Mais Qui a peur des jeux vidéo ? Apparemment, des parents inquiets de voir leur progéniture s’égarer dans la forêt de consoles et autres PCs. Les "dangers" sont connus : se perdre dans les miroirs que nous tendent les mondes en ligne, la violence dont certains jeux sont porteurs, et l’addiction aux jeux vidéo. Serge Tisseron traite de ces questions en quelques chapitres alertes
Le livre est grand public et est écrit un peu à la manière de Comment Hitchkock m’a guéri. On y découvre un Serge Tisseron gamer, parcourant les couloirs de Donjon Masters ou parcourant les mers de Pirates. Le ton est volontiers pédagogique, et la volonté est de dénoncer les deux mythes faire obstacle à une compréhension des jeux vidéos : la confusion entre la réalité et le virtuel, et le jeu vidéo comme retrait sur soi-même. Contre ces Charybde et Scylla imaginaires du jeu vidéo, Serge Tisseron ajoute une note positive
Le jeu vidéo est d’abord "un merveilleux tranquillisant". Dans un monde ou le changement permanent est devenu la règle, le jeu vidéo offre un espace ou une maitrise peut être effective. La maitrise peut arriver a de tels niveau que le joueur joue avec le jeu, en détournant les fonctions de certains objets. Ainsi, dans [W:Quake], le lance-rockettes peut être utilisé comme propulseur, permettant ainsi au joueur de dessiner de trajectoires de toute beauté. Sans aller jusqu’à cette virtuosité (vidéo Rocket jumping), la maîtrise est au cœur de tout dispositif vidéo-ludique : maîtrise de soi et de son armement sur le champ de bataille, maitrise du développement de sa ville ou de son pays, maîtrise de la trajectoire de son véhicule, maîtrise de son pointeur… donnent ainsi a chacun la possibilité de vivre dans l’illusion une maîtrise plus ou moins totale
Serge Tisseron relève ici des éléments importants. Le premier est que le jeu vidéo donne un cadre ou vivre des émotions intenses. En cela, il est comparable aux autres jeux. Le second est que ce cadre est un cadre habituel. Serge Tisseron utilise l’image de la maison. L’écran devient un espace intime, séparé du monde des adultes dans lequel il va investir des images ou des modes de fonctionnement qui vont lui permettre peu à peu d’adosser des éléments de sa vie psychique. On peut ainsi remettre en scène des éléments de son enfance, être avec un objet du jeu comme une mère est avec son enfant, ou comme on voudrait qu’elle le soit… C’est à dire qu’il va jouer des variations autour d’un même fantasme. Un fantasme inconscient se présente souvent sous la forme d’une phrase, par exemple : "On bat un enfant" Toutes les variations autour de ce fantasme – changement de sujet, de verbe ou de complément – sont peuvent être facilement mises en scène dans un jeu vidéo.
Après le contrôle, le lieu ou vivre des émotions, la mise en scène de fantasmes, les jeux vidéo ont également pour fonction de soutenir les mouvements de d’individuation et de séparation. Cela passe par la manipulation des objets – les Mario, les bâtiments, les véhicules … – permettent les renversements passivité – activité : traiter l’objet comme on a été traité (ou différemment). La séparation est également en jeu dans les rituels qui se forment autour du jeu vidéo. il y a bien entendu la formation de l’identité du gamer – il y a ceux qui jouent, et les autres – mais il y a aussi des rituels en ligne qui commencent à émerger. Serge Tisseron retrouve là l’idée de moratoire que Sherry Turkle avait emprunté à Milton Erickson pour rendre compte de l’attrait des mondes "virtuels" par les plus jeunes.
L’angoisse est le dernier élément qui fait des jeux vidéos un objet si attrayant. Il semble qu’il n’y ait pas de forme d’angoisse qui ne soit pas mise en forme par le jeu vidéo. Les conflits œdipiens y sont fréquents – combien de princesses à sauver ? combien de big boss à tuer ?. Ces mécaniques ne sont pas éloignées de celles des contes de fées. Aux angoisses suscitées par les conflits œdipiens s’ajoutent des angoisses bien plus archaïques : angoisses de morcellement, d’anéantissement, de chute sans fin, ou encore angoisses d’abandon
La question de l’éventuelle perte de soi dans les jeu vidéos est traitée frontalement : il s’agit d’un fantasme. De la même manière que l’on ne craint pas qu’un enfant s’identifie trop au chef de gare lorsqu’il joue au train électrique, il n’y a pas à craindre qu’un enfant s’identifie a trop a un personnage de jeu vidéo. L’avatar, c’est à dire la représentation du joueur dans le jeu vidéo, peut même être un outil au service de la construction de soi. C’est un « hydbride, mi-objet mi-image », qui peut traduire des émotions, représenter un moment de la vie du joueur ou servir de support pour penser des changements d’état – l’avatar change de forme lorsqu’il change de niveau – ou encore être un masque derrière lequel on se cache pour détruire ou aimer.
