue sur Internet

Les adolescents sont les premiers utilisateurs de ces technologies car l’espace psychique de l’adolescence et du virtuel se recouvrent. Pour les enfants, les jeux vidéo offrent des objets privilégiés avec lesquels les désirs, les angoisses de fusion et de séparation peuvent être traités. L’usage des jeux vidéo peut être considéré comme “transitionnel” s’il prépare et médiatise un investissement du monde réel. Les mondes virtuels sont appréciés parce que chacun y trouve ce qu’il cherche : des sensations fortes, des aspectes de soi ou d’autrui, des compensations narcissique et des possibilités de rencontre.

Le jeu vidéo Lara Croft est ensuite décrit. Lara Croft est la première héroïne de pixel a avoir une personnalité complexe et indépendante. Son bacground est décrit avec beaucoup de précision : elle est fille d’un couple aisé. A la mort de son père, elle devient archéologue comme lui. Elle publie le résultat de ses recherches dans une revue scientifique. Le personnage fait l’objet d’adaptations au cinéma et en bande-dessinées. Il est utilisé par le groupe de musique U2 pour sa chanson Elevation.

Subordonnée au regard du joueur, Lara Croft incane les valeurs de la société occidentale post-moderne : culture du corps, perfection physique et performative, détermination, indépendance, recherche des émotions,  refus de la vie sédentaire. Son corps siliconé est rapproché de celui du cyborg.

 

 

En France, MICHELI-RECHTMAN et BALZERNI ont été les premières a appliquer le cadre conceptuel féministe à l’étude des jeux vidéo avec leur article “Corps contemporain, post-modernité et jeux vidéo : le syndrome de Lara Croft” (2008). Il est important que cette perspective majeure dans l’étude des jeux vidéo ait des représentants francophone. Il est aussi important que la communauté psychanalytique française soit sensibilisée aux mondes numériques en général et aux jeux vidéo en particulier.

L’article pose deux problèmes distincts. Le premier est qu’il traite de deux sujets très différents puisque on y trouve la question de la cyberaddiction et celle de la féminité. Cela nuit au traitement du sujet car l’auteur n’accorde finalement pas assez de place au sujet qui est annoncé dans le titre. Au final, ni la cyberaddiction ni la féminité ne sont véritablement abordés

Le texte manque étonnement de références au vu des sujets traités dans le texte. La bibliographie sur la cyberaddiction est pourtant conséquente, tout comme les publications concernant la féminité et les mondes en ligne ou encore celles sur le virtuel. Pour le lecteur, cela est un gène car les filiations intellectuelles de l’auteur n’apparaissent pas. Certaines filiations sont même masquées. Par exemple, l’idée d’une superposition entre l’espace psychique des adolescents et les caractéristiques du virtuel a été développée par Serge TISSERON dans “Le virtuel à l’adolescence, ses mythologies, ses fantasmes et ses usages” (2008)

Le second problème est que ce texte n’apporte rien de neuf par rapport à la première version publiée cinq ans auparavant. Il a a même tendance à le simplifier. Le lecteur aura donc tout intérêt à se tourner vers la première version, ou mieux encore, à se référer à l’étude de KENNEDY (2002) qui utilise le cadre conceptuel du féminisme pour déconstruire la figure de Lara Croft.  Elle est le produit d’un regard masculin sur la féminité et une libération de ce même mouvement car elle est à la fois femme fatale et femme d’action. Pour KENNEDY, jouer à Lara Croft est pour le joueur mascullin une expérience de changement de genre ou d’incarnation Queer. Cette incarnation mélage le corps masculin du joueur au corps numérique de Lara Croft, contribuant ainsi à sortir des distinctions sécurisantes entre le masculin et le féminin.

 

Au final, la manière dont la féminité est transformée par le virtuel n’est pas abordée parce que l’auteur a accordé trop de place à la cyberaddiction et à décrire l’univers de Lara Croft.

 

SOURCES

Tisseron, Serge. “Le virtuel à l’adolescence, ses mythologies, ses fantasmes et ses usages.” Adolescence 22.1 (2004): 9-23.

Micheli-Rechtman, Vannina, and Margherita Balzerani. “Corps contemporain, post-modernité et jeux vidéo: le syndrome de Lara Croft.” La clinique lacanienne 2 (2008): 135-147.

Kennedy, Helen W. “Lara Croft: Feminist icon or cyberbimbo? On the limits of textual analysis.” Game Studies: International Journal of Computer Games Research 2.2 (2002).