Jusqu’à présent, sur ce blog, l’accent a été mis sur la narration. Dans cette perspective, les jeux vidéo et les dispositifs numériques sont compris comme des discours. Ils sont produits par le sujet ou proposés par le dispositif. Dans le premier cas, l’utilisateur se raconte une histoire ou est raconté par ses actions. Dans le second cas, le dispositif propose une histoire dans laquelle l’utilisateur joue un rôle.
Pour Brenda Laurel (Computer as theater), il en va tout autrement. Les opérations qui sont produites avec un ordinateur sont très différentes de celles de la narration. Un joueur ne se raconte pas une histoire quand il joue. Il a plutôt en tête des représentations d’action : faire ceci, aller là-bas . Avec les ordinateurs, nous sommes donc pour Brenda Laurel davantage du coté de la performance scénique que de la narration. Les ordinateurs nécessitent des actions, pas des récits. Ils sont des espaces scéniques et l’utilisateur est un performer . Ses actes peuvent donc être explicités par les théories du théâtre.
Avec un ordinateur, les choses ne prennent sens que si quelque chose est fait. L’ordinateur n’est donc pas si différent de la scène de théâtre : tous demandent à ce que des manipulations soient faites pour que quelque fasse sens. En effet, dans le théâtre, la scène est le lieu ou est représentée la pièce. Des acteurs jouent des personnages, et interagissent avec les objets du décor. La pièce jouée est vue par des spectateurs. La scène est encadrée par les tringles et l’arrière-scène qui restent invisible du public. Lorsque la pièce fonctionne, seul ce qui est sur scène est important. Le dispositif théâtral permet de comprendre l’interaction humain-ordinateur : « Dans une perspective théâtrale de l’activité homme-ordinateur, la scène est le monde virtuel. Il est occupé par des agents, à la fois humains et créés par des ordinateurs et d’autres éléments du contexte représentationnel (fenêtre, tasse à thé, ou tout ce que vous voudrez). La magie technique qui rend possible la représentation est comme dans le théâtre, dans l’arrière scène. Que la magie soit le fait du matériel, des logiciel ou du cerveau n’a aucune importance. Sa valeur est toute entière contenue sur la « scène ». En d’autres mots, il n’y a que la représentation » (Laurel, B., 1993 :17). . La scène de théâtre et l’interface ont en commun d’être des espaces de représentation d’action.
Le rapprochement avec le théâtre se prolonge dans les usages que nous avons des ordinateurs. Nous utilisons régulièrement des « outils » pour « copier », « coller » ou « écrire » mais ce ne sont jamais que des représentations d’outils et d’actions. Mais comme dans le théâtre, ces représentations, ces représentations ont des effets et des conséquences dans la vie réelle. Le théâtre comme les ordinateurs utilisent les ordinateurs comme des cadres à pensées : « Tous deux tentent d’amplifier et d’organiser l’expérience. Tous deux ont la capacité de représenter les actions et le situations qui n’existent pas et ne peuvent pas exister dans le monde réel, d’une manière qui nous invite à agrandir nos pensées, nos sentiments et nos sens à les envelopper »