Les jeux vidéo concernent maintenant plus d’une génération. Comme tous les objets culturels, ils font l’objet de transmissions intrapsychiques, interpsychiques et transgénérationelles.

La transmission intrapsychique met en jeu les traductions d’un registre de fonctionnement à un autre, par exemple de la pensée de veille au rêve ou des gestes à la parole. Des opérations psychiques comme le déplacement, la condensation ou la diffraction, organisés autour des principes de liaison/déliaison et plaisir/déplaisir travaillent à modifier la matière psychique. Ces opérations se passent à l’intérieur de l’espace psychique d’un seul sujet.

De la même manière que la transmission intrasubjective modifie la matière psychique, la transmission intrapsychique est un travail de transformation qui permet à chaque personne de faire siennes des émotions et des pensées communes. Parfois, ce travail d’appropriation n’est pas possible. Les objets sont alors transmis tels quels avec comme impératif de ne pas les transformer. Qu’il l’accepte à son insu, comme lorsque un secret de famille est transmis, qu’il s’en défende, ou qu’il en fasse un blason, la transmission intersubjective est constitutive de la personnalité de chacun. La reconnaissance de références culturelles, politiques, de traits de personnalités, de façons de se tenir… partagées avec le groupe sont des indices de ce travail de transmission intrasubjectif.

Les transmissions intersubjectives sont au travail dans les familles. Elles sont organisatrices de la vie sociale en déterminant les conditions d’inclusion au groupe, les règles, la distribution d’éléments commun au groupe et aux individus et la transmission des interdits fondamentaux.

Elles sont aussi le mécanisme par lequel le générationnel s’introduit dans les psychismes individuels et familiaux. (J.-G. Lemaire), 2003). Elles contribuent alors à organiser les imaginaires familiaux en s’appuyant à la fois sur les éléments collectifs que sont les mythes et le contes et les éléments individuels propres à chacun (Kaës, 2005).

Les ratés de la transmission peuvent définir des cultures familiales et des lignes de vies. Des fantômes peuvent circuler dans les mémoires et hanter des membres de la famille. Parfois, des parents peuvent faire l’objet d’une véritable vénération et déterminer les choix de leurs descendants. Les actes d’un ascendant peuvent être masqués et faire l’objet de rationalisations. Enfin,  l’attachement œdipien du parent à son parent peut forcer des identifications de l’enfant à son aïeul(Eiguer, 2001)

Les mécanismes de transmission ne s’opèrent pas uniquement de façon psychique. Ils s’appuient aussi des objets concrets.  Les objets que l’on possède, que l’on partage ou que l’on hérite sont autant d’ambassadeurs de nos transmissions. Les jeux vidéo font maintenant partie des objets sur lesquels nous pouvons appuyer nos opérations de penser, qu’il s’agisse des transmissions intrasubjectives, intersubjectives ou transgénérationnelles

La fonction intrapsychique des jeux vidéo a déjà été bien abordée. Les jeux vidéo permettent de contenir et transformer les angoisses et les anxiétés des joueurs. Les angoisses trouvent en effet dans les jeux vidéo des représentations en images, en actions ou en histoires. Le “petit théâtre œdipien” est remis en jeu dans les jeux vidéo. En effet, il est utilisé comme un espace dans lequel des aspects de soi et des objets intériorisés peuvent être figurés. Il est possible de se montrer cruel ou généreux dans le jeu sans craindre d’être puni en retour ou d’être  spolié. Lorsqu’ils sont joués en famille, les jeux vidéo donnent l’occasion à chacun de découvrir des aspects réprimés ou cachés de la personnalités des autres

En se reconnaissant comme gamer, les joueurs de jeu vidéo acceptent d’avoir des gouts, des expériences et des plaisirs partagés avec d’autres. En donnant lieu à des identifications entre gamers, les transmissions intersubjectives concourent à la production d’une culture d’une culture commune à partir d’expériences partagées. La transmission intersubjective génère des références culturelles qui vont permettre à chacun de construire des représentations sur ce qu’est un bon ou un beau jeu vidéo, un jeu d’arcade ou de simulation, ou encore ce qu’il est juste ou possible de faire en ligne.

Comme objets culturels transgénérationnels, les jeux vidéo permettent d’être au contact contact des représentations et des problématiques qui circulent dans la sociétés. Ce qu’une société donne à jouer à ses enfants n’est jamais tout à fait anodin. Les jeux sont des modèles réduits dans lesquels l’enfant trouve les valeurs, les normes et les rôles qu’il aura à endosser comme adulte (lévi-Strauss). Ces aspects sont présents dans les jeux vidéo qui indiquent par exemple assez clairement des stéréotypes liés au genre.

On retrouve l’aspect transgénérationnels dans les thématiques qui sont données à jouer. Si la seconde guerre mondiale est dans les jeux vidéo cet immense terrain de jeu, c’est aussi parce que les traumatismes grave qui ont été vécus à ce moment sont encore insuffisamment intégrés. Par leurs jeux, les petits-fils de ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale s’approprient petit à petit les expériences traumatiques vécues par leurs pères en les transformant en gestes et en mots qui deviennent communicables.

Les jeux vidéo sont des interfaces entre les psyché individuelles et collectives. Ils aident à contenir et représenter des angoisses individuelles en s’appuyant sur des représentations sociales d’évènements historiques ou d’éléments mythiques. Les jeux vidéo contribuent ainsi à réaliser le vœu du poète. “Ce que tu as hérité de tes pères, acquiers le, afin de le posséder…