Les jeux vidéo sont souvent associés à la violence. Lorsque l’on regarde la liste des 10 jeux les plus vendus en 2008, trois jeux peuvent entrent dans la catégorie des jeux violents((je prends “violent” au sens le plus simple, car on pourrait montrer la violence qui se trouve derrière les images kawaï de Mario ou d’un match de football)). Si l’on prend la liste complète, en mettant systématiquement tous les jeux de tir en première personne, les jeux de stratégie en temps réel et les jeux de baston, on arrive à 24%.

1. Call of Duty 4: Modern Warfare (X360/PS3/PC/DS) – 8,3 millions
2. Halo 3 (X360) – 8 millions
3. Guitar Hero III: Legends of Rock (PS2/PS3/X360/Wii/PC) – 7,5 millions
4. FIFA Soccer 08 (PS2/PS3/PSP/X360/Wii/DS/PC) – 5,7 millions
5. Madden NFL 08 (PS2/PS3/PSP/X360/Wii/GC/DS/PC/XBX) – 5,7 millions
6. Need for Speed: ProStreet (PS2/PS3/PSP/X360/Wii/DS/PC) – 5,4 millions
7. Pokemon Diamond/Pearl (DS) – 5 millions
8. Assassin’s Creed (X360/PS3) – 4,9 millions
9. Super Mario Galaxy (Wii) – 4,1 millions
10. Brain Age 2: More Brain Training in Minutes a Day (DS) – 4 millions

Source : Next Generation

Selon sa sensibilité, on trouvera que 24% de jeux violents, c’est peu ou c’est beaucoup trop

Dans les deux cas, faut prendre aussi en compte le fait que la démographie des joueurs s’est considérablement modifiée en deux décennies. Elle s’est d’abord féminisée et rajeunie, et depuis quelques années, les seniors constituent un nouveau public. Ces nouveaux joueurs sont beaucoup moins friands que les hardcore gamers des jeux violents et le top des ventes a été par le passé beaucoup plus guerrier que cela.

La question de l’affinité des jeux vidéo et de la violence reste donc ouverte et je ferais trois hypothèses

 

1. Les jeux vidéo sont violents parce que nous sommes violents

Nous sommes des être sociaux violents. Pierre Clastres, dans Archéologie de la violence donne une critique des analyses qui sont associées à la guerre. La guerre n’est pas “naturelle”, elle n’est pas un prolongement de la chasse (Leroy-Gourhan). Elle n’est pas liée à l’économie car l’économie primitive n’est pas une économie de la misère. On se fait la guerre même lorsqu’il y a suffisament de biens et de territoires. La guerre n’est pas non plus une alternative à l’échange (Levi-Strauss). mais une structure permettant de maintenir la cohésion et l’indépendance de la communauté. ((Pierre Clastres distingue ici l’échange comme constitutif des sociétés (prohibition de l’inceste, exogamie) et l’échange banal avec ce que cela sous entend comme tactique politique dans laquelle les meilleurs alliés sont les parents))

 

2. Les jeux vidéo violents sont une réparation symbolique

Le siècle passé a vu à deux reprises fois le monde se jeter contre le monde. La seconde guerre mondiale a été d’autant plus traumatique que les fils ont du prendre part à un conflit que les pères leur avait garanti comme impossible. La guerre froide qui a suivi le second conflit mondial est le signe sur de la sidération qui a saisit le monde. Devant le choc de la rupture des articulations idéologiques, le monde s’est déchiré en deux, chacune des parties haïssant l’autre et considérant qu’elle détient le “bon” point de vue. La glaciation des relations a permis de maintenir un équilibre précaire et de contenir la terreur qui avait saisit le monde. Le dégel aura duré une quarantaine d’années mais le monde ne sortira de sa torpeur que pour voir les deux tours de Manhattan s’effondrer. La plupart des jeux de guerre couvrant la seconde guerre mondiale, il est possible que les jeux vidéo soient une façon de rejouer avec ce qui est resté en souffrance dans la culture. La focalisation des jeux de guerre sur cette période doit sans doute beaucoup au fait que qu’elle est le dernier conflit dans lequel il est encore possible de voir des “bons” et des “mauvais”. Les clivages idéologiques ont permis la production et le maintien de la figure de héros positifs et négatifs. Courir sur Omaha beach, s’enterrer devant un T72 à Kursk ou voler sur un B-27 seraient alors autant de tentatives collectives et individuelles d’introjecter les éléments d’histoire et les sensations éparses laissés par la guerre. En ce sens, le goût pour les jeux de guerre témoignent d’une soif de réparation symbolique.

 

3. Les jeux vidéos sont violents parce que ce sont des jeux

Les jeux vidéo assument là une des fonctions du jeu en général : réguler l’agressivité, et l’articuler au reste du fonctionnement psychique de la personne. Tuer avec un jeu vidéo reste encore et toujours tuer en semblant. Parce que l’on est dans l’aire de jeu, alors il devient possible de se laisser aller à sa destructivité.  sans craindre de mesures de retalliation de la part de l’environnement. Dans le dispositif de jeu, la sauvegarde et la restauration jouent un grand rôle dans l’économie psychique du joueur puisqu’il est possible de se garder sauf du danger et en cas de problème de revenir à l’état initial.