C’est une expérience assez banale : un joueur de jeu vidéo s’engage pour une activité ne doit pas prendre plus de quelques minutes, et se retrouve avec quelques grosses poignées de dizaines de minutes au compteur lorsqu’il relève le nez de l’écran. Comment expliquer que le “Juste 5 minutes chéri(e)/papa/maman” soit le signe le plus sûr que la partie va s’éterniser ?

Pour répondre à cette question, il faut prendre en compte à la fois le design des MMORPG et un concept psychologique. Les MMORPG sont des jeux dans lesquels il y a toujours quelque chose à faire. Les joueurs ont des quêtes à compléter, des niveaux à finir, des équipements à obtenir, des métiers dans lesquels progresser, des explorations à réaliser… Pour les joueurs, ce sont autant de buts à atteindre, avec leurs promesses de récompenses. Mais parce qu’il y a toujours quelque chose à terminer, les MMORPG mêlent aux douceurs promises l’amertume actuelle de l’inachèvement.

C’est ici qu’entre en jeu un concept psychologique : l’effet Zeigarnick. Cette psychologue a remarqué que les serveurs gardaient en mémoire les commandes tant qu’elles n’avaient pas été traitées en cuisine ou servies aux clients.  Ils  maintiennent la liste des plats dans leur mémoire à court-terme mais cet investissement demande des efforts cognitifs importants.

Ces efforts ont des conséquences. On appelle effet Zeigarnick le fait que nous avons tendance à davantage nous souvenir des activités que nous n’avons pas conduites à leur terme. A partir du moment ou nous avons commencé à faire quelque chose, nous avons tendance à vouloir terminer l’activité, car l’inachèvement nous laisse dans un état de tension. A l’opposé, terminer une tache, même la plus modeste, nous laisse avec un sentiment de plaisir et de réalisation.

On comprend que cet effet soit fortement sollicité dans les MMORPG. A partir de la première quêtes, ces jeux sont des suites infinies de choses à faire. Une quête terminée signifie qu’il faille en faire d’autres. Par ailleurs, les quêtes demandent souvent de rapporter un nombre donné d’objets. Cela peut être par exemple de rapporter 12 pièces de cuir à un personnage. Un joueur qui a commencé la quête aura tendance à la finir, quitte à prononcer la phrase fameuse phrase “Plus que 5 minutes”. Jouer à un MMO signifie entrer dans une monde infini de choses à faire et donc à avoir affaire à l’effet Zeigarnick.

L’effet Zeigarnick fonctionne également lorsque le joueur est proche de passer un niveau, sur le point d’acquérir d’une nouvelle compétence, ou encore lorsque qu’il va recevoir un titre pour une réalisation quelconque. Même pour les joueurs qui ne sont pas particulièrement attachés aux réalisations, la satisfaction du travail bien fait qui est associé au fait de terminer les choses est puissante motivation. Cela vaut bien la peine d’attendre encore 5 minutes de plus !

Cet effet se fait sentir également dans la vie groupale des MMORPG. Quitter un groupe d’instance, ou pire, un Raid, avant qu’il ne soit achevé peut être une chose difficile. Une fois que plusieurs heures ont été passées pour réunir un groupe de joueurs, que la session a duré plusieurs heures de jeu intense et complexe, il est difficile de quitter la partie et le groupe avant le succès complet. Arrêter de jouer est alors vécu comme un échec personnel et comme quelque chose pénalisant plusieurs autres personnes.

L’effet Zeigarnick peut être en cause à chaque fois qu’une personne joue plus de temps qu’elle ne le prévoyait. Le jeu excessif, qu’il soit bénin, ou qu’ils soit associé à d’autres difficultés est ainsi lié au fait que nous avons tendance à vouloir terminer ce que nous avons commencé.

La  vie affective et inconsciente joue également un rôle dans l’effet Zeigarnick. Pour certains, laisser les choses en plan est impossible du fait d’un  fonctionnement psychologique sur un mode idéalisant. ¨Pour ces personnes, l’inachèvement est vécu douloureusement, car il renvoie à une image incomplète et imparfaites d’elles même. Soumises à la tyrannie de l’idéal, elles doivent faire les choses parfaitement, et pour ce faire, il leur est nécessaire de les terminer à tout prix.

Pour d’autres personnes, ce n’est pas un fonctionnement idealisant qui est en jeu mais la difficulté à se séparer. L’impossibilité à ne pas terminer correspond à une impossibilité à abandonner. La nécessité d’avoir toujours quelque chose à faire dès que quelque chose se termine est à mettre en lien avec la recherche d’un attachement sécure.

Finalement, lorsque l’on examine le temps passé à jouer à un jeu vidéo, il faut prendre au moins trois séries de facteurs en compte :

1) les motivations intrinsèques apportées par le jeu vidéo. Les jeux vidéo sont des extrêmement performants dans ce domaine.  Ils satisfont les besoins psychologiques de base que sont les besoin de compétence, d’autonomie et de relation. Une personne qui ne voit pas ces besoins satisfaits dans sa vie privée ou professionnelle aura tendance à chercher à les réaliser ailleurs.

2) l’effet Zeigarnick qui a tendance a maintenir la personne en jeu tant que qu’elle n’a pas terminé les taches qu’elle s’est donnée. Cet effet est lié a la vie affection et émotionnelle des personnes.

3) les relations de groupe qui peuvent maintenir une personne ne jeu du fait des effets de colle sociale et de culpabilité qu’ils peuvent générer