L’UNAF a mis en ligne un article dont le titre est sans appel : “Il est temps de prendre au sérieux les questions de cyberdépendance“. L’article, comme toujours dans ce domaine, essaie sans jamais y réussir, de rendre au mieux compte des différentes facettes de cet objet complexe qu’est le jeu vidéo et de maintenir l’hypothèse du jeu vidéo comme drogue
Le papier commence plutôt bien : il est rare, en France, d’entendre dire que le joueur moyen n’est pas un adolescent mais un trentenaire. Mais les choses ne durent pas puisqu’il est fait état du comportement “hystérique” de certains joueur lors de la sortie de nouvelles machines ou de nouveaux jeux ou encore de la mort de “ce joueur coréen mort épuisé après plus de 50h de jeu sans discontinuité.”
Des psychiatres ont été consultés. Deux responsables de service addictologie, Luc Venisse (CHU Nantes) et Jean-Claude Matysiak (CH Villeneuve St Georges) se prononcent clairement pour une addiction aux jeux vidéos. Jean-Claude Matysiak a même fondé dans son service une consultation Jeux vidéos. Il soutient l’idée d’une “dépendance sans drogue” dans laquelle il verrait bien entrer la dépendance aux jeux vidéos.
Pourtant, la question de la dépendance aux jeux vidéos est loin d’être prouvée. La construction même de l’article le montre puisque l’on oublie que les chiffres donnés en introduction pour en venir au coeur de cible. Il n’est plus question de trentenaires mais d’adolescents. On passe par ailleurs du conditionnel : “l’accès massif aux jeux vidéos traduirait donc une fascination.” à des affirmations en glissant éludant les étapes intermédiaires. On pourrait par exemple objecter que l’addiction n’est pas n phénomène massif. Elle ne concerne qu’une marge de la population, et que l’accès massif aux jeux vidéos est a entendre comme un phénomène culturel et non comme une pathologie
Comment la passion devient une maladie
Comme d’habitude, les choses sont accumulées sans être articulées. Pour rendre compte de la “fascination” des jeux vidéos, toute une série d’éléments sont donnés. Aucun d’entre eux ne correspond aux facteurs psychodynamiques que l’on retrouve dans l’addiction : esprit de compétition, volonté de progresser, d’améliorer ses compétences ne me semblent pas faire partie des motivations du toxicomane. La recherche de règles et de reconnaissance non plus. Le désir d’évasion n’est pas encore – mais à lire certains, pour combien de temps – une maladie.
Les jeux visés sont les MMO. Prenons juste un exemple qui illustre bien la façon dont les choses sont construites. Il s’agit d’une des caractéristiques des MMO :
développement de nouvelles fonctionnalités en particulier le développement d’économies souterraines de biens (et personnages) virtuels qui renforcent la pratique excessive. Dans le même schéma citons l’appropriation du jeu vidéo par les joueurs qui permet l’émergence de « faiseurs de mondes » (vidéos, programmes spécifiques, amélioration graphique des univers)
Acheter des personnages et des objets réduit d’autant le temps de jeu. Plus besoin de “farmer” ou de faire les instances compliquées puisque l’objet peut être acquis pour quelques dizaines d’euros. L’appropriation du jeu vidéos via les machiminas ou les mods est une oeuvre de création et par là même éloigné de l’univers de la toxicomanie.
Il semble bien que pour certains psychologues ou psychiatres, toute passion est suspecte d’être une pathologie. Et de la suspicion à la condamnation, il n’y a qu’un pas qu’ils franchissent rapidement. Se trouve ainsi réalisé la prédiction de Michel Foucault qui voyait dans la psychologie et la psychiatre des disciplines au service du pouvoir et de l’idéologie dominants.
Renversements et chiffres imaginaires
Il me souvient que Jean-Claude Matysiak a co-écrit un livre avec Marc Valleur (Les nouvelles addictions) dans lequel le jeu le plus “addictogéne” était… Counter Strike ! Rien n’a jamais été dit sur le fait que ce soient les MMO qui occupent maintenant cette place. Il est bien repéré que ces MMO comportent de nouvelles formes de sociabilités et de nouvelles économies. Curieusement, c’est a propos de cette nouvelle économie qu’il est question pour la première fois de “pratique excessive”. Il y a une logique à cela : l’addiction aux jeux vidéo est purement et simplement une question économique : nous assistons à la création d’un marché de l’addicition aux jeux vidéos. Il est ainsi savoureux de lire qu’il n’y a pas d’étude sur l’addiction aux jeux vidéos et de trouver un paragraphe plus bas une estimation chiffrée : 1 à 2% des joueurs de MMO présenteraient une addiction aux jeux vidéos. Si l’on prend les 10 millions de comptes de WoW, cela fait déjà un certain nombre, et je m’ étonne que les collègues du monde entier n’aient pas repéré un phénomène aussi massif !
