Une étude publiée récemment dans Frontriers in Psychology  montrent que ce qui est considéré comme dysfonctionnel dans l’utilisation du smartphone est en fait social. Pour le dire autrement, là où certains veulent voir de l’addiction, il faut les effets de notre  notre besoin fondamental d’être en lien avec d’autres êtres humains. Ce besoin est si intense que les auteurs n’hésitent pas à parler d’addiction sociale

Après avoir revu la littérature sur l’usage problématique du smartphone, Samuel VEISSIERE et Moriah STENDEL  arrivent à la conclusion que ces usages problématiques ont tous en commun de satisfaire un besoin besoin de relation. Le modèle utilisé par les auteurs est biologique. En effet, ils  considèrent que la relation de la personne avec son smartphone est comparable à celle qu’un rat peut avoir dans une boîte à Skinner. L’hyperconnectivité apporte des réponses qui sont interprétées comme des récompenses par le cerveau ce qui conduirait, du fait de la fréquence et de l’intensité des stimulations, à des usages problématiques. Là encore, il est possible de discuter voire de critique ce modèle  basé sur le renforcement positif intermittent mais l’important est de voir qu’il apporte des éléments de solution. Si le problème vient de stimulations trop fréquentes et de leur association avec une sensation de plaisir, la solution est tout aussi simple : il suffit de réduire les stimulations. Autrement dit, si nous avons appris à construire des associations, nous pouvons aussi apprendre à régler le flux des notifications en fonction des situations pour déconstruire ces associations Par exemple, au moment ou j’écris ces lignes, je n’ai pas besoin de recevoir des notifications de mes comptes sociaux. Il est aussi important d’apprendre à donner des priorités à l’intérieur d’une application. Facebook est pour moi un immense espace de travail car je peux y trouver facilement des groupes et des personnes qui partagent mes intérêts. Lorsque je travaille sur les mèmes, il m’est utile de recevoir des messages qui traitent des mèmes mais ces messages vont devenir une gêne lorsque que vais travailler quelques semaines plus tard sur les femmes dans le jeu vidéo. Samuel VEISSIERE et Moriah STENDEL proposent d’autres manières de rompre les associations stimulation-récompense comme le fait de s’entendre sur des règles communes d’utilisation au travail ou etablir des attentes claires pour les délais de réponse.

Samuel VEISSIERE et Moriah STENDEL mettent le doigt sur quelque chose de fondatemental  en montrant que l’addiction au smartphone n’est pas une addiction. Il est important de différencier  les addictions des usages (même problématiques) de la technologie car ce sont deux expériences totalement différentes. L’addiction désocialise toujours parce que la personne est totalement centrée sur la satisfaction de ses besoins. Cela est vrai pour les addictions comportementales comme pour les addictions avec produits. Le joueur est enfermé dans une lutte avec le Casino dont il imagine pouvoir sortir vainqueur en empochant le gros lot tandis que l’héroïnomane cherche à retrouver les effets que la drogue provoque en lui et en lui seul. A l’opposé, la technologie – c’est à dire les applications sociales comme Facebook, Instagram etc. – aident à construire des liens. Le plaisir de leur utilisation ne vient pas de la succession des gestes que l’on fait mais des interactions en ligne

Au final, Samuel VEISSIERE et Moriah STENDEL montrent que la source du problème n’est pas dans les téléphones portables mais dans l’anticipation des récompenses apportées par les interactions sociales via les smartphones. L’addiction au smartphone n’est pas une addiction mais le satisfaction anormale du besoin de relation qui est un besoin normal.

 

SOURCE 

Veissière, Samuel PL, and Moriah Stendel. “Hypernatural monitoring: a social rehearsal account of smartphone addiction.” Frontiers in Psychology 9 (2018): 141.