Pascal Minotte et Jean-Yves Donnay  de l’Institut Wallon pour la santé mentale viennent de rendre compte un rapport que Les usages problématiques de l’Internet et des jeux vidéo. L’histoire de l’Internet et des jeux vidéo y est dressée a grand traits avant d’arriver au cœur du rapport de synthèse : les usages problématiques. Vous ne serez sans doute pas surpris d’apprendre que l’on est très loin de #meuporg !

 

Il y a bien quelques coquilles – Yvan Golberg n’est pas professeur – mais on ne boudera pas son plaisir. Vous y retrouverez Serge Tisseron, Thomas Gaon mais aussi Olivier Mauco. Dan Velea et Marc Valleur  présentés comme champions des addictions dites sans objets et Michael Stora oublié comme étant celui qui a introduit la notion en France.

 

 

 

 

 

Les auteurs font quelques recommandations :

Recommandations concernant les Usages Problématiques des Technologies
de l’Information et de la Communication (T.I.C.)

CES RECOMMANDATIONS SONT ISSUES DU GROUPE DE TRAVAIL MIS EN PLACE PAR L’INSTITUT WALLON POUR LA SANTÉ MENTALE,
ELLES ONT ÉTÉ VALIDÉES PAR LE COMITÉ DE PILOTAGE DE LA RECHERCHE ET LUES PAR LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’IWSM.

1. Les TIC participent activement à une « nouvelle donne sociale », il convient de les appréhender sereinement, sans diabolisation ni stigmatisation.
1.1 S’il est légitime et pertinent de questionner l’impact des T.I.C. et surtout des usages qui en sont faits sur la santé mentale de leurs usagers, nous nous inscrivons à contre-courant de toute forme de diabolisation de celles-ci. Rappelons qu’en leurs temps, la radio, la bande dessinée, la télévision, etc. ont suscité de nombreuses inquiétudes qui sont maintenant pour la plupart apaisées.

2. Les usages (problématiques ou non) des TIC ne sont pas le monopole d’une catégorie sociale (les jeunes !), ils concernent toutes les catégories de population.
2.1 « Les jeunes » sont généralement (et intempestivement) considérés comme une catégorie à
risque, le groupe souligne qu’ils ne sont pas les seuls usagers (passionnés ou non), tant s’en faut. Il convient de ne pas alimenter une forme de stigmatisation de cette catégorie de population ; d’autant plus que les données scientifiques disponibles invalident l’iconographie contemporaine à ce sujet (par exemple, la généralisation de la figure de l’adolescent rendu violent par la pratique des jeux vidéo…).

3. La priorité doit être donnée aux initiatives permettant l’ouverture d’espaces de dialogue et de construction de sens.
3.1 L’émergence massive dans toutes les sphères de l’existence de ces nouveaux dispositifs techniques impose que nous accompagnions cette (r)évolution d’une mise en débat et de la construction de « sens » autour de ces pratiques : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » – Rabelais. Cette nécessité traverse aussi bien le monde du travail que les parents, les enseignants, les éducateurs, etc. Parmi les thématiques concernées, nous pensons notamment à la relation à l’autre, à soi et à son corps, ou encore aux modalités de socialisation entre pairs, aux modalités de transmission intergénérationnelle et aux limites qui font parfois défaut, etc.
3.2 Un utilisateur de TIC sera d’autant plus en capacité d’en faire un bon usage qu’il aura les mots et les interlocuteurs pour parler de ce qu’il ressent, de ce qu’il vit. Par exemple, un sujet en état d’alexithymie, en difficulté dans son travail d’élaboration symbolique, sera tenté d’utiliser le jeu comme régulateur de ses émotions et de ses excitations. C’est ainsi que certains auteurs ont montré l’intérêt qu’il y a à évoquer avec les enfants et les adolescents ce qu’ils vivent face aux écrans. Il s’agit de pouvoir reconnaître ce qu’ils y font et d’y apporter du sens, penser avec eux des significations et développer un esprit critique et constructif. Cette prise de recul est nécessaire à la digestion de toutes les images et sensations auxquelles nous sommes confrontés constamment.
3.3 Les activités de promotion du bien-être et d’éducation aux médias ont un rôle clé à jouer dans ce travail.
3.4 Pour amener les parents et les professionnels à parler de ces univers avec les jeunes, il est
intéressant qu’ils soient eux-mêmes familiarisés avec ceux-ci, ou en tous les cas, qu’ils y voient une source pertinente de dialogue.
3.5 De plus, il faut souligner l’intérêt qu’il y a à développer une attitude compréhensive qui tient
compte du point de vue de tous et cherche ainsi à comprendre le sens que les usagers des TIC
investissent dans leurs pratiques.L’acronyme TIC désigne les techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations et concerne donc essentiellement l’informatique, Internet et les télécommunications.

4. Le groupe dénonce la tendance contemporaine à pathologiser et médicaliser tout comportement qui s’écarte de la norme et se montre sceptique quant à la pertinence de l’utilisation d’une nouvelle catégorie diagnostique faisant référence à la « cyberdépendance ».
4.1 Nous conservons un positionnement critique et prudent par rapport au concept de
« cyberdépendance » tel qu’il a été construit ces dix dernières années par certains chercheurs et
relayé dans les médias. Nous pensons qu’il est contre-productif en matière de promotion du bien-être et de la santé mentale, comme en terme d’adaptation des dispositifs curatifs, de travailler sur base d’une métaphore qui associe sans discernement les TIC à des drogues. Ce qui ne veut pas dire que nous récusons d’éventuelles filiations étiologiques et/ou symptomatologiques entre certains usages problématiques des TIC et d’autres formes de dépendances comportementales.

5. Nous préfèrerons à l’expression « cyberdépendances » une alternative moins stigmatisante et moins pathologisante comme l’expression « usage problématique des TIC ».
5.1 L’expression Usage Problématique renvoie avant tout à une souffrance vécue par le sujet et/ou son entourage, sans faire directement référence à une norme sociale ou une pathologie mentale.
5.2 Étant donné l’ampleur des réalités couvertes par les TIC et leurs usages, certains usages
problématiques pourront se nommer de différentes façons, nous pensons principalement aux
expressions Passion Obsessive et Surinvestissement.

6. Les usages problématiques des TIC doivent être analysés et suivis dans le cadre du
fonctionnement global de l’individu et de son contexte de vie
6.1 Les usages problématiques des TIC constituent souvent les manifestations visibles
(« symptômes ») d’un mal-être plus profond. En focalisant notre réflexion sur les propriétés
« addictives » ou « dépravantes » des TIC, nous prendrions le risque de ne pas entendre ce qui fait souffrance pour le sujet et/ou son entourage.
6.2 Pour ce faire, le triptyque « TIC – individu – environnement » (inspiré du modèle d’Olivenstein)
peut constituer une base de lecture intéressante. De la même façon, le groupe a particulièrement apprécié la description en palier des Usages Problématiques proposée par Jean Garneau qui s’écarte d’un système binaire et manichéen (présence – absence du « syndrome »).
6.3 Enfin, nous pensons que l’offre de soins sur les questions d’usage problématique des TIC ne doit pas devenir le monopole de services spécialisés. Par exemple, les Services de Santé Mentale sont en capacité d’accueillir ce type de demande. Dans ce cadre, pour les professionnels qui le désirent, des modules de « formations – familiarisation » à ces questions pourraient être proposés.