L’ALLIANCE JEUX VIDÉO DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR S’OPPOSE AU “TROUBLE DU JEU VIDEO” DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

L’inclusion proposée dans la Classification internationale des maladies (CIM) stigmatise des milliards d’acteurs dans le monde, se fonde sur peu de preuves scientifiques et ne propose aucun traitement ou prévention.

Texte original : https://hevga.org/article_writeups/higher-education-video-game-alliance-opposes-world-health-organizations-gaming-disorder/

Traducteurs Yann Leroux, Boris Schapira

WASHINGTON, D. C. – le 4 janvier 2018C’est avec une grande consternation que, pendant la période des Fêtes, nous avons pris connaissance de la proposition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d’adopter une nouvelle classification pour un “trouble du jeu” dans sa Classification Internationale des Maladies (CIM). La presse populaire parle déjà de l’ajout proposé comme d’une “maladie mentale”, un “problème de santé mentale” et d’autres expressions et termes similaires. Bien que l’OMS prenne soin de limiter la proposition en caractérisant ce trouble comme un comportement “récurrent” du jeu se manifestant par une “perte de contrôle sur le jeu” et une “escalade de la pratique du jeu malgré l’apparition de conséquences négatives”, il n’en demeure pas moins qu’une classification additionnelle du jeu en tant que trouble addictif fera peu pour combattre les cas d’abus enracinés dans le comportement individuel, et non symptomatiques d’un médium particulier. Il est particulièrement préoccupant de constater que le fait de classer le jeu comme un désordre cherchera à stigmatiser un passe-temps que des milliards de joueurs apprécient sans problème dans le monde entier, et qu’il faussera également la recherche en cours sur la question en cherchant à confirmer la classification plutôt que de permettre une recherche ouverte et transparente sans parti pris. De la façon la plus claire possible, nous affirmons que nous ne suivons pas l’OMS dans cette voie

Nous encourageons fermement les notions de conception responsable du jeu, d’inclusion de la communauté et de citoyenneté engagée. Nous accompagnons à la fois  la communauté des joueurs, l’industrie du développement de jeux et la communauté scientifique et universitaire qui étudient ces formes médiatiques et leurs effets. Malgré tout, nous trouvons très peu de preuves scientifiques venant confirmer la classification proposée.  Au contraire, ces recherches cherchent plutôt à établir une distinction entre l’engagement envers cette forme de médias et toute autre consommation là où il n’ y en a pas (p. ex., le visionnage boulimique et autres habitudes de consommation). De plus, cette définition de l’OMS confond le contexte et la terminologie entre “jeu”, qui désigne généralement le jeu de hasard, et la pratique des jeux vidéo numériques. Enfin, ce qui est peut-être le plus important, cette classification ne propose aucune option de prévention ou de traitement.

Nous voyons ce genre de chasse au sorcières avec les jeux et d’autres formes de médias depuis des siècles. Avant les jeux vidéo, nous avons vu des affirmations similaires faites à propos des échecs, du solitaire, des jeux de rôle  et d’autres formes de média et de divertissement. Aux XVIIIe et XIXe siècles, pour tenter de maintenir le statu quo et les inégalités entre les sexes, on affirmait que les femmes étaient incapables de distinguer la fiction romanesque de la vie quotidienne. Aujourd’hui encore, diverses catégories démographiques et segments du marché sont perçus comme des agents d’autres maux de la société. Le monde d’aujourd’hui accuse les jeux de provoquer de la violence, de favoriser l’obésité infantile, de mettre en échec les politiques éducatives et d’une foule d’autres problèmes contemporains, malgré le manque de preuves et l’examen attentif d’autres forces systémiques, souvent beaucoup plus puissantes, qui contribuent aux comportements sociaux. Les jeux vidéo sont communément appelés “addictifs” en dépit de nombreuses études contradictoires et d’un manque évident de consensus de la part des communautés scientifique et médicale. Pourtant, certains groupes et certains médias, ainsi que la presse, semblent vouloir considérer cette forme de médias et de jeux comme particulièrement dangereuse, même si les jeux sont appréciés par plus de 2 milliards de joueurs dans le monde et ont également eu un effet positif sur l’éducation aux Sciences, aux Techniques à l’Ingénierie et aux Mathématiques, ainsi que dans les domaines connexes des sciences humaines et sociales.  

Il est certain qu’une classification peut aider à bien faire les choses, mais au lieu de tirer des conclusions prématurées qui pourraient être potentiellement dommageables et aliéner davantage diverses parties de nos sociétés, nous encourageons tout d’abord tous les acteurs de la recherche  à poursuivre les effortsnécessaires pour étudier la façon dont les jeux affectent notre vie en tant que média culturel et emblématique de notre époque. Il est clair que le rôle des médias numériques dans le monde d’aujourd’hui est d’une importance critique – de notre politique à la façon dont nous éduquons la prochaine génération. Grâce à une étude rigoureuse et neutre, des rapports impartiaux et en gardant un regard critique sur le sensationnalisme, nous pensons que nous pouvons mieux comprendre l’impact des jeux dans notre vie et cela inclut de prendre soin de ceux d’entre nous dont les comportements pendant le jeu peuvent devenir nuisibles. fin de fournir les meilleurs soins possibles à ceux qui sont vraiment dans le besoin et de ne pas causer de tort par un diagnostic erroné ou excessif, nous devons cependant éviter de stigmatiser inutilement le jeu vidéo comme un trouble médical. Il est injustifié de cibler une forme particulière de médias numériques en se fondant sur les données limitées présentées à ce jour, et cela ne fera ni progresser les options de soins et de traitement pour ceux qui en ont besoin, ni mieux comprendre le rôle et l’impact sociétal et culturel de ces médias.

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