On voit apparaître un peu partout des articles indiquant que l’OMS va reconnaître l’addiction aux jeux vidéo. Cette nouvelle est erronée car a ce jour rien n’indique la position de l’OMS sur cette question. Ces articles s’appuient sur une source anglophone qui affirme que l’OMS va reconnaître en 2018 le trouble de l’addiction aux jeux vidéo. Or, l’OMS travaille encore à la nouvelle édition de sa Classification des Maladies Mentales. A ce jour, la seule mention que l’on trouve associée à l’OMS se trouve sur un wiki sur lequel chacun peut faire des propositions et des commentaires. Il est important de savoir que les troubles décrits dans ce brouillon ne sont pas la version finale de la CIM-11, ne sont pas reconnus par l’OMS et ne doivent pas être utilisés pour faire un diagnostic

On trouve sur ce wiiki  deux entrées qui concernent le jeu vidéo : le trouble du jeu vidéo et le jeu (vidéo) dangereux.

 

 

  • Le Trouble du jeu vidéo

 

Le Trouble du jeu vidéo (gaming disorder) est classé dans le répertoire des Troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances psycho-actives. Il est défini de la manière suivante :

Gaming disorder is characterized by a pattern of persistent or recurrent gaming behaviour (‘digital gaming’ or ‘video-gaming’), which may be online (i.e., over the internet) or offline, manifested by: 1) impaired control over gaming (e.g., onset, frequency, intensity, duration, termination, context); 2) increasing priority given to gaming to the extent that gaming takes precedence over other life interests and daily activities; and 3) continuation or escalation of gaming despite the occurrence of negative consequences.

The behaviour pattern is of sufficient severity to result in significant impairment in personal, family, social, educational, occupational or other important areas of functioning. The pattern of gaming behaviour may be continuous or episodic and recurrent. The gaming behaviour and other features are normally evident over a period of at least 12 months in order for a diagnosis to be assigned, although the required duration may be shortened if all diagnostic requirements are met and symptoms are severe.

 

Le trouble du jeu est caractérisé par un comportement de jeu persistant ou récurrent (“jeu numérique” ou “jeu vidéo”), qui peut être en ligne (sur Internet) ou hors ligne, se manifestant par: 1) une altération du contrôle sur le jeu ( par exemple, début, fréquence, intensité, durée, fin, contexte); 2) le fait de donner une importance accrue au jeu vidéo au point que le jeu vidéo prime sur les autres intérêts de la vie et les activités quotidiennes; et 3) la poursuite ou l’escalade du jeu vidéo malgré l’occurrence de conséquences négatives.

Le comportement est d’une sévérité suffisante pour entraîner une déficience significative dans les domaines de fonctionnement personnels, familiaux, sociaux, éducatifs, professionnels ou autres. Le modèle de comportement de jeu peut être continu ou épisodique et récurrent. Le comportement de jeu et d’autres caractéristiques sont normalement évidents sur une période d’au moins 12 mois pour qu’un diagnostic soit attribué, bien que la durée requise puisse être raccourcie si toutes les conditions diagnostiques sont remplies et les symptômes sont sévères (ma traduction)

Cette définition est problématique ne serait-ce qu’au regard des critères de l’addiction de la CIM-10 pour qui le syndrome de dépendance peut être diagnostiqué lorsque 3 des manifestations suivantes sont présentes au cours de la dernière année.

 

  1. désir puissant ou compulsif d’utiliser une substance psychoactive
  2. difficulté de contrôler l’utilisation de la substance
  3. syndrome de sevrage physiologique quand le sujet diminue ou arrête la consommation d’une substance psychoactive, comme en témoigne l’apparition d’un syndrome de sevrage caractéristique de la substance ou l’utilisation de la même substance pour éviter ou soulager les symptômes de sevrage
  4. mise en évidence d’une tolérance aux effets de la substance psychoactive : le sujet a besoin d’une quantité plus importante pour obtenir l’effet désiré
  5. abandon progressif d’autres sources de plaisir et d’intérêt au profit de l’utilisation de la substance psychoactive et augmentation du temps passé à se procurer la substance, la consommer, ou récupérer de ses effets
  6. poursuite de la consommation de la substance malgré la survenue de conséquences manifestement nocives. On doit s’efforcer de préciser que le sujet était au courant, ou qu’il aurait dû être au courant, de la nature et de la gravité des conséquences nocives »

 

 

Le trouble du jeu vidéo divise par deux le nombre de critères sur lequel un diagnostic peut être fait. Les critères sont qui sont absent sont ceux qui sont le plus fortement évocateurs d’une dépendance : désir puissant d’utiliser la substance,  syndrome de sevrage physiologique, tolérance aux effets de la substance. Au final, cette définition prive le clinicien de la possibilité d’établir un diagnostic avec une certitude raisonnable.

