Meuporg est définitivement le mot de la journée. Et il y a des chances qu’il entre dans le vocabulaire de l’Internet. Si vous ne savez pas ce qu’est un meuporg (faut-il une majuscule ?) c’est que vous avez manqué Nathanaël de Rincquesen sur Télé Matin pendant l’émission Télé Matin que “. La vidéo a déjà été vue plus de 155.000 fois et le mot dispose de 6 fan page sur Facebook.

 

Meuporg ? Vous aurez donc compris qu’il s’agit d’un [W:MMORPG]

Nathanaël de Rincquesen se faisait l’écho d’un court papier de Libération : Cyberdépendance : un enjeu en ligne de mire. Malheureusement, il ne semble pas avoir vu les guillemets et les points d’interrogation du journal. Il parle doctement de choses dont manifestement il ignore tout en filant la métaphore de la toxicomanie. Si les drogués consomment des produits, alors il est probable que “des jeunes passent leurs journées derrière un écran a se goinfrer des meuporg”.  Il faut reconnaitre à Nathanaël de Rincquesen un certain talent : en 54 seccondes, tous les signaux d’alarme sont tirés : “l’addiction à la vidéo”, “”les spécialistes nous parlent de conduite addictive”, “un phénomène plutôt préoccupant”, “”jeunes qui passent leur journée derrière un écran à se goinfrer des “meuporg”” “

 

Double jeu.

Reconnaissons à Nathanaël de Rincquesen au moins une chose : la plupart des “spécialistes” des jeux vidéo viennent de l’addictologie, ce qui n’aide pas à y voir plus clair.Si l’on compte les psy* qui s’occupent des jeux vidéo et qui apparaissent dans l’espace médiatique : la plupart viennent de l’addictologie. Marc Valleur (psychiatre), Thomas Gaon (psychologue), Elisabeth Rossé (psychologue), Serge Tisseron (psychiatre, psychanalyste), Michael Stora (psychologue, psychanalyste) et moi-même. La moitié travaille à Marmottan et tous parlaient d’une addiction aux jeux vidéo. Avant Mars 2009, on ne trouve aucun psychologue/psychothérapeute/psychiatre qui dise aussi clairement : il n’y a pas d’addiction aux jeux vidéo.

Certes, parfois Marc Valleur dit des choses comme   "Disons le clairement, nous n’avons pas connaissance de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéos parmi les enfants, mais certains abus, certaines pratiques frénétiques témoignent d’un malaise et souvent d’un dysfonctionnement au sein du cercle familial.” (Valleur & Matysiak, 2004) mais malheureusement il le dit après une trentaine de pages ou il laisse entendre que les MMO causent des problèmes.

On pourrait s’en satisfaire. Mais pourquoi alors ne ferme t-il pas cette consultation de cyberdépendance qu’il dirige à Marmottant ? Cela fait six années qu’il dit clairement qu’il n’y a pas de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéo parmi les enfants ! Six ans ! Pourquoi recevoir dans un service d’addictologie des personnes qui n’en relèvent pas ? Reçoit-on en gastroentérologique quelqu’un qui relève de la dermatologie ?

S’il n’y a pas d’addiction aux jeux vidéo, pourquoi en parler dans le stage de formation “Première approche du jeu pathologique et du jeu excessif” Pourquoi former des infirmiers, des psy*, des éducateurs etc.. qui vont repartir dans leurs institutions parler d’une pathologie dont on dit par ailleurs qu’elle n’existe pas ?

Il s’entretient là un double jeu des plus dommageable. Car lorsque l’on parle de “sur-consommation de jeux vidéo”, c’est tout l’imaginaire de l’alcoolique ou du toxicomane que l’on convoque. Parler de “dépendance” plutôt que d’ “addiction” ne change rien car on sait bien que l’ivrogne est dépendant de sa bouteille et le drogué de ses cachetons.