Au printemps prochain, à Limoges, se tiendra un colloque sur les jeux vidéos. La fin L’Appel à Participation approchant, j’ai écrit la proposition d’intervention ci dessous. Nous aurons l’occasion de discuter avec nos cousins québécois puisque HomoLudens est de la partie.Les occasions de discuter sérieusement des jeux vidéos dans un colloque sont encore trop rares. Et elles le sont encore plus dans le petit peuple psy. Pourtant, ici et là, des psychologues travaillent avec la matière numérique. Chacun le fait avec ses outils : le psychanalyste ne travaille pas de la même façon que le thérapeute comportemento-cognitiviste. Et c’est précisément une des choses qui rend cette pratique intéressante : après avoir été utilisé comme médiateur entre un psychothérapeute et des patients, le jeu vidéo pourrait servir de médiateur entre des psychothérapeutes.
Coté psychanalyse, la compréhension des mécaniques de jeu dans le jeu vidéo restent encore pour une grande part opaques. Le niveau oedipien et narcissique que Michael Stora met en avant me semble tout à fait insuffisant à expliciter ce dont il s’agit. Il nous faut construire une métapsychologie psychanalytique du jeu vidéo. J’espère y contribuer.
Demander si le jeu vidéo est un bon médiateur thérapeutique, c’est rappeler les conditions de ce qui est psychothérapeutique ou non. Un jeu vidéo, de mon point de vue, n’est pas un médicament. Il n’y a pas de "jeu vidéo – drogue", qu’il s’agisse d’une "bonne" drogue qui soigne ou d’une "mauvaise" drogue qui rende malade, sauf dans le fantasme de questions psychothérapeutes. Ce qui soigne, c’est de rapporter en parole à un autre être humain intéressé l’ expérience que l’on a vécu. Faut il rappeler que ce qui fait la psychothérapie, c’est la co-présence du psychothérapeute et du patient ?
Le jeu vidéo est il un bon médiateur thérapeutique ?
Mots clés : médiation, psychanalyse, jeu vidéo, psychothérapie, objet de relation, signifiants formels, schèmes d’enveloppe, schèmes de transformation
La principale activité du psychothérapeute est de jouer. Jouer avec les mots, les idées, les fantasmes permet de réduire les clivages, d’exprimer ce qui était réprimé, de faire apparaître ce qui était en-deçà de l’activité consciente. Comme tous les jeux, le jeu vidéo a des fonctions intégratives : il permet d’accroître son expérience, de mieux intégrer les motions pulsionnelles agressives ou érotiques.
Du fait du déploiement ubiquitaire du numérique, MSN, le mail, les jeux vidéos se sont retrouvés dans le cabinet du psychothérapeute. C’est ainsi que des « dancing babies » se sont retrouvés au centre du traitement mené par Sylvain Missonnier auprès d’une femme en mal d’enfants.
D’autres psychothérapeutes ont eu l’idée d’utiliser des dispositifs numériques dans un but thérapeutique. Les laboratoires de recherche Microsoft associés avec des psychologues américains ont mis au point KidTalk, un bavardoir dont le design est pensé pour les enfants autistes. Le laboratoire de cyberpsychologie de l’université du Québec [1] utilise des environnements numériques pour traiter des troubles allant de la phobie des transports aériens aux troubles alimentaires. En France, Michael Stora, François Lespinasse et Jose Perez ont proposé a des enfants de jouer avec des jeux vidéos dans un but thérapeutique. Le premier a utilisé Ico après la séance de psychothérapie de groupe. Les seconds ont utilisé Super Mario 2 avec un enfant présentant des troubles autistiques.
Il existe plusieurs façons pour un psychothérapeute de travailler avec des jeux vidéos. J’en présenterai quelques unes avant de faire le point sur le groupe thérapeutique que j’anime depuis une année sur ce thème. Après l’allant des commencements, il est maintenant à la fois possible et nécessaire de faire le bilan des expériences qui ont été menées. Le jeu vidéo est il un bon médiateur thérapeutique ? Cela nécessitera un passage rapide par la notion de médiation, et l’examen des conditions permettant de faire d’un jeu vidéo un médiateur dans un cadre thérapeutique.
Le théâtre œdipien, ou les jeux d’images narcisssiques et idéalisants souvent mis en avant a propos des jeux vidéos ne constituent pas l’essentiel du jeu vidéo.Tout l’intérêt des jeux vidéos réside dans le fait qu’ils proposent des voies d’accès à des niveaux de fonctionnement psychique bien plus archaïques. Les jeux vidéos, c’est là ma thèse, sont une voie d’accès aux premiers niveaux de symbolisation : signifiants formels (D. Anzieu), schèmes d’enveloppe et de transformation (S. Tisseron), sensations et émotions y trouvent une re-présentation.
Peut-être pourrait-il être intéressant de se référer aussi à la théorie des contenants de pensée (Gibello, 1995) car elle propose un modèle d’articulation entre les contenants fantasmatiques, narcissiques mais aussi cognitifs (que tu sembles moins évoquer).
On pourrait notamment se demander dans quelle mesure tel jeu mobilise les processus mnésiques ou d’organisation perceptive d’un individu.
Oui, les contenants de pensée sont sur le chemin de ma thèse. En fait, toute la fillière théorique Esther Bick – Didier Anzieu et ses rejetons – Didier Anzieu, Serge Tisseron, Gibello – sont intéressants pour traiter la matière numérique
C’est vrai qu’il faudrait que je me penche sur les contenants cognitifs que je néglige