Dans le débat sur la violence, Serge Tisseron met les deux camps dos à dos : le jeu vidéo n’est pas une catharsis qui empêcherait d’être violent; elle n’est pas non plus un élément sur lequel on peut passer sans s’interroger. Les enfants ne sont pas tous égaux devant la violence des images. L’impact de celles ci dépend de l’équipement et des trajectoires de vie de chacun. Il y a donc lieu, pour tout adulte, de veiller a l’impact que peuvent avoir les jeux vidéo violents. Celle-ci n’est pas forcément à éviter, car elle est une médiation possible – les films, les livres, et les discussions familiales en sont d’autres – de la violence de l’histoire : guerres, déportations, massacres, holocaustes… si ces éléments sont autant dans les jeux vidéos, n’est ce pas aussi une façon pour nous de les digérer ?
Enfin, Serge Tisseron clôt "Qui a peur des jeux vidéos" par la question de l’addiction. Il lui préfère le mot de "dépendance" parce que plus ouvert : on peut être dépendant des jeux vidéos pour traverser un moment difficile ou pour se sentir exister, ce qui est plus problématique. Serge Tisseron reprend la catégorisation des joueurs en fonction du type d’angoisse ou d’usage : ceux qui luttent contre l’angoisse de séparation, ceux qui recherchent des sensations fortes, ceux qui aiment la manipulation et la construction, ceux qui recherchent l’excellence et enfin ceux qui cherchent des contacts sociaux. Cette typologie lui permet de dresser un carte des risques de dépendance en fonction des usages. L’avantage d’une telle typologie est qu’elle permet au moins la discussion argumentée ce qui change des autres positions qui se résument souvent à des anathèmes ou des affirmations simplistes.
Au final, le livre est à conseiller a toute personne qui souhaite avoir un panorama général sur les jeux vidéos et leurs fonctions. Les éducateurs, professeurs et parents en apprécieront le style clair et l’absence de jargon. Ceux qui souhaitent un point de vue et des développements plus théoriques pourront se tourner vers L’enfant au risque du virtuel et La dyade numérique.
Bonjour,
je suis content d’apprendre qu’un ouvrage tentant de démystifier les jeux vidéos écrit par une personne ayant qualité d’expert ( le principe de la crédibilité de la source ayant valeur d’expert est important pour avoir un impact sur le lecteur lambda ) voit le jour mais j’ai peur qu’il ne soit pas assez précis notamment sur les MMORPG comme World Of Warcraft où la notion de multijoueurs ( autrement dit la notion de rapports sociaux ) est trés souvent ignorée par les néophytes qui critiquent sans connaitre maintenant le fantasme que l’on joue tout seul lorsqu’on est en train d’y jouer.
Je suis un joueur de WoW ayant une expérience du PVE HL, je suis disposé à échanger sur mon expérience de gamer si ça peut vous aider dans votre projet de thèse.
PS : on dit Draenei et non Dranie ;)
Un livre qui à l’air très intéressant, je vais me le procurer. Pour ma part, il y a une chose qui m’a récemment fasciné c’est la capacité de ces jeux à provoquer de réelle émotions fortes. Dans World Of Warcraft, j’ai toujours joué sur des serveur PVE, donc sans avoir à affronter d’autre joueurs, mais il y à quelques mois, j’ai rejoints mon ancienne guilde sur un serveur PVP, et à plusieurs reprises, je me suis retrouvé dans des zones inconnues ou je suis tombé nez à nez face à un ennemi. J’ai éprouvé de fortes montées d’adrénaline et à la fin de ces combats qui ne duraient que quelques secondes mes émotions étaient vraiment très fortes, mélange de peur, de colère ou de fierté en fonction de l’issue des combats. Personnellement, je ne connais que peu d’activités dans la vie réelle capable de provoquer des émotions aussi forte, et rien que d’y penser, cela me redonne envie de m’y replonger.
Wolkam je pense qu’aprés un certain temps tu seras vite déçu des serveurs PVP car le PVP dit sauvage n’est pas équilibré, ce qui entraine la possibilité pour certains d’exprimer leur côté “je m’amuse à ton détriment parceque ça me plait et que Blizzard le tolère !”.
