Le site Library.nu a fermé et c’est une catastrophe similaire à l’incendie de la grande bibliothèque d’Alexandrie. Library.nu détenait près de 400 mille titres. Sa valeur inestimable tenait dans le fait que la majorité des livres étaient des livres universitaires ou permettant la recherche universitaire.

Le site a fermé a la suite d’injonction légales de 17 éditeurs. Je le dis tout net : la force de la loi est du coté des barbares. Oui, la très grande majorité des documents publiés sur Library.nu n’étaient pas libre de droit. Oui, la majorité des téléchargements qui y étaient effectués étaient illégaux. Oui, la plus grande partie des utilisateurs se rendaient coupables de vol.

Oui, le vol est un crime.

Mais il est un crime plus grand encore. C’est celui de la captation des savoirs et de la culture.

Le numérique a rendu l’ancien système de diffusion du savoir obsolète. Plus exactement, il a montré le visage profondément inégalitaire et injuste du mode de distribution du savoir. Les bibliothèques deviennent moins des lieux de distribution et de diffusion et de plus en plus des silos dans lesquels sont enfermés hors de la portée du citoyen les savoirs qui sont produits avec ses impôts. Elles distribuent avec parcimonie les connaissances aux quelques happy few que sont les universitaires. Et encore, selon votre université d’affectation, vous avez accès ou non à certaines bases. Cet accès est en effet tributaire des abonnements des laboratoires de recherche auprès des revues. Comme citoyens, nous payons donc deux fois : pour produire la recherche, et pour avoir accès aux documents qui rendent compte d’un travail qui a déà été payé avec notre argent. Peut-on imaginer un système plus injuste ?

Voilà donc la cartographie de la distribution du savoir : quelques personnes accèdent à la plus grande partie de la connaissance publiée en payant le prix fort. La majorité des personnes n’accède pas à cette connaissance par manque de moyens financiers ou pratiques.

Dès l’instant ou un objet devient numérique, il aspire à la liberté et au partage. Cela est vrai des films, des musiques, et des livres. Et j’ai tendance à penser que cela est une bonne chose. Nous savons pour la musique et les films que l’économie de partage numérique ne met pas en péril l’économie marchande. Pourquoi en serait-il différemment pour les livres ?

Le numérique n’a pas que la face lumineuse du partage. Il aspire également, au contact de tout pouvoir, au contrôle et à la maitrise. Des épisodes avec le Kindle a montré qu’un éditeur pouvait contrôler le contenu de la bibliothèque d’une personne. C’est ce contrôle qui se joue aujourd’hui avec les livres numériques sous couvert de la question du droit d’auteur.

Ce qui se joue autour de la fermeture de library.nu ou de la traduction par  François Bon du Vieil homme et la mer est tout simplement le contrôle de la culture.