Le psychothérapeute qui souhaite se lancer dans la médiation thérapeutique avec les jeux vidéo est souvent face à une question redoutable : quels jeux vidéo utiliser ? L’offre de jeux est si pléthorique qu’elle en devient intimidante. Jusqu’ici, ma réponse avait été : “choisissez de beaux jeux vidéo”. L’expérience de la beauté est en effet pour moi une des spécificité de la médiation vidéo ludique. Avec l’article de Marion Haza et Antoine Barsi, il est maintenant possible de répondre : “choisissez des jeux rétro”.

Le rétrogaming utilise du matériel de jeu des années 1970 aux années 2000. La simplicité technologique du matériel se traduit par des graphismes moins élaborés, des couleurs limitées et des animations basiques. Comparé aux machines d’aujourd’hui qui livrent un son spatialisé, des graphismes de très haute qualité et des animations cinématographiques, le rétrogaming, c’est le gaming de papa ou de grand-papa pour certains.

C’est précisément cet aspect qui rend le rétrogaming intéressant en psychothérapie. Marion Haza et Antoine Barsi montrent que jouer aux jeux vidéo du siècle précédent favorise l’accès à des souvenirs nostalgiques, des moments d’enfance et un lien avec le passé. Tous ces aspects font de ces jeux des médias intéressants pour le psychothérapeute.

Mais ce n’est pas le seul aspect qui rend les jeux rétro intéressants dans la salle de psychothérapie. Les jeux vidéo rétro font partie de la mémoire collective de plusieurs générations. Leur utilisation peut faciliter la création de liens intergénérationnels en partageant des expériences communes entre parents et enfants ou même entre différentes générations d’une même famille. Un parent peut avoir du mal à maîtriser la complexité des combos du dernier FIFA, mais il aura sans doute peu de difficulté à se déplacer dans le labyrinthe de Pac-Man. Les jeux rétro sont donc des plateformes où parents et enfants peuvent se retrouver pour jouer ensemble.

Les jeux rétro ont souvent des mécaniques et des règles de jeu simples. Pensez au “Évitez de manquer la balle pour gagner” de Pong, par exemple, et comparez à toutes les mécaniques de déplacement, de tir, et de construction de Fortnite. Quelques secondes sont nécessaires pour prendre en main le premier jeu alors qu’il faut plusieurs dizaines d’heures de jeu pour arriver à une relative aisance pour le second. Cette simplicité peut réduire l’anxiété liée à l’apprentissage de nouveaux systèmes de jeu et permettre aux patients de se concentrer sur le plaisir et l’expérience thérapeutique plutôt que sur la maîtrise de compétences complexes. Il ne faudrait pas penser que les jeux rétro ne sont utiles que pour des adultes vieillissants incapables de faire les apprentissages complexes des jeux vidéo d’aujourd’hui. L’interface utilisateur et la jouabilité plus directes des jeux rétro peuvent être particulièrement bénéfiques pour les jeunes enfants ou les patients ayant des difficultés cognitives ou motrices, offrant une entrée facile dans le monde du jeu vidéo thérapeutique.

Les personnages et les histoires des jeux vidéo rétro sont souvent simples mais puissamment symboliques. Le jeu Spyro le dragon cité dans l’article de Marion Haza et Antoine Barsi met en scène un personnage énergique et courageux, mais qui peut aussi être arrogant. Ce défaut ne l’empêchera pas, avec l’aide du joueur, de venir à bout de Gnasty Gnorc qui a transformé ses amis dragons en cristal. Ces quelques mots sont saturés de symboles qu’il est intéressant de faire jouer en psychothérapie. Le petit dragon est plein de la promesse du grand dragon qu’il deviendra sans doute. Le dragon est connecté à la puissance, la force, la protection et la bienveillance, mais aussi à l’avidité et à l’arrogance tandis que le cristal peut symboliser le gel défensif et les fragilités personnelles. En jouant à Spyro le dragon, le joueur est connecté à une matrice symbolique qui facilite l’expression des attentes, craintes et conflits personnels.

Utiliser des jeux vidéo rétro peut créer des opportunités de dialogue entre les générations. Comment résister à un “je me souviens” lorsque l’on voit l’écran de Pac-Man, de Pong ou de Space Invaders ? Les parents ou grands-parents qui ont joué à ces jeux peuvent partager leurs expériences avec les jeunes patients, renforçant ainsi les liens familiaux et offrant des points de discussion naturels. Ces discussions sont recherchées par les psychothérapeutes parce qu’elles peuvent aider les patients à se sentir plus connectés à leur famille et à leur histoire. Elles peuvent aider les patients à se sentir plus connectés à leur famille et à leur histoire, ce qui peut être très réconfortant, stabilisant et finalement structurant

 

 

Marion Haza-Pery et Antoine Barsi. (2024). Usage du rétrogaming en médiation thérapeutique : une mise en histoire intergénérationnelle. Sciences du jeu, 22. URL : https://journals.openedition.org/sdj/6723 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11sts