La décision de l’OMS de créer dans la prochaine  CIM-11 un trouble du jeu vidéo est prématurée, inutile et contre-productive car elle verse dans le champ de la maladie mentale des comportements qui témoignent d’un haut-engagement ou font passer pour un nouveau trouble des troubles déjà connus

Qu’est ce qu’une maladie mentale ?

Une maladie  mentale est une condition qui affecte durablement et de manière significative le fonctionnement d’une personne dans le domaine de la pensée, des émotions ou des relations interpersonnelles. Elle est toujours le résultat de causes multiples qui sont biologiques, psychologiques et sociales

Le jeu vidéo peut il être une addiction ?

Les addictions aux substances psycho-actives ou aux comportements sont définis dans la CIM-11 comme des troubles mentaux et du comportement qui se développent principalement à la suite d’utilisation de substances psychoactives ou des comportements.

Les addictions comportementales ne comportaient que le trouble de jeu pathologique. Les personnes qui présentent ce trouble sont bien connues des psychologues. Il s’agit de joueurs qui dépensent des sommes importantes dans des jeux d’argent et de hasard ce qui les conduit lentement mais sûrement vers la ruine. Le trouble du jeu pathologique était classé dans les troubles du contrôle de l’impulsion a été déplacé avec le DSM-V dans la nouvelle catégorie des addictions comportementales. L’idée qui préside à ce changement est que que n’importe quel comportement peut devenir une addiction s’il se produit dans certains conditions

Au moment de ce changement, les éditeurs du DSM-V auraient pu mettre les jeux vidéo dans cette nouvelle catégorie. Mais ils ont sagement choisi de placer  le Trouble du Jeu Vidéo en Ligne (’Internet Gaming Disorder) dans les annexe parce que les données issues de la recherche n’étaient pas suffisantes pour déterminer la réalité de ce trouble. Ce “Internet Gaming Disorder”

Cinq ans plus tard, l’OMS décide de placer les jeux vidéo dans les addictions comportementales. Les éditeurs  de la CIM-11 ne tiennent donc pas compte de la réserve du DSM-V ni des avertissement lancés par la communauté de chercheurs et de clinicien. Ils créent un “Gaming disorder autour de trois critères : 1) la perte de contrôle sur le jeu ; 2) la priorité donnée au jeu sur les autres activités et 3) la poursuite du jeu malgré les conditions négatives.

La définition du “gaming disorder” par l’OMS pose plusieurs problèmes. Tout d’abord elle est un affaiblissement considérable par rapport à ce que l’on entend par addiction. Lorsque l’on compare la définition de l’OMS aux (très nombreuses) définition donnée à l’addiction aux jeux vidéo on est frappé par son appauvrissement. L’OMS ne garde que  les critères les moins discutés (la saliance, la perte d’intérêt pour les autres activités) et ceux qui font consensus (, la perte de contrôle et le jeu malgré les conséquences négative). Les autres critères sont escamotés. On ne trouve aucune trace de la tolérance et du sevrage qui sont traditionnellement des marqueurs forts de l’addiction. La tolérance correspond au fait que la personne doit exécuter plus fréquemment le même comportement pour avoir le même plaisir. Le sevrage correspond à l’expérience de malaise ressentie par la personne lorsque le comportement n’est pas réalisé

La  définition du trouble est encore très incertaine puisque mon ne sait pas s’il s’agit d’un trouble en soi, d’un sou groupe de l’addiction à l’Internet, de conséquences d’un trouble préexistant ou de mécanismes de coping et d’ajustement

La prévalence du trouble est inconnue, tout comme les mécanismes qui conduisent à une addiction. On n’a pas non plus d’instrument de mesure du trouble qui fasse consensus. Les interactions avec les pathologies préexistantes sont inconnues. On ne sait même pas quels sont les jeux vidéo concernés

L’addiction aux jeux vidéo est un trouble curieux puisque c’est une maladie dont on ne souffre pas. Des chercheurs ont en effet trouvé que le Trouble du Jeu Vidéo en ligne n’affecte pas négativement la vie des joueur (WEINSTEIN, PRZYBYLSKI et MURAYAMA, 2017).   

L’addiction aux jeux vidéo est un trouble inutile. En effet il n’est pas possible de discerner les personnes qui présentent un trouble effectif et celles qui sont tout simplement passionnés et qui doivent, parfois, faire avec les conséquences négatives d’une passion

Pourtant, les mécaniques d’un Candy Crush Saga, d’un Fortnite ou d’un World of Warcraft sont différentes. On est aussi dans l’obscurité en ce qui concerne le profil des addicts aux jeux vidéo. Qui sont ils ? Quels sont leurs traits de personnalité ? Dans ce contexte dire que les connaissances actuelles permettent d’établir un trouble de l’addiction aux jeux vidéo est platement faux

Il n’y a pas non plus de consensus autour de la notion d’addiction aux jeux vidéo. La question est plus que largement débattue. Certains soutiennent la reconnaissance du trouble parce qu’il leur semble qu’il est la preuve presque expérimentale que le modèle biologique de l’addiction fonctionne. D’autres ont une position qui prend davantage en compte l’état des connaissances. Des psychothérapeutes et des chercheurs ont écrit une lettre ouverte a l’OMS demandant a ce que les jeux vidéo ne soient pas versés au répertoire des addictions comportementales.

La création d’un Internet Gaming Disorder dans les annexes du DSM-V a été durement critiquée parfois par des promoteurs de l’addiction aux jeux vidéo En France, des sociétés savantes comme l’INSERM ou l’Académie des Sciences et des psychothérapeutes se sont montrés très réservés par rapport  l’idée d’une addiction aux jeux vidéo en mettant en avant que l’excès et les usages compulsifs ne sont pas des critères d’addiction

Tout cela amène à penser que s’il  fallait donner une étiquette à l’addiction aux jeux vidéo, “fausse psychologie” serait parfait. En effet, malgré vingt ans de recherches l’addiction aux jeux vidéo repose plus sur de vagues analogies que sur des privés scientifiques.

Pourquoi l’OMS a créé ce trouble

L’OMS affirme que la création du Trouble du jeu vidéo est basé sur les connaissances scientifiques et un consensus des experts. Elle affirme que l’inclusion de ce trouble facilitera l’accès aux soins de personnes, rendra les professionnels plus conscients du risque de développer ce trouble

Malheureusement, ce n’est pas exact. Tout d’abord, les connaissances scientifique qui documentent l’addiction aux jeux vidéo ne sont pas sur la table. 20 années d’études n’ont permis de dresser qu’une cartographie très incomplète et insuffisante  de l’addiction aux jeux vidéo

Pour ce qui est de la sensibilisation des professionnels, la création d’un nouveau trouble ne rend pas ce service. Les professionnels sont par exemple sensibilisés au fait qu’il faille prendre en compte la culture des patients sans qu’il ait été nécessaire de créer un trouble de l’origine étrangère

Les motivations de l’OMS sont probablement pas celles qui sont mises en avant. Des chercheurs ont fait état de pressions de la Chine pour l’inclusion de ce nouveau trouble. Il est aussi possible que certains professionnels y voient une occasion de développer leurs affaires et aient fait un travail de lobbying auprès de l’OMS

Associer les jeux vidéo à une maladie mentale va t il impacter négativement l’image des jeux vidéo dans le public

Les media contribuent largement à donner une image négative des jeux vidéo en les présentant comme des coupables idéaux selon la belle expression d’ Olivier Mauco. Ils sont associés aux fusillades de masse, au terrorisme et maintenant à l’addiction.

La création de ce trouble risque de donner encore plus de traction à la panique morale sur les jeux vidéo puisque ce sera bien la “preuve“ que les jeux vidéo sont la cause de problèmes Cela amènera les parents et les proches du gamer à sur-réagir et à mettre en place des réponses inappropriées. Un autre effet négatif de ce “gaming disorder” est de donner une image fausse de l’addiction. On sait que les joueurs les plus excessifs peuvent changer sans trop de difficulté leurs habitudes de jeu. Les cocaïnomanes et les joueurs pathologiques n’ont pas cette chance.

Quels sont les traitement proposés

Des traitements médicamenteux  (méthylphénidate et bupropion) à des personnes qui ont reçu le trouble de l’addiction aux jeux vidéo en ligne tel qu’il est défini par le DSM-V . Les médicaments utilisés sont aussi ceux qui sont données pour le traitement de l’hyperactivité ce qui laisse penser que ces deux troubles se superposent largement. . L’addiction aux jeux vidéo ne serait donc pas une nouvelle maladie une tentative d’automédication que les enfant hyperactifs se donneraient

La psychothérapie comportementale et cognitive à été utilisée avec ses joueurs de jeux vidéo. Le but du traitement était d’aider le patient à prendre conscience des ressorts psychologiques qui déterminent son temps de jeu. Étonnement, un traitement à base de psychothérapie en ligne à aussi été proposé.

En Chine et en Corée du Sud les gamers ont été traités dans camps spéciaux. Mais les conditions de vie y étaient si dure que certains ont été fermés à la suite de plaintes pour maltraitance. Dans un cas, les mauvais traitements étaient si important qu’une personne est morte.

Aux USA l’addiction aux jeux vidéo sont pris en charge par les les programmes des American Addiction Center comme des troubles du contrôle de l’addiction. Il existe aussi des cliniques comme ReStart traitent l’addiction aux jeux vidéo pour quelques milliers de dollars. Il n’existe pas a ma connaissance de clinique pour le traitement de l’addiction aux jeux vidéo en Europe. En 2008, Keith Bakker a fermé le centre de désintoxication qu’il avait ouvert pour les gamers. Son expérience de 18 mois l’a amené a conclure qu’il s’agissait plus de problèmes d’éducation que d’addiction.

En France,  en mai 2008 Michael Stora a annoncé l’ouverture d’un centre de recherche et de traitement qui n’a jamais vu le jour. Il existe quelques consultation en addictologie reçoivent des patients qui sont identifiés comme addicts aux jeux vidéo. Mais la quasi absence de publications ne permet pas d’avoir une vision d’ensemble sur le travail effectué

  • Les bienfaits et les méfaits des jeux vidéo

Les jeux vidéo ont été associés à des éléments positifs dans les sphères de la cognition, de la vie émotionnelle et des relations sociales. Les jeux vidéo sont des soutien intéressants dans le contexte de l’adolescence car ils offrent des points d’identification. Ils sont banalement des activités sociales qui permettent de nourrir les relations sociales. De fait, les chercheurs ont trouvé que les jeux vidéo peuvent être utilisés pour renforcer les liens familiaux ou amicaux et sont associés a des facteurs de bonne santé mentale.

Au niveau des éléments négatifs, des liens ont été notés avec l’obésité, des troubles visuels, le syndrome du canal carpien. Avec l’avènement des consoles qui utilisent des contrôleurs qui en encodent le mouvement (Wii, Kinect, PlayStation Move) quelques cas de fracture ont été rapportés . Des recherches ont également trouvé une relation entre les jeux vidéo (FPS) l’agression, l’hostilité, et une réduction de l’empathie

La chose importante à retenir est que les études montrent très rarement un lien direct entre l’utilisation des jeux vidéo et un comportement et une compétence. Les seules relations directes ont été rapportées dans le domaine cognitif. Les personnes qui jouent aux FPS sont manipulent plus facilement des images en trois dimension. Finalement la recherche rappelle que les jeux vidéo sont des média. Ils sont des propositions que la personne utiliser dans son propre développement. Par exemple, une personne déprimée peut utiliser massivement les jeux vidéo ce qui peut avoir pour effet de l’aider à sortir de sa dépression. Mais l’effet inverse peut aussi être observé puisque le temps passé à jouer est un temps qui sert a mettre entre parenthèse les actions qui permettraient de trouver des solutions à la dépression.

Il est encore temps de faire reculer l’OMS puisque l’inscription du trouble du jeu vidéo dépend d’un vote des pays membres. En d’autres termes, cette inscription dépend plus d’éléments politiques que médicaux ou scientifiques. Une action politique peut donc faire pencher la balance du bon côté.  C’est pourquoi j’ai créé avec quelques collègues cliniciens ou chercheurs une pétition visant  a alerter l’opinion sur les problèmes posés par la psychiatrisation des joueurs de jeu vidéo et a amener l’OMS a renconcer à son projet.

Signez et partagez la pétition !

https://www.change.org/p/yann-leroux-sign-this-petition-against-who-s-gaming-disorder/w?source_location=notifications_page

 

SOURCES

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