Dans la théorie de Jacques LACAN, le stade du miroir est un moment clé du développement de l’enfant. Jacques LACAN développe l’idée que face à son image dans le miroir, l’enfant construit son corps comme une totalité unifiée. Le stade du miroir est donc une expérience structurante qui permet à l’enfant de dépasser l’image d’un corps dispersé et unifié. Reprenant le texte de Jacques LACAN, Joël DÖR décrit trois phases dans cette expérience du miroir. Tout d’abord l’enfant perçoit l’image de son corps comme quelque chose d’autre qu’il tente d’approcher ou d’appréhender. Dans un second temps, l’enfant est amené à découvrir que l’image dans le miroir n’est pas un être réel mais une image. Il distingue ainsi l’image de l’autre et la réalité de l’autre. Dans un troisième temps, l’enfant comprend que l’image est celle de son corps propre.
Ces trois moments sont importants pour comprendre la relation que la personne construit avec son avatar. Dans certains moments, le lien entre l’avatar et le joueur est rompu. Cela souvent dans les phases d’apprentissages. Le joueur est alors désorienté. Il ne sait qui il est, ou il est et ce qu’il fait. Ces moments sont toujours accompagnés d’une anxiété qui, si elle se prolonge, conduit à la fin de l’expérience du jeu.
D’autres expériences de jeu correspondent au second moment du stade du miroir. L’avatar du joueur est alors quelque chose d’autre. Cette expérience correspond aux moments où le joueur perd le contrôle sur l’avatar tout en gardant un lien et une orientation suffisante. Il sait où et qui il est sur l’écran, mais il sait aussi que certains gestes de l’avatar ne sont pas de son fait. Ces expériences sont accompagnées d’une certaine dose d’anxiété car le joueur prend conscience qu’il y a au coeur de ce qui le représente dans le jeu quelque chose qui n’est pas lui. L’inquiétante étrangeté qui a été associé à l’avatar correspond à cette identification partielle. Mais cette même identification partielle peut aussi ouvrir sur des occasions de plaisir. C’est par exemple le cas lorsqu’une cinématique prend la main sur le joueur pour lui faire découvrir un aspect de l’histoire du jeu. Les animations qui accompagnent certains mouvements ou certains moments du jeu sont aussi une perte de maîtrise associée à un gain de plaisir
Enfin, le troisième moment du stade miroir correspond à l’expérience banale du jeu vidéo. Le joueur est suffisament identifié à l’avatar; cette “identification primordiale” pour reprendre les termes de Jacques LACAN, comble le vide qui existe entre le corps du joueur et l’image de l’avatar. Elle met en place une continuité qui ou il y avait de lu désaccord et de la dislocation. Comme dans le stade du miroir où l’image parfaite permet à l’enfant d’anticiper sur ce que son schéma corporel lui permet de réaliser, l’avatar permet d’effectuer des actions qui sont largement hors de la portée du joueur. Mais si le lien avec l’avatar permet d’anticiper des intégrations encore non réalisées, il permet aussi de revisiter des phases antérieures du développement. Lorsque par exemple l’avatar ne peut pas sauter par dessus un parapet d’un mètre, le joueur se retrouve dans
Ces trois temps reprennent également un schéma développemental souvent décrit. Le premier moment est celui d’une “hisflogiskeit” c’est à dire d’une détresse primordiale ou le joueur est totalement désorienté. Un premier palier de maîtrise est possible lorsque le joueur arrive à s’orienter mais que du fait d’une habileté insuffisante, il n’arrive pas à traduire en actions effectives ses idées et ses désirs. Puis vient un troisième moment ou l’identification avec l’avatar est si parfaite que le joueur comprend sans difficulté les images qui lui arrivent de l’écran et ses actions sont mises en place sans difficulté.
Les jeux vidéo sont souvent vilipendés pour leur violence. Il est vrai que dans beaucoup de jeux vidéo, le joueur se déplace dans des espaces qui sont violemment contestés. Mais ces conflits violents sont autant de mises en scènes de rencontres avec l’altérité. Le cycle de morts et de résurrections est une manière de passer et repasser par le stade du miroir. Par la destruction de son avatar, par la vision de son corps démembré et par les renaissances glorieuses qui suivent immanquablement, le joueur passe et repasse par l’épreuve du miroir en faisant alterner les vécus de démembrements et les assomptions jubilatoires.
SOURCES
LACAN, Jacques, (1966). Le stade du miroir. Écrits, 94.
DÖR, Joël. “Introduction à la lecture de Lacan. 1. L’inconscient structuré comme un langage.” (1990).
90).