A partir d’une absence d’étude et et a partir de chiffres imaginés, il est facile de développer “les conséquences de l’addiction au jeu vidéo” et de proposer quelques mesures d’aide en direction des parents et des enfants. Curieusement, il est oublié que le joueur moyen est trentenaire, et donc majeur. Mais encore une fois, le principal “intérêt” est de soutenir les initiatives comme celles de Jean-Claude Matysiak à Marmotan : ouvrir des consultations jeux vidéos… A ce rythme, je ne doute pas que quelques compagnies s’adjoindront les services d’un expert pour garantir l’inocuité psychologique de leur produit. La boucle sera ainsi bouclée.
La maltraitance des jeux vidéos
La façon dont des collègues traitent et maltraitent l’usage des jeux vidéos ne peut plus être mis au compte d’une certaine méconnaissance. Les éléments donnés ça et là montrent bien que s’ils ne connaissent pas intimement les jeux vidéos, ils ont tout de même perçu, et particulièrement pour ce qui concerne les MMOs, les aspects sociaux qui sous-tendent cette pratique. Ces aspects sociaux ne se trouvent dans aucune toxicomanie. Par ailleurs, il n’est plus possible de dire que nous ne disposons pas d’étude sur l’usage de l’Internet et des jeux vidéos : ces études existent. Le fait qu’elles soient anglo-saxonnes ne doit pas géner les collègues puisqu’ils font référence au questionnaire “Are You a Net Addict” (1)de David Greenfield voire même à la plaisanterie de d’Ivan Goldberg (2). On en est arrivé au point ou l’on peut se demander s’il faut interdire aux addictologues de s’occuper des joueurs de jeu vidéo !
A la maltraitance d’une pratique et d’un objet, il faut aussi ajouter une simplification dommageable. Les choses nous sont présentées comme si une addiction se crée par simple contact avec un objet. Il n’en est rien. Nous savons que les déterminants biologiques, environnementaux et biographiques sont à prendre en compte. La toxicomanie est quelque chose qui se construit au long cours, parfois sur plusieurs générations, et non quelque chose qui s’ attrape au simple contact d’une drogue.
Je lis avec déplaisir que l’OMNSH dont je suis membre est cité en appuis d’un dépendance aux jeux vidéos. Si l’OMNSH a un point de vue officiel sur le sujet, je serais heureux de le connaitre. S’il s’avérait qu’il allait dans le sens d’une quelconque dépendance aux jeux vidéos, je m’en désolidariserai. Olivier Mauco, lui aussi membre de l’OMNSH a bloggé sur le sujet : i want some crack give me MMOG. Son billet vaut vraiment le détour : il montre la contamination des espaces de jeu par les logiques idéologiques du moment.
(1) Voir la critique sans appel qu’en fait Jean Garneau
(2) Magie de l’Internet. Le mail original avait été perdu par Ivan Goldberg. Je l’ai longtemps cherché en vain. Il sort aujourd’hui du Dark Internet.
Comment décrire l’engloutissement dans l’usage répétitif, non créatif d’un objet externe, dont la visée est la régulation de l’humeur, la fuite d’une réalité déplaisante et dont les conséquences sont l’appauvrissement des relations réelles et du fonctionnement psychique, le désinvestissement libidinal d’objets réels et la centration du sujet autour de cet usage ?
Si un autre terme que dépendance est plus adapté je l’adopte.
L’erreur de raisonnement est de confondre la réalité sus-mentionné des processus psychiques du sujet d’une part et la réification pathologisante et utilitariste d’une pratique sous le terme d’addiction dans la conception galénique de la psychiatrie actuelle.
S’il est important de souligner le danger d’une pathologisation à des fins mercantiles, il est problématique d’ignorer une réalité clinique.
