A fur et à mesure que les jeux vidéo sont sortis de leur ghetto culturel, ils ont été l’objet d’inquiétudes de plus en plus vives. Plus les héros des jeux vidéo s’exposaient dans les pages de magazine et sur les écrans de publicité, plus les soupçons se sont accumulés : les jeux vidéo isolent, les jeux vidéo rendent violents, les jeux vidéo sont des paradis artificiels.

D’objet de plaisir, les jeux vidéo sont ainsi devenu des substances toxiques. Ce mouvement a été rendu possible par le fait que la notion de dépendance s’est elle même déplacée au cours de ces dernières décennies. Le concept d’addiction est venu remplacer les usages de substances toxiques et des formes de manies ont été rebaptisées “addictions sans drogues”

Pourtant, l’addiction comporte toujours une part de risque et de transgression qui absente des jeux vidéo. Le “gamer” est une figure beaucoup moins transgressive que celle du “toxico”. Il n’est porté par aucune revendication, il ne met rien en risque. Il est même sur-adapté au regard des exigences de compétition et d’excellence de la société post-moderne.

Les craintes des adultes vis à vis des jeux vidéo sont tiennent au fait que la représentation qu’on les adultes des jeux vidéo dans leur grande majorité infondées. Marc Valleur, addictologue, les appelle “ “demandes” symptômes”. Elles est souvent faussée du fait de l’image que les média donnent du média. Le fossé générationnel contribue également à cette incompréhension.

La mauvaise réputation faite aux jeux vidéo est symptomatique d’autre chose. En effet, au moins depuis l’invention de l’adolescence dans l’après guerre, toutes les générations ont eu à faire avec l’incompréhension entre les jeunes et les vieux. Le Rock and Roll, les bande-dessinées, les comics, le punk, le hip-hop, le skate … ont d’abord été regardé de haut par les adultes, puis moqués avant d’’être intégrées dans la culture.

Les jeux vidéo doivent faire avec un contexte différent. Les adolescents d’aujourd’hui sont en effet face à des adultes  qui vieillissent bien plus lentement que les générations précédentes.  Quels intérêts est ce que les jeune d’aujourd’hui ont ils a prendre de l’âge ? La formation qu’il ont acquise leur est inutile (un tiers des diplômes de 2011 n’a pas trouvé de travail). Les boomers sont installés à des postes de pouvoirs. Leur longévité extraordinaire du fait des  progrès sociaux et médicaux , ne leur donne pas envie de lâcher les commandes au profit des générations suivantes. Autrefois, les conflits s’apaisaient parce que les jeunes prenaient de l’âge, et les vieux étaient occupés a leur travail de trépas. Aujourd’hui, les vieux sont fascinés par des images d’adolescents dans lesquelles les vrais adolescents ne se reconnaissent pas. Le travail de grandir des jeunes en est rendu plus compliqué puisque les idéaux des ainés ne pointent pas vers le futur, mais vers des passés nostalgiques et des images truquées. Les 60s, années de l’adolescence des boomers, semble régner en maitre et le génie du temps présent semble incapable de faire autre chose que de réinventer et revendre encore et encore le même passé.

Aussi, l’addiction aux jeux vidéo est symptôme de toute une génération qui prend insuffisamment en compte les difficultés auxquelles elle est confrontée. Mais la difficulté est moins celle des adolescents que des adultes. Les adolescents expérimentent avec ce que leur donne la culture. Les boomers ont eu le rock and roll et Woodstok. Les adolescents d’aujourd’hui ont GTA et les LAN parties. Les jeux vidéo sont des objets dont les adolescents se servent pour se sentir vrai, traverser les moments de pot-au-noir, et se faire reconnaitre. Ce n’est ni mieux ni pire que ce dont ont disposé les générations précédentes. C’est juste différent. C’est aux adultes de supporter cette tension et de résister aux sirènes de la régression et du narcissisme. C’est à eux de montrer aux adolescent que grandir signifie a terme mourir. Et c’est aussi a eux de le faire d’une façon qui soit utile à tous. Je suis frappé par le fait que dans Left for Dead, les boomers sont des zombies aveuglent les survivants (les joueurs) leur vomissant dessus et meurent dans une explosion qui repousse tout le monde.N’y a t il pas là une allégorie des rapports intergénérationnels actuels ?

Cette différence générationnelle et les incompréhension qu’elle suscite n’est pas problématiques. Elle est source de travail et occasion de transmissions fécondes.Mais il faut d’abord reconnaitre ceci : il est normal  que les adolescents fassent des choses que les adultes ne comprennent pas. Il est souhaitable que les adultes gardent le cap et s’occupent de leurs affaires de grandes personnes. Il est préjudiciable que les loisirs de toute une génération soit pathologisé par le monde des adultes.

Sur l’addiction au jeu vidéo comme ““demande” symptôme”, voir Valleur M. Nouveaux environnements, nouveaux enfants, nouveaux parents, nouveaux symptômes (communication) Brest : Congrès national de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et des Disciplines Associées (SFFPEA-DA, juin 2006)

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