 

 

  • Le Jeu dangereux

 

Le jeu dangereux est classé dans Problèmes associés a la santé; il est défini de la manière suivante

Hazardous gaming refers to a pattern of gaming, either online or offline that appreciably increases the risk of harmful physical or mental health consequences to the individual or to others around this individual. The increased risk may be from the frequency of gaming, from the amount of time spent on these activities, from the neglect of other activities and priorities, from risky behaviours associated with gaming or its context, from the adverse consequences of gaming, or from the combination of these. The pattern of gaming is often persists in spite of awareness of increased risk of harm to the individual or to others.

 

Le jeu dangereux se réfère à un type de jeu, en ligne ou hors ligne, qui augmente considérablement le risque de conséquences néfastes pour la santé physique ou mentale pour l’individu ou son entourage. Le risque accru peut provenir de la fréquence du jeu, du temps consacré à ces activités, de la négligence d’autres activités et priorités, des comportements à risque associés aux jeux ou à leur contexte, des conséquences néfastes du jeu ou des combinaison de ceux-ci. Le mode de jeu persiste souvent malgré la conscience d’un risque accru de préjudice à l’individu ou aux autres.

Là encore, la définition est problématique car contrairement à l’utilisation de substances psychoactives, il n’y a pas de preuve que le jeu vidéo conduise a des problèmes psychologiques.  Par contre, on peut penser que le jeu vidéo  est utilisé par des personnes qui présentent des troubles psychologiques comme des mécanismes de coping. Parfois ces mécanismes sont efficaces, c’est à dire qu’ils aident la personne à fonctionner ou a avoir des interactions qu’elles ne pourraient pas avoir sans le jeu vidéo.

Les deux définitions sont problématiques car elles ne donnent pas de critères d’exclusion. Il n’est donc facile de faire des faux positifs et des faux négatifs en donnant par exemple un diagnostic de jeu (vidéo) dangereux  ou de Trouble du jeu vidéo à une personne qui est déprimée ou anxieuse.

Pour résumer les termes du débat :

 

  • Le gamer n’est pas un toxicomane.

 

Le rapprochement du comportement de certains jours avec les troubles troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances psycho-actives est inapproprié tant les deux expériences sont différentes.

 

  • Il n’y a pas de consensus sur la définition, la symptomatologie, les méthodes d’évaluation, la fréquence du trouble.

 

Il n’est pas non plus évident que les joueurs excessifs développement une pathologie ou qu’ils aient une pathologie préexistante comme des troubles anxieux ou une dépression

 

  • Il n’est pas certain que les jeux vidéo représentent un risque plus important que le sexe, le sport ou la nourriture

 

 

  • La panique morale autour des jeux vidéo incite à la prudence.

 

Prendre des mesures sous la pression des média sans l’absence de preuves scientifiques d’un problème effectif lié aux jeux vidéo ne peut conduire qu’a des erreurs

 

  • L’idée de faire en soi des jeux vidéo quelque chose de dangereux en soi est problématique.

 

Les jeux vidéo sont qui doivent être traités de la même manière que les livres, le cinéma ou les arts

 

A ce jour, l’OMS n’a pas reconnu un trouble lié aux jeux vidéo et n’a fait aucune annonce allant dans ce sens. Dire que ‘l’OMS va reconnaître l’addiction aux jeux vidéo en 2018” est une conjecture. Mon souhait est que les éditeurs de la CIM aient la même sagesse que ceux du DSM en s’en tenant à ce que la littérature scientifique indique : à ce jour, il n’y a pas consensus sur une addiction aux jeux vidéo