Tu ne peux pas affirmer qu’il n’y a pas de dépendance au jeu vidéo au sens sémiologique. Ma clinique, celle de Michael Stora et de Serge Tisseron (que tu épargnes) le prouve. Je rappelle ici que tu n’as pas de clinique de cette problématique, ta vision est purement spéculative et théorique.
Ce qui se passe c’est que tu jettes le bébé avec l’eau du bain, la taxinomie diabolique (addiction au sens de Goodman je rappelle non validée) avec la réalité clinique au prétexte que les conséquences et les effets dans le champs de la psychiatrie et de l’addictologie sont repoussants.
La passion ajoute à la vie, elle est créative malgré le sacrifice consenti. La pratique des no-life n’a rien de passionnel, c’est romantico-rebelle de dire ça. Leur pratique représente une fuite en avant.
“Compulsion” décrit tout a fait bien ce que tu dis. La centration autour d’un usage, le rétrécissement de la pensée autour d’un seul objet, tout cela est dépendant de la structure psychopathologique de la personne concernée. Il est des sujet pour qui la maitrise, a un moment de leur vie, va être essentielle. Ils auront pour le jeu vidéo ce type d’usage.Pour d’autres, ce n’est pas la maitrise qui va etre recherchée, mais la lecture d’un fantasme. Pour d’autres, ce sont les images signifiants formels dont les jeux vidéos sont si riches qui seront recherchée.
La ou Michael et toi cherchez a tout prix une addiction, je vois moi une clinique de l’objet. Cet objet peut être utilisé a des fins de relation avec les autres, avec soi même ou les deux. Il peut aussi être utilisé a des fins de fermeture. A soi même. Aux autres. Aux deux.
Cela n’en fait pas une drogue. Cela ne fait pas de la personne aux prises avec cet objet une personne dépendante.
Oui, je ne parle pas de Serge Tisseron, parce qu’il a toujours présenté le jeu vidéo comme soutenant les processus de symbolisation _et_ de désymbolisation.
Pour ce qui concerne les “no-life”, je trouve que c’est une grande perte que de prendre un element de folklore des gamers pour en faire, par simple transvasement, une entité clinique. Je serais heureux de lire une description psychopathologique du “no-life”. En attendant, si comme joueur j’ai une idée de ce qu’est un “no-life”, comme psychologue je ne sais pas ce que c’est !
Je suis d’accord sur la plupart de tes points sauf quand tu considère que je cherche à tout prix une addiction pour les jeux vidéo, c’est une clinique du sujet aux prises avec un objet qui m’intéresse. une clinique de l’objet je sais pas ce que c’est.
Mais disons que dépendance est un terme “convenient” (en anglais) pour décrire une réalité clinique éparse et évidemment particulière à chaque sujet, c’est à dire un terme convenable pour le regroupement de certains cas cliniques. Je ne dis pas que dépendance explique quoi que ce soit, c’est une caractérisation de la relation au jeu. L’usage de ce terme n’exclut pas les enjeux fantasmatiques, les enjeux de maîtrise ou de cloture sous-jacents. Puisque la dépendance se base justement là dessus, le rapport au contenu du jeu et au contenant qu’il constitue.
Le sujet est dépendant du jeu pour assurer la stabilité de son fonctionnement psychique. Ca ne fait pas du jeu vidéo une drogue que dire cela. Et ce n’est pas parce que quelqu’un est dépendant qu’il faut le sevrer (la mauvaise addictologie).
Ton erreur est la même que celle que tu reproches aux médias, quand tu entends addiction tu entends drogue et désormais j’ai l’impression que tu l’étends à dépendance. Alors tu refuses ces termes parce que trop liés à l’imaginaire de la drogue et aux conceptions afférentes. Le problème c’est que dépendance et addiction sont mal comprises à la base et que l’emploi de dépendance dans le sens psychanalytique peut avoir sa place dans une partie de la clinique du jeu vidéo.
Selon moi, il est vrai que surconsommation, “overuse”, conviendrait bien mieux. L’emploi de ce terme est tiré de la clinique de la consommation de cannabis (Une drogue, oh mon dieu !!)où la dénomination d’addiction n’est pas pertinent.
Pour l’avoir vu encore Lundi, Serge Tisseron est dans la même panade que moi, il cherche ses mots.
