Fondé en décembre 2006, Wikileaks." publie des documents fournis par des sources anonymes et qui seraient inaccessibles par d’autres moyens. Wikileaks a depuis mis en ligne un masse importante de documents. Le 28 novembre 2010, Wikileaks diffuse des câbles de la diplomatie américaine. Dans les heures qui suivent, le nom de domaine est attaqué. Le 1er décembre, Amazon.com n’héberge plus Wikileak. Le 2 décembre, le nom de domaine wikileaks.org n’est plus accessible. Wikileaks cherche un nouvel hébergement. Il s’installe chez OVH et est immédiatement menacé par le ministre Besson. Le 4, le service Paypal lui refuse ses services. le cyberesapace se couvre de sites miroirs et ils sont plus de 200 au 6 décembre

Le 10 décembre 2010, Anonymous lance l’opération Payback et ajoute tout son poids dans ce que Pierre Chappaz a appelé“la première infoguerre

Gabriella Coleman a montré comment Anonymous avait organisé son attaque. Des cibles ont été désignées en fonction des probablilités du succès de l’attaque DDoS. Pour elle, Anonymous, ou du moins une partie d’Anonymous, “agit comme un groupe d’activistes politiques expérimentés, débattant des mérites et des inconvénients de leurs actions et de leurs cibles, en prenant soin par exemple, de ne pas attaquer les médiaSouce : The Atlantic

Quel type de guerre fait Anonymous ?

On appelle “guerre” le règlement violent d’un conflit entre deux parties, généralement des unités politiques indépendantes et localisées dans l’espace. La guerre témoigne d’une maitrise suffisante de la violence par une organisation qui désigne à ses partisans un ennemi extérieur. Elle  permet ainsi de régler les conflits qui concernent la maitrise de l’espace, l’accès aux ressources, la circulation des biens et des personnes. Selon l’expression bien connue de Clausewitz, “la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens” Elle permet d’obtenir par la force que l’on avait pas obtenu par la négociation, l’échange, ou le commerce.

Dans le cas de Wikileaks, ces motifs ne sont pas pertinents. Il ne s’agit pas d’une affaire de territoire pas plus que de circulation de biens. Il ne s’agit pas non plus d’obtenir quelque chose puisque les données circulent dans l’espace public et médiatique depuis le 28 novembre. Il pourrait s’agir  à la limite de vendetta mais Anonymous n’est pas directement partie prenante dans le conflit qui oppose Wiklileaks et le gouvernement américain et il n’a pas réellement de motif de vengeance dans cette affaire.

La guerre que mène Anonymous est d’un autre genre. Elle est le moyen par lequel Anonymous fonde et perpétue son identité. En luttant “pour Wikileaks” et “contre Paypal” Anonymous se présente comme champion des libertés. Il devient dans l’espace médiatique “un groupe de hackers”.

Le hacker a dans l’imaginaire une place particulière. Blanc ou noir, il fait avec les puissances informatiques. Il est un être solitaire, habité par la passion de savoir et de pénétrer. Anon presque à l’opposé. Il est lui aussi un être de l’ombre, mais il est légion et animé par la destructivité.. En se rapprochant de l’image du hacker, Anon bénéficie de son imaginaire et se rapproche en effet des hacktivistes

Mais Anonymous ne livre pas une guerre “pour la liberté d’expression”. La guerre est consubstantielle à Anonymous. C’est un ensemble caractérisé par une culture de la violence. L’agitation , le tumulte, la sexualité, les provocations, les insultes, les gimmiks qui règnent perpétuellement sur 4chan sont une mesure de cette violence que le groupe doit traiter.

Il le fait en étant perpétuellement en campagne. Sans trêve, Anonymous se cherche de nouvelles cibles. Il lui importe peu qu’il s’agisse d’une enfant de 11 ans, d’une secte, ou d’un service de paiement en ligne. L’important est de se trouver, au travers de la guerre, des motifs d’existence. La victoire ou la défaite importe peu à Anonymous. Ce qui importe, c’est le moment ou l’on s’appelle, ou l’on s’équipe, ou l’on s’arme, ou l’on marche à l’ennemi. Ce qui importe, c’est le le bel ordonnancement des individus, L’important, c’est de se mettre en ordre de bataille, car c’est là qu’Anonymous est vraiment Anonymous. En dehors de ces moments, c’est juste un ensemble disparate dont on perçoit mal les limites.