La schizophrénie est un trouble mental complexe et chronique qui se caractérise par une perte de contact avec la réalité. Cette perte de contact est souvent associée à des symptômes variés et invalidants, qui peuvent évoluer différemment d’une personne à l’autre.  Les personnes atteintes de schizophrénie rencontrent fréquemment des déficits cognitifs durables, affectant notamment la mémoire, l’attention et les capacités de résolution de problèmes.

L’intégration des jeux vidéo dans le traitement de la schizophrénie suscite un intérêt croissant dans la communauté scientifique. Bien que traditionnellement associés à des loisirs, les jeux vidéo offrent un potentiel thérapeutique pour améliorer la qualité de vie des patients atteints de schizophrénie. Cette approche, novatrice, présente des avantages prometteurs mais soulève également des questions concernant ses limites.

Avantages des jeux vidéo pour les personnes atteintes de schizophrénie

Les jeux vidéo peuvent favoriser des améliorations cognitives chez les patients schizophrènes, notamment grâce à leur capacