Dans une lettre datée du 19 février le Syndicat National du Jeu Vidéo écrit à la Ministre de la Santé. Le SNJV réagit à l’amendement n°183 sur les jeux vidéos au  projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients.

Cet amendement stipule :

Lorsqu’un jeu vidéo présente un risque en matière de santé publique en raison de son caractère potentiellement addictif, le support et chaque unité de son conditionnement portent, dans des conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé, un message de caractère sanitaire. La mise en oeuvre de cette obligation incombe à l’éditeur ou, à défaut, au distributeur chargé de la diffusion en France du jeu vidéo.

L’ amendement est très vague, et témoigne surtout de la méconnaissance des députés sur le sujet sur lequel ils légifèrent. Mais il est difficile de leur en faire totalement grief, puisqu’ ils s’ appuient sur des psychologues ou des psychiatres qui ont porté dans la cité l’idée d’une addiction aux jeux vidéo. On peut cependant leur reprocher de proposer des dispositions légales sur quelque chose qui d’aussi vague que du "potentiellement addictif"

On attend d’ailleurs toujours les caractéristiques additives du jeu vidéo. Que l’on y passe du temps n’est pas sufisant. Parle-t- on d’addiction au Risk alors que des journées entières peuvent consumées dans des parties effrénnées. Parle-t-on d’addcition aux échecs pour le temps et l’énergie qu’un passionné y consacrera ?

La lettre du SNJV est intéressante à plus d’un point. D’abord, elle rappelle que le jeu vidéo est une industrie, et dans le contexte de crise, il est possible que l’argument, même s’il reste très discret, attire l’ attention de la ministre. Ensuite, rappelle que le jeu vidéo n’est nullement un "risque en matière de santé publique" et que le jeu vidéo peut même être utilisé a des fins thérapeutiques.

 

Le SNJV le dit timidement.

Les professionnels du jeu vidéo ne nient pas les phénomènes d’utilisation excessive des jeux vidéo.

Je le dis plus clairement. Il n’y a aucune addiction aux jeux vidéos. C’est là une ligne de partage que j’ai avec Michael Stora.

Il y a par contre vis à des jeux vidéo un ostracisme qui est celui d’une société vieillissante envers sa jeunesse. C’est pourquoi que l’on associe toujours jeu vidéo et adolescent alors même que la moyenne d’age du joueur de jeu vidéo tourne autour de la trentaine. Alors bien évidement, on peut utiliser le jeu vidéo de façon excessive. C’est-à-dire dans nos société libérales, d’une façon qui ne rende pas le sujet disponible au travail. Mais on peut utiliser n’importe quoi de façon excessive. Et cet excès peut être stérile ou être au service de la croissance psychique de la personne. Cela ne se décrète pas !

Le caractère faste ou néfaste des jeux ne tient pas a leur nature, mais a la façon dont une personne et son environnement va s’accorder avec eux. On comprendra qu’un enfant qui joue aux jeux vidéo pour ne pas entendre les disputes de ses parents n’est pas dans la même position qu’un enfant qui joue pour ne pas penser à ses mauvaises notes.

Pour moi, les choses sont simples. Le métier d’un éditeur de jeu est de faire de bons jeux vidéos, c’est à dire des jeux vidéos qui donnent envie de jouer, de jouer et de jouer encore. Le métier des parents est d’éduquer les enfants, et l’éducation passe, c’est banal, aussi par les limites qui leur sont transmises. C’est aussi banal de constater que certains parents, pour des raisons qui leur sont propres, ou propres au fonctionnement de la famille, ou a celle de l’enfant, ne parviennent pas a lui donner des limites quant à son temps de jeu. Mais lorsque l’on discute avec les parents, on constate vite que cette impossiblité ne concerne pas uniquement le temps passé au PC ou à l’ordinateur, mais s’ étend aussi à d’autres domaines. Le problème n’est donc pas celui du jeu vidéo, mais du rapport à l’interdit.

Mettre en place un système de limitation du temps de jeu n’est pas une solution pertinente. D’une part parce que tout système d’interdiction qui n’est pas soutenu par les parents sera inefficace. Ensuite, parce que ce qui est structurant, c’est l’interdit posé sur le désir. Cet interdit est un défendu : il défend les intérêts de l’enfant. Un programme ne fera qu’ empêcher d’accéder au jeu vidéo. Un empêchement est sans doute quelque chose d’ ennuyeux; ce n’est jamais quelque chose de structurant

 

Ni drogue ni médicament

De la même façon que les jeux vidéos ne sont pas une drogue, ils ne sont pas non plus un médicament. Les "bienfaits" des jeux sérieux n’ont pas été plus prouvés que les "méfaits" MMO. Il s’agit de deux faces d’une même pièce : d’un coté, la drogue, les ravages d’une jeunesse laissée à ses mauvais penchants, l’éclatement des familles etc; de l’autre la vertu de l’ apprentissage, du digital native (ce nouveau bon sauvage), de "l’entrainement neuronal" (aucune base scientifique à cet entraînement), de la citoyenneté (Darfour is diying) etc.

 

Détail amusant, une typo s’est glissée dans le texte de l’ amendement proposé par les députés. On peut y lire

Le système PEGGY (Pan-European Game Information) fournit des recommandations sous forme de pictogrammes imprimés sur les boîtes de jeux vidéo.

Peut on dire plus clairement que les jeux vidéos sont des cordonneries  ? Olivier Mauco en a fait son miel

Moins amusant :

Néanmoins, de nombreux parents ne comprennent pas toujours le sens des pictogrammes. Cet amendement vise donc à rendre obligatoire l’application d’un message de prévention clair sur les risques d’addiction que peuvent entraîner certains jeux vidéos.

N’est il pas possible que les parents comprennent le système PEGI mais choisissent délibérément de ne pas le respecter ? N’est il pas exagérer de passer mettre sur le même plan les jeu vidéos et des substances (tabac, alcool) dont les propriété psychoactives sont connues ?

 

Il y a cependant une bonne nouvelle a cette histoire. Le fait que le SNJV prenne aussi clairement position montre que dans l’ espace public les rapports de force sont en train de changer. L’idée que les jeux vidéo sont une drogue menaçant la jeunesse commence a être perçue comme un mythe. On verra sans doute dans le futurCe sera un progrès si on ne bascule pas dans le mythe jeu vidéo – médicament.

 

PS : L’amendement a été proposé par M. Jeanneteau, M. Boënnec, M. Paternotte, M. Malherbe, M. Remiller, Mme Grosskost, Mme Hostalier et Mme Gallez

L’ergonomie du site de  l’assemblée nationale française est désastreuse. Ne peuvent ils rien apprendre du Web 2.0 ? Ils voudraient que l’on ne s’intéresse pas aux contenus mis en ligne qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Par exemple, les emails des députés sont difficilement accessible. J’ai du passer par la quadrature.net pour les obtenir.