Thomas la langue française est tout de même assez riche pour que l’on évite les anglicismes.
Je connais l’idée d’une addiction sans drogue. C’est un tour de passe passe. A partir de là, tout devient addiction : la collection de timbre ? addiction ! Le besoin de faire du sport ? Addiction ! Le don juanisme ? Addiction ! La maltraitance ? Addiction ! Je n’exasgere rien : ces “nouvelles addictions” sont listées dans le livre de Valleur & Matysiak. Bien évidement, il est quelque chose qui n’est pas addiction : c’est de travailler ! C’est ce que Michael nous dit ici : http://www.inpes.sante.fr/SLH/articles/396/03.htm : si tout objet de plaisir peut devenir une addiction, curieusement les excès de travail sont ne sont pas de l’addiction. On peut donc crever sous le travail, c’est de la passion, cela ne relève pas de la pathologie du travail… Idéologie libérale, quand tu nous tiens !
Si la dépendance au sens de la psychanalyse a sa place en ce qui concerne les jeux vidéos, je ne l’ai lu ni chez Michael, ni chez toi. Mais peut etre pêché je par ignorance. Dans ce cas, rappelle moi les textes que je dois lire ou relire.
Peux tu me dire quelle différence tu fais entre dépendance et addiction ?
Des détails sur la clinique de l’objet : http://association.cor.free.fr
Il n’y a pas d’addiction au jeu vidéo, je n’emploie pas ce terme, point final. Si t’as un problème avec Matysiak et Valleur, va leur dire et m’embête plus avec ça.
Pour la différence voici le truc.
Je me base ici sur l’article “émergence de la notion d’addiction” de Jacquet et Rigaud in “Les addictions” (Monographie de psychanalyse” /s la dir. de S Poulichet.
La différence est justement la compulsion, l’addiction selon Goodman étant dépendance + compulsion, la mise en acte compulsive de la dépendance. Or d’une part il y a une différence entre la compulsion de l’obsessionnel le poussant à agir et sans gain de plaisir mais pour éviter un déplaisir et l’impulsion (égosyntonie) de l’addict, le besoin impérieux, le craving.
De compulsion à jouer, je n’en ai pas vu pour le jeu vidéo, même si c’est théoriquement possible (et même curieusement sexy) qu’un obsédé joue.
D’impulsion, au sens où il y aurait un trouble de l’impulsion comme dans les achats, le jeu d’argent ou la sexualité, j’ai également des doutes, le besoin de jouer aux MMO ne me semble pas impérieux, même si l’empêchement crée une frustration.
Donc de ce point de vue on ne peut pas parler d’addiction au sens psychiatrique.
Fin du débat sur l’addiction au jeu vidéo.
Mais je leur dis, a Valleur et Matysiak : je blogge. Et je n’ai pas de problème avec eux. Ni avec Michael. Ni avec toi. J’ai quelques connaissances en psychologie clinique. Je connais un peu les jeux vidéos. Je donne mon avis et j’essaie de le faire de façon argumentée.
Si des choses ne le sont pas suffisamment, il suffit de me le dire. Cela m’aidera a clarifier mes idées, et, je l’espère, de faire avancer les choses sur cette question.
Bon reprenons, avec le livre “Les addictions” de Valleur et Matysiak.
En fait avec une lecture plus précise, ils sont très précautionneux sur la définition d’addiction, ou plus précisément de conduite addictive, avec son degré de potentialité. Pour eux dépendant et addict sont interchangeables. Reste la question de l’infra-clinique et du pathologique
Ils expliquent la mise en tension entre deux pôles sur lesquels l’addiction repose et vis-à-vis desquels on va commenter et appréhender le phénomène.
1/ La saillance ou centration qui indique le fait qu’un sujet se centre sur l’objet et ses corollaires (obtention, préservation, remise après l’usage) au détriment de ses autres investissements précédents. Ce critère est objectif. Ici, c’est bien sûr la société et l’entourage qui sont lésés et formulent une demande. L’isolement social étant jugé comme un abandon du statut de citoyen et le refus de l’inscription dans le social, le lien à l’autre. Transfert d’une dépendance à l’autre à une dépendance à l’objet maitrisable.
2/ L’aliénation ou la perte de liberté. C’est à dire le sentiment purement subjectif d’esclavage, de quelque chose qui échappe au sujet et qui provoque la souffrance, le pathos. Parce que à un moment, une partie du sujet se révolte. Il souhaite interrompre, réduire sa conduite et échoue. Là il prend conscience de sa servitude dans le même temps qu’il a quelque chose a sauver.
De cette tension découle que un fumeur de clopes dépendant répond à 2 mais pas à 1.
Un héroinomane addict à 1 et 2.
Et selon moi, un joueur accroc au jeu vidéo peut répondre à 1 mais pas à 2 (du moins je ne l’ai pas encore observé en clinique).
Je pense aussi que ces auteurs confondent parfois conduite addictive et procrastination notamment pour Tétris et autres petits jeux.
Je redévelopperai plus tard.
Je reprends.
La psychanalyse dans sa forme la plus radicale développée notamment par Lacan et certains de ses disciples Clavreul (“L’homme qui marchait sous la pluie”) est donc basée sur le sujet uniquement, dans la plus totale insoumission à d’autres logiques extérieures au cadre analytique (c’est-à-dire idéologique ,sociaux, politique, économique).
En ce sens, seule la demande du sujet issue de sa souffrance sont à entendre par le psychanalyste. Il ne peut l’entendre et le traiter que sous cet angle. Ainsi du point de vue analytique, l’addiction du sujet n’est prise en compte que dans le cas n°2 de la servitude parce qu’il y a pathos. De plus, la psychanalyse trouve ici son axe thérapeutique, une fois la demande exprimée et reformulée sous les termes convenables pour l’analyse.
En ce sens la psychanalyse ne peut traiter une demande sous la forme de “aidez moi à arrêter”, elle y répond de façon latérale en interrogeant le sujet sur le choix de l’addiction et de l’objet d’addiction, le choix de la maladie.
Je rappelle que l’item n°1, la centration et l’isolement, l’éthique de la psychanalyse empêche de de la prendre en considération dans sa visée thérapeutique, pas théorique. Or et c’est mon point, que fait le psychanalyste si le sujet possède une conduite d’évitement, de déni et de clivage, conduisant à l’item 1? La réponse est rien du tout parce que la défense est réussie même si elle a des conséquences graves dans d’autres domaines (social, économique, etc.) qui impacteront éventuellement sur le sujet plus tard. Il ne fait rien parce que la personne ne vient pas, et quand bien même elle lui serait amenée, il ne peut pas travaillé avec tant que celui-ci n’emettra pas de désir.
Est-on d’accord là dessus, Yann ?
Par ailleurs, je te prie de prendre en compte ses remarques:
1/Etant toi-même membre de l’OMNSH, tu sais pertinemment que l’association n’a pas de postion officielle sur l’addiction au jeu vidéo. Pourquoi le demander ?
2/ Jean-claude Matysiak n’a jamais créé de consultation jeux vidéo à Marmottan, c’est Marc Valleur, mais bien au Centre Littoral, je le sais, j’y travaille. Aucun financement n’est dévoué spécifiquement à ces consultations, elles sont exploratoires et répondent à une demande parentale dans la majeure partie des cas.
3/Tu as commenté cela : Serge Tisseron, « les jeux vidéos permettent de réaliser un théâtre de son monde intérieur et familial et constituent pour beaucoup un important levier autothérapeutique”
Levier autothérapeutique, huh huh ?
Evidemment que Valleur et Matysiak sont précautionneux ! Ils marchent sur des oeufs. La notion d’addiction est tellement étendue, tellement délayée, que l’on peut l’appliquer à tout et n’importe quoi. Mais tu sais cela par coeur puisque c’est le sujet de ton dernier article pour Quaderni qui déconstruit la notion d’addiction. Donc pour moi, la question est réglée. Le grand public s’est emparé de la notion et parle d’addiction aux jeux vidéos comme on parle de “psychose des attentats”. C’est ainsi : le passage de termes dans la culture se fait avec une perte de sens d’un coté – celui de séméiologique psychopathologique – et un gain pour la culture en général qui dispose d’un nouveau terme
Venons en à ton second commentaire. Je pense qu’il faut être lacanien comme on est communiste : l’être passionnément a 20 ans, et puis faire autre chose. La plus totale insoumission dont voudrait faire preuve quelques uns n’est qu’une soumission à ce mirage. Nous ne sommes pas libres. Le mieux que l’on puisse faire, c’est voir quelques unes de nos attaches.
Je ne vois pas du tout les choses comme toi. Ou plus exactement, je pense que c’est la discussion qui te pousse a mettre en liminaire à la rencontre les points 1 et 2. Nous savons tous les deux que notre travail, lors de la première rencontre, est de rester le plus ouvert possible à ce qui vient.
Personnellement, je pense qu’il n’est pas bon d’attendre le bon désir de l’autre. Il faut l’appeler. Le solliciter. Bien sûr, cela se fait dans le cadre de certaines limites, mais je ne vois rien de déshonnorant pour un psychothérapeute, fut il psychanalyste, d’insister auprès de la personne. C’est d’ailleurs pour s’adapter aux types de demande que les psychanalystes ont inventé la psychanalyse d’enfant, les groupes psychanalytiques, le psychodrame psychanalytique, les médiations.
Je ne sais pas pourquoi Michael a un jour proposé le jeu vidéo comme médiation. Personnellement, je l’ai fait parce que pour certains types d’enfants, une psychothérapie en face à face est difficile à conduite : les mécanismes d’inhibition, d’évitement, la faible épaisseur fantasmatique, la difficulté à associer, les sensations de vide et d’ennui intense font que l’enfant vit les rendez vous comme une épreuve avant même d’avoir gouté aux fruits thérapeutiques. Bien évidemment, au bout de quelques rendez vous, il ne vient plus. Bien évidemment, on peut en appeler à la résistance. Mais je trouve dommage qu’un enfant ne puisse pas bénéficier d’un traitement psychanalytique parce que la façon dont il s’engage dans la relation rend difficile le travail. Pour ceux là, j’ai opté pour la séduction du jeu vidéo comme voie d’entrée dans le processus thérapeutique.
Je ne crois pas qu’il y ait rien à faire face au déni et au clivage. C’est même le but du travail thérapeutique : réduire les clivage ! Lorsque l’on y arrive, on peut dire que l’on a fait du bon travail !
Pour tes questions 1, 2 et 3
1. J’aime bien que les choses soient précisées. Ce serait bien que l’OMNSH précise ce point aux personnes qui laissent entendre le contraire
2. Merci de la précision.
3. Oui, Serge Tisseron himself dit des choses comme cela. Mais, il a toujours affirmé que ce qui était important dans le processus thérapeutique c’était la symbolisation, c’est à dire, finalement, le fait de pouvoir parler à quelqu’un. Cela signifie qu’aucun objet (Cf Tisseron, S. Comment l’esprit vient aux objets) n’a de pouvoir de guérison en soi. C’est de parler de ce que l’on fait avec un objet à quelqu’un qui, finalement, soigne ou guérit
Je crois qu’il y a une très grande différence entre les psychanalystes qui ne s’occupent que des adultes, et ceux qui ont a faire avec des enfants. Les positions les plus dogmatiques se retrouvent souvent chez les seconds.
J’ai reçu quelques enfants qui étaient présentés dépendants aux jeux vidéos. Je les ai reçu comme je reçois les autres. Et le traitement ne
@Thomas G,
Vous semblez bien connaitre le sujet. Mais qd je lis que c’est une fuite, non créatif d’objet, régulateur d’humeur, je vous informe que nous sommes ds l’air de la dématérialisation et des recherches de distraction, d’exutoire. Une société de jouissance, avec des jeux pour le peuple …
je fais une sieste pour me reposer, je suis donc addict à la sieste,
je tisse un réseau social (networking) fort, je suis addict
je ne dis pas qu’il y a pas de pathologie derriere tt cela mais une fois de plus, diaboliser, effrayer le chalant n’est pas tres convainquant.
ça me rappelle l’addiction au jeu de role, attention, danger l’attachement excessif à son avatar, la capacité à plonger ds les mondes imaginaires trop facilement … on en parle plus, donc l’addiction ne elle ne doit plus exister …
je pense que les arguments de l’article sont tt à fait recevable / valable en l’état actuel des connaissances.
Bon, aller, une citation de canguilhem qui fait quand même réfléchir :
« Le malade est malade pour ne pouvoir admettre qu’une norme. Pour employer une expression qui nous a déjà beaucoup servi, le malade n’est pas anormal par absence de norme, mais par incapacité d’être normatif. »