Michael Stora fait souvent le lien entre la dépression maternelle et le temps que les enfants passent devant un écran de télévision ou d’ordinateur. Il en tire un modèle conceptuel intéressant, mais comme toutes les observations cliniques, ces observations difficilement généralisables. Voyons ce que disent les recherches quantitatives.

La dépression maternelle pourrait-elle influencer la quantité de temps que les enfants passent devant les écrans ? L’étude de Trinh et al. (2019) a exploré cette question en mesurant la dépression maternelle à plusieurs moments clés : 12, 24 et 36 mois après la naissance de l’enfant. Les résultats ont révélé que, dans cette étude spécifique, la dépression maternelle n’était pas un facteur significatif affectant le temps d’écran des enfants.

Mais ce résultat est-il représentatif de la réalité ? Lorsque nous comparons cette étude avec d’autres recherches, nous constatons des résultats divergents. Par exemple, Anand et ses collègues (2014) ont trouvé que les symptômes de dépression chez les mères étaient associés à une augmentation du temps de visionnage de la télévision chez les nourrissons. De même, Park et al. (2018) ont montré une corrélation positive entre la dépression maternelle et une utilisation excessive des écrans chez les enfants. Thompson et Christakis (2007) ont également noté que le stress mental maternel, incluant la dépression, était lié à un temps d’écran plus élevé chez les enfants de moins de trois ans.

Ces études suggèrent que les mères souffrant de dépression peuvent être plus enclines à utiliser les écrans comme un moyen de divertissement pour leurs enfants. Cela pourrait être dû à une baisse d’énergie ou à des difficultés à interagir activement avec leurs enfants. En utilisant les écrans, ces mères peuvent trouver un moyen de gérer le quotidien plus facilement, même si cela conduit à une augmentation du temps d’écran pour leurs enfants.

Alors, pourquoi l’étude de Trinh et al. n’a-t-elle pas trouvé de lien significatif ? Plusieurs facteurs pourraient l’expliquer. Tout d’abord, la prévalence relativement faible de la dépression postpartum dans leur échantillon pourrait avoir limité la capacité de l’étude à détecter une relation significative. Sur les 238 femmes étudiées, seulement 7,8 % souffraient de dépression postpartum. Ensuite, les différences dans la méthodologie et le moment de la mesure de la dépression peuvent également jouer un rôle. La manière dont la dépression est diagnostiquée ou rapportée, ainsi que la précision avec laquelle le temps d’écran est enregistré, peuvent varier d’une étude à l’autre et influencer les résultats.

En conclusion, bien que l’étude de Trinh et al. n’ait pas trouvé de relation significative entre la dépression maternelle et le temps d’écran des enfants, d’autres recherches suggèrent une association positive. Il est donc crucial de continuer à explorer cette question avec des méthodologies diverses et des échantillons variés pour mieux comprendre les facteurs sous-jacents à cette relation complexe. La réponse n’est pas simple, et chaque étude apporte une pièce supplémentaire au puzzle de notre compréhension.

Bibliographie

Anand, V., Downs, S. M., Bauer, N. S., & Carroll, A. E. (2014). Prevalence of infant television viewing and maternal depression symptoms. Journal of Developmental & Behavioral Pediatrics, 35(3), 216-224.

Park, S., Chang, H. Y., Park, E. J., et al. (2018). Maternal depression and children’s screen overuse. Journal of Korean Medical Science, 33(34), e219.

Thompson, D. A., & Christakis, D. A. (2007). The association of maternal mental distress with television viewing in children under 3 years old. Ambulatory Pediatrics, 7(1), 32-37.

Trinh, M.-H., Sundaram, R., Robinson, S. L., Lin, T.-C., Bell, E. M., Ghassabian, A., & Yeung, E. H. (2019). Association of Trajectory and Covariates of Children’s Screen Media Time. JAMA Pediatrics.