ImageJoystick a fait pour son numéro de Septembre un Dossier sur l’addiction aux jeux vidéo. C’est tout à fait curieux de voir qu’un journal qui a été leader dans son domaine et qui a participé a l’édification de la culture jeux vidéo en France ait tant tardé à prendre position sur le sujet. Maintenant que la question est pratiquement réglée – il reste quelques psy* irréductibles qui parlent encore d’addiction aux jeux vidéo – les voilà qui se fendent courageusement d’une double page sur le sujet.

On trouve également un encart dans lequel Michael Stora présente deux de ses projets futurs de son entreprise Implicit Game ((N’est il pas nécessaire pour une telle entreprise 1. d’acheter les noms de domaines, 2. d’être présent sur les réseaux sociaux, et 3. de bloguer ?)): un MMO thérapeutique et une échelle psychologique pour aider les joueurs à choisir leur jeu vidéo. Curieusement, il n’est pas cité dans la double page addiction, alors même qu’il fait partie de ceux qui parlent d’une addiction aux jeux vidéo. Bien évidement, les quelques lignes ne rendent certainement pas justice à ces projets, et il faudra attendre leur mise en place pour pouvoir donner un jugement plus affirmé. Cependant, quelques questions se posent déjà.

Rappelons qu’un MMO est un jeu massivement multijoueur. L’icone en est World of Warcraft : des joueurs réalisent des quêtes dans un environnement géré par l’ordinateur. Comme fantaisie, j’adore l’idée ! J’imagine d’ici les hordes de joueurs partant à l’assaut de positions défensives. La théorie kleinienne, avec ses “bons” et “mauvais” objets, ses “pénis fécaux”, ses “bons” ses attaques sadiques et ses réparations… est riche en images pouvant facilement être transformées en jeu. Imaginez un instant l’instance [Postion dépressive] dans laquelle les joueurs explorent le corps maternel, exterminent ses “mauvais” objets pour découvrir avant d’advenir à l’Ambivalence. Imaginez le combat contre le Boss Final : La Mauvaise Mère idéalisée ! Imaginez les armes épiques : [pénis paternel], [Bon sein ne saurait mentir] ou encore la terrible [Idéalisation] .

Même si je ne suis pas sûr que le MMO thérapeutique de Michael Stora aille dans ce sens, on peut tout de même se poser quelques questions liminaires. Il y a d’abord la question de la taille. Ce qui fait un MMO c’est son caractère massivement social : pas 64 ou 128 joueurs mais des centaines voire des milliers de joueurs. Dans le cadre psychothérapeutique, le plus massif que l’on ait pu faire est une cinquantaine de personnes. Et encore, on touchait déjà aux limites psychologiques des psychothérapeutes qui n’ arrivaient plus a comprendre ce qui se passait dans le groupe. Par ailleurs,le groupe était réuni dans un même espace temps. Or, les connexions déconnections des joueurs dans un MMO ne permet pas l’établissement d’un tel cadre garantissant l’unité de temps et de lieu si nécessaire au processus psychothérapeutique. Enfin, on peu se demander en quoi un MMO pourrait être psychothérapeutique en soi ?

L’autre information concerne la mise en place, en partenariat avec Metaboli ((détail amusant, sur Metaboli.fr les joueurs passant le plus de temps à jouer sont is en avant. Il n’est pas question ici d’addiction au jeu vidéo)), d’une échelle permettant à un joueur de choisir un jeu vidéo qui lui soit utile. Chaque joueur remplirait un questionnaire et se verrait proposer un jeu en fonction de ses réponses. Mettons de coté la question de la validé de l’échelle jusqu’a ce qu’elle soit mise en ligne. Il reste l’idée que les jeux ont en soi des vertus psychothérapeutiques. C’est simplement un renversement de perspective : hier les jeux étaient des drogues, aujourd’hui ils sont des médicaments. Il y a dans cette Fausse Bonne Idée la représentation suivante : un jeu possède ce qui manque à un joueur. Aussi proposera-t-on à un joueur inhibé de jouer à un FPS avec l’idée que puisqu’il s’agit de jeux de guerre et d’ agressivité, cela finira bien par le faire sortir de son habitus. C’est là une conception très naïve de l’inhibition et des jeux vidéo qu’une rapide observation permet de démentir : un joueur inhibé peut très bien passer son temps à camper ou a rester loin du champ de bataille.

 

L’article de Joystick