J’ai pour ma part pour ainsi dire toujours joué sur un serveur PVP et je suis en train de réfléchir à migrer sur un serveur PVE justement pour fuir les dérives qu’un tel système génère.
Quant au fait de faire du PVP tu as la possiblité de le faire en BG ( Battle Ground )et ce quel que soit ton type de serveur.
Il est nécéssaire pour éviter les interprétations de dévelloper/traduire ce dont tu parles mon cher Wolkam.
Donc pour les néophytes du langage des gamers il est important de comprendre ce qu’est un serveur PVP et un serveur PVE.
– Un serveur PVE ( Player Versus Environment ) est un serveur sur lequel les joueurs de la faction adverse ne peuvent pas vous attaquer sauf si vous les autorisez.
– Un serveur PVP ( Player Versus Player ) est lui un serveur qui distingue 3 types de zone :
Territoire allié => zone dans laquelle les membres de la faction opposée ne peuvent vous attaquez sauf si vous les autoriser ou les attaquer.
Territoire constesté => la fameuse zone à laquelle Wolkam fait référence, zone dans laquelle les membres de la faction opposée peuvent vous attaquer à vue et vice-versa.
Territoire ennemi => zone dans laquelle vous ne pouvez pas attaquer la faction ennemi ( c’est leur zone allié ) sauf si ils vous attaquent.
Oui, tu fais bien de préciser Remy, j’avais oublié un instant que nous n’étions pas sur un blog dédiés au joueurs de MMORPG. Je connais bien les serveurs et notamment les arènes ou champs de bataille dont tu parles, mais c’est vrai que de par mon caractère, j’ai toujours été plus attiré par la partie jeu de rôle des MMORPGs, en général, j’évite les combats :D. C’est sans doute pour cela que j’ai été encore plus impressionné par la puissance des émotions que l’on peut ressentir lorsqu’on se sent traqué ou surpris par une attaque venant d’un autre joueur. Je suppose qu’avec l’habitude, le cœur ne s’emballe plus aussi facilement, mais je continue de penser que ces jeux peuvent provoquer de très fortes émotions, ce qui explique sans doute l’engouement de nombreux joueurs.
@Rémi, merci des traductions !
@Wolkam De mon expérience, les émotions s’émoussent un peu mais la tension est toujours la. Je joue sur un serveur PvP et je KoS tout ally que je croise (euh, je tue à vue tout membre de la faction Alliance).
Je le fais en RP : ce n’est pas parce que je suis Tauren que je n’ai pas d’éducation. Un /salut avant de sauter sur l’ally est toujours bienvenu. Cela permet même parfois, pendant que l’on échange quelques amabilités, de restaurer sa précise mana ou d’attendre qu’un pouvoir soit à nouveau disponible.
Petite histoire. Hier, je croise un ally. Je le tue. Rapidement. Comme c’était un voleur, je me doutais qu’il allait revenir. Je pose donc un piège de glace et je continue tranquilement mes quêtes. Deux minutes plus tard montre en main, j’entends le DING ! qui me signale le déclenchement du piège. Je prends le temps de quelques émoticons avant de le libérer du piège et de le tuer. C’était un voleur tétu. Et imbécile, parce qu’il a recommencé deux fois, et qu’il est a chaque fois tombé dans le piège de glace !
Presque tous mes souvenirs de MMO sont des souvenirs de PvP : la fois ou j’ai poursuivi un druide à Strangleronce pendant 10 minutes, la fois ou un paladin m’a fait des misères, celles ou il a fallu tenir la croisée.. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas que cela : ForgeFer a suscité chez moi un plaisir esthétique, j’aime l’ocre des Tarides…
Haha, un Frère Tauren, moi aussi je n’ai pu me résoudre à être autre chose qu’un tauren, j’aime le coté en osmose avec la nature.
Mais je garde quand même de merveilleux souvenir de Roleplay, même dans WoW (n’en déplaise à mes amis de Ryzom qui étaient persuadé que ce n’était pas possible).
Durant 3 mois, j’ai joué le rôle d’une démoniste humaine qui voulait absolument aider la horde à délivrer notre ville des humains bien pensant. J’ai eu la chance d’être pris en chasse par une guilde “Les croisés de la Lumière” qui pourchassaient les démons. J’ai passé d’excellent moments sur ce serveur de Roleplay ou nous avons pu improviser une histoire qui à duré plusieurs semaines. Un excellent souvenir de jeu.
@Wolkam : Tiens ! Moi j’ai fait une elfe de la nuit qui avait été élevé par des nains et qui refusait donc d’engager le combat contre cette vénérable race ! J’étais pas toujours comprise !