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Au pavillon de Breteuil à Sèvre, un mètre en platine iridié donnait la mesure du monde. Il mesurait très exactement un dix millionième d’un quart de méridien et était depuis le 18ième siècle le mètre étalon. A partir de 1960, l’atome étant le parangon de la modernité, le mètre se mesurait en parties de longueur d’onde d’une radiation de l’isotope 86 du krypton. Depuis 1983, c’est la vitesse de la lumière dans le vide qui sert de référence.

Ainsi, de la lourde barre de platine au rayon laser, le mètre étalon s’est progressivement éloigné de nos évidences sensibles. Chacun peut se représenter une barre de métal. Combien peuvent imaginer et sentir ce qu’est 1/300 000 000 secondes ?

Dans le même temps, l’espace s’est doublé d’un espace aussi intangible. A l’espace géographique, accéléré ou ralenti par les infrastructures, les moyens de circulation, et le relief, s’est ajouté un espace dans lequel la distance ne compte pas. L’Internet est un espace dans lequel la distance ne compte pas. Pour deux personnes présentes sur le réseau, être dans la même pièce ou sur deux continents ne fait pas beaucoup de différence. Le mail, Skype et Facebook ne connaissent qu’une unité de mesure. Ce n’est plus le mètre, mais le ping c’est à dire le temps de réponse du serveur.

L’espace Internet est donc un espace dans lequel la métrique n’est plus la référence. Nous aurions donc là à notre disposition un espace commun dans lequel la proximité des uns et des autres serait réglée uniquement sur les désirs de rencontre.

Les choses ne sont pourtant pas si simples. Une étude récente montre que l’espace géographique pèse encore dans le cyberespace. Les relations créées en ligne restent corrélées la proximité géographique. Les personnes créent davantage de lien avec des personnes qui leur sont proches géographiquement. Si l’on fait correspondre l’espace des réseaux sociaux et l’espace géographique, 40% des connexions en ligne on moins de 100 km. Cela veut dire que dans presque la moitié des connexions, les personnes sont en général à une heure de voiture les unes des autres.

L’étude montre également de grandes disparités. Plus le nombre de connexions d’une personne est importante, plus la distance géographique s’agrandit. Je pense que cette différence correspond à des usages différents des réseaux sociaux. Les personnes qui ont un petit réseau social le réservent une utilisation familiale ou professionnelle. Ils s’en servent donc pour garder un lien avec des personnes avec qui ils sont déjà en contact. Les personnes qui ont un réseau social important sont dans une démarche prospective. L’utilisation du réseau fait partie d’une stratégie relationnelle.

Cette étude montre une nouvelle fois que le cyberespace n’est pas un espace déconnecté de nos autres réalités. Ils fonctionne avec des règles qui lui sont propres, mais il reste profondément liés aux autres réalités qui façonnent nos vies.

 

pdf-file-logo-icon (1)Socio-spatial Properties of Online Location-based Social Networks.
Salvatore Scellato, Anastasios Noulas, Renaud Lambiotte, Cecilia Mascolo. – In Proceedings of Fifth International AAAI Conference on Weblogs and Social Media (ICWSM 2011). Barcelona, Spain, July 2011. [PDF]