Le sociologue Jacques MARQUET étudie comment l’Internet affecte les pratiques amoureuses. Il décrit plusieurs  métaphores par lesquelles les personnes décrivent les sites de rencontre. Le modèle de la rencontre amoureuse créé en Occident au 19ième siècle reste le modèle de référence même si les personnes doivent inventer de nouvelles façon d’appréhender l’engagement amoureux dans un monde ou, du fait de la multiplicité des possibilités de rencontre, la figure de l’élu unique tend à disparaître.

L’Internet est un espace pour les rencontres amoureuses et sexuelles. 9,6% des femmes adultes et 13,1% des hommes se sont déjà connectés à un site de rencontres. L’étude actuelle s’appuie sur une recherche sur 44 entretiens de personnes ayant utilisé des sites de rencontre dans le but de nouer des relations sexuelles ou amoureuses.

En Occident, le modèle romantique de la rencontre amoureuse fonctionne comme référence depuis le 19ième siècle. Le modèle romantique met en avant la valorisation de la pérennité conjugale, l’idéalisation du partenaire, la prédestination, et les sentiments amoureux. La post-modernité conteste le modèle de l’amour romantique mais il reste tout de même le modèle dominant qui organise les relations entre les adultes.

MARQUET identifie plusieurs métaphores chez les personnes qui utilisent les sites de rencontre : 1) le marché, 2) le bordel; 3) la pêche à la ligne et 4) le travail. Le modèle du marché met en avant la multiplicité des choix et les possibilité de comparaison qui s’offre aux utilisateurs. La métaphore du bordel met en avant les images de prostitution et de mensonge. Sur les site de rencontre, chacun s’affiche comme les prostituées de Hambourg ou de la Gare du Nord s’offrent aux regards des passants. Dans le même temps, tout ce qui est montré est un mensonge. Les utilisateurs mentent sur leur âge, leur physique, leurs intentions. Avec la pêche à la ligne, les utilisateurs sont tour à tour pêcheurs et poissons. Comme les pêcheurs, les utilisateurs doivent constamment surveiller leurs lignes et réagir rapidement lorsqu’ils ont une touche. Enfin, les utilisateurs des sites de rencontre sont aussi des travailleurs parce qu’ils doivent veiller à se présenter d’une façon qui les rende aimables, se souvenir des interlocuteurs et ne pas se laisser entraîner trop vite par toutes les sollicitations

MARQUET fait allusion à deux autres univers de référence : la technologie de la communication et la chasse. Les métaphores utilisées par les interviewés dépendent aussi de leur expérience de la relation amoureuse ou appartiennent a l’univers mental de la personne. Elles préexistent donc à l’utilisation du réseau social.

Ces métaphores s’éloignent du modèle romantique du coup de foudre qui met en avant l’attirance immédiate et la fusion des émotions. Au contraire du coup de foudre, la rencontre amoureuse est recherchée sur les sites de rencontre; elle est rationalisée par les dispositifs de présentation de soi. La quête amoureuse sur Internet est caractérisée par l’impression d’abondance de partenaires, la multiplication de contacts et une recherche sans fin. Pour MARQUET, ce dernier élément est le plus important car il remet en question le mythe de la personne aimée unique et élue.

D’une façon générale, les sites de rencontre n’annulent pas le modèle romantique de la rencontre amoureuse. Celui ci subsiste à l’intérieur des pratiques amoureuses sur les sites de rencontre qui obligent par ailleurs les couples à inventer de nouvelles façon d’appréhender l’engagement amoureux.

L’article apporte un regard sur les sites de rencontre différent de celui qui est généralement porté. Les sites de rencontre sont souvent décrits comme un mal de la post-modernité qui transforme tout en marchandise. Même l’amour, chose sacrée entre toutes, est tombé dans l’enfer post-moderne qui réduit le rêve et le mystère de l’autre aimé à une série de caractéristiques. Chacun n’a plus qu’a assembler l’objet de ses fantasmes  – blond, sportif et bon vivant ou brune, intellectuelle, aimant les sorties au musée – pour trouver l’ame soeur.

Le travail de MARQUET permet de comprendre que ce point de vue est partiel et et probablement nourri par la nostalgie d’une rencontre amoureuse idéalisée. Les formes anciennes de l’amour ne sont pas remises en cause du jour au lendemain du fait de la magie numérique, mais elles sont réinterprétées  et renégociées dans les formes nouvelles de la modernité.