Benoit VIROLE expose comment les jeux vidéo peuvent être utilisés en psychothérapie à partir d’une vingtaine d’année d’expérience. Pour lui, “comme pour la technique classique du jeu et du dessin, l’utilisation des jeux vidéo en psychothérapie permet l’expression des fantasmes et la perlaboration des traumatismes”. Le texte traite de l’immersion dans les jeux vidéo, de la place de l’avatar et de la manière dont la situation vidéo ludique peut-être organisée par le psychothérapeute pour travailler.
La technique des jeux vidéo en psychothérapie s’ouvre par une définition du jeu vidéo : “un jeu vidéo est constitué d’images graphiques représentant des univers imaginaires donnant l’illusion d’une réalité effective” . Le cadre utilisé par Benoit VIROLE est celui de la psychothérapie psychanalytique d’enfant dont il garde les principes fondamentaux. Il diffère du cadre classique par le fait le le patient et le psychothérapeute s’immergent conjointement dans le monde du jeu vidéo. Le patient dispose d’un ensemble de jeux vidéo qu’il choisit librement. Le thérapeute assiste au jeu de son patient en commentant ses choix, les péripéties du jeu, et ses réactions émotionnelles.
L’immersion est définie comme “le processus mental, spécifique, par lequel un sujet attribue un gradient de réalité suffisant à un univers virtuel pour lui donner l’illusion d’être présent à ce monde.” La qualité de l’immersion dépend moins de la projection que des caractéristiques du monde présenté par le jeu vidéo. Un monde qui a sa propre vie, qui a des objets qui ont des comportements aléatoires, a tendance a susciter une forte sensation d’immersion.Dans le contexte de la psychothérapie, l’immersion nécessite de la part du psychothérapeute une attention conjointe avec son patient. Le monde extérieur est pour un temps mis en arrière plan tandis que le jeu vidéo occupe pour le patient et le thérapeute le devant de la scène. VIROLE voit dans cette situation la construction d’une “néo-réalité transitionnelle”. C’est ensuite vers la psychanalyse que VIROLE se tourne pour explorer l’économie de l’immersion. L’économie de mouvement entre le geste physique réel et l’effet virtuel observé permet un gain de plaisir qui est expliqué par la théorie de HOCHMANN sur la naissance de la pensée. La résistance que le monde réel oppose au préconceptions des actions motrices génère un sentiment d’existence par la différenciation entre le soi et le non-soi qui est vécue avec déplaisir. Le jeune enfant a alors tendance à réduire ce déplaisir par une hallucination puis par une activité de pensée grâce au travail de métaphorisation de la mère. Cette dynamique se retrouve dans l’utilisation des jeux vidéo en psychothérapie puisque les premières satisfactions sont vite attaquées par les limites et les difficultés du jeu ou du patient. Le travail du psychothérapeute est alors de transformer avec empathie l’éprouvé du patient.
L’avatar est le second élément traité par VIROLE. Il est défini comme représentant “les capacités d’action du patient pour la réalisation d’un soi grandiose”. Il correspond à la projection d’un soi grandiose donné à admirer à une mère. De son côté le psychothérapeute peut être en position d’alter ego, d’initiateur, de rival ou de guide. Il peut aider le patient à s’orienter dans le monde virtuel pour l’aider à dépasser ses inhibitions. A ce transfert maternel s’ajoute un transfert paternel du fait que les mondes virtuels contiennent des limites qui forcent la reconnaissance du principe de réalité. Le thérapeute est alors appelé comme guide, aide ou transmetteur d’expérience.. Dans tous les jeux vidéo, le joueur est représenté par un objet qui est souvent appelé “avatar” dans les publications. Alors que l’identification, la projection et l’image inconsciente du corps sont le plus souvent mis en avant pour expliquer la relation du joueur à son avatar, VIROLE utilise le terme d’appropriation. Pour VIROLE, l’investissement de l’avatar dépend d’abord de ses possibilités d’action. Même si l’avatar a des fonctions psychologiques (TISSERON, 2012), il est avant tout la matérialisation des intentions d’action du joueur.
L’intentionalité est pour VIROLE une propriété importante des mondes numériques puisqu’il considère que les objets numériques activent des représentations de mouvement. Les objets numériques activent des affordances c’est à dire des actions motrices intériorisées qui sont ensuite agencées en scripts qui suscitent une tension chez le joueur tant qu’ils ne sont pas réalisés
La médiation par le jeu vidéo nécessite un partage émotionnel de l’expérience vécue dans le monde virtuel. Le thérapeute doit authentiquement jouer tout en restant curieux quant aux événements qui se déroulent sous ses yeux. VIROLE insiste sur la neutralité, la bienveillance, la présence empathique du thérapeute qui permettent au patient d’entrer réelle dans le jeu et d’effectuer des demandes inconscientes qui se traduisent par des échecs, des attaques sadiques ou des conduites obsessionnelles répétés symbolisant sa détresse infantile. Enfin, à partir de quelques exemples, VIROLE montre que l’effet thérapeutique tient au fait que l’enfant perçoit que sa demande inconsciente est perçue avec empathie par tle thérapeute qui verbalise avec tact ce qu’il a compris. L’objectif thérapeutique est le renforcement ou l’initiation d’une mentalisation des conflits et des traumatismes.
L’utilisation des jeux vidéo offrent une dimension nouvelle aux thérapies des enfants et des adolescent. L’effet thérapeutique découle de la mentalisation, de la contenance pulsionnelle, de la restauration narcissique et de l’identification projective au thérapeute. Elle met en jeu une polarité régressive centrée sur les relations d’objet et une polarité prospective centrée sur la construction narcissique de soi.
“La technique des jeux vidéo en psychothérapie” de Benoit VIROLE n’apporte pas à la discussion les éléments bibliographique qui permettent de situer l’utilisation des jeux vidéo dans le cadre de psychothérapies et plus particulièrement dans le cadre des psychothérapies psychodynamiques. Cela peut laisser le lecteur novice avec l’illusion que l’utilisation des jeux vidéo dans les psychothérapies est une nouveauté. Il n’en est rien. D’ailleurs, la figure du psychothérapeute hante les mondes numérique puisque la première Intelligence Artificielle, Eliza, a été conçue sur le modèle d’un psychothérapeute rogérien. Les psychothérapeutes se sont rapidement saisis de l’ordinateur et des jeux vidéo comme des médias facilitant ou rendant possible leur travail. Dans la communauté francophone, les livres de Evelyne Esther GABRIEL, de Hélène GARREL et Daniel CALIN donnent des points de repère importants sur la manière dont les jeux vidéo ont pu être utilisés à des fins thérapeutiques
L’article de VIROLE reste cependant bienvenu. D’une part, les jeux vidéo de 2013 ne sont pratiquement plus les même que ceux de des années 2000. D’autre part, les psychothérapeutes ont maintenant un recul d’une dizaine d’années qui leur a permis d’affiner leur cadre de travail. Une mise à jour des connaissances est donc bienvenue. elle de Benoit VIROLE est d’autant plus appréciée qu’il amène à la discussion des notions qui sont peu utilisée dans les psychothérapies psychanalytiques. La notion d’affordance des objets numériques est intéressante. Il est facile de d’observer que les premiers mouvements d’un joueur dans un jeu vidéo ont pour but de s’assurer ce qu’il est possible de faire dans le monde. Le joueur vérifie ainsi ce qu’il est possible de détruire, de déplacer ou de manipuler. Le texte de VIROLE laisse penser qu’il existe une grammaire générale des jeux vidéo. Les genres de jeux vidéo regrouperaient ainsi les jeux qui ont une grammaire commune. Par exemple, dans les FPS, le joueur dispose généralement de plusieurs allures (marcher, courir, ramper, s’accroupir) et peut peut choisir entre plusieurs armes.
“La technique des jeux vidéo en psychothérapie” est un texte important pour toute personne qui s’intéresse à l’utilisation des jeux vidéo dans les psychothérapies psychodynamiques.
SOURCES
Gabriel, Evelyne Esther. Que faire avec les jeux video?. Hachette éducation, 1994.
Garrel, Hélène, etDaniel Calin. “L’enfant à l’ordinateur.” Paris, L’Harmattan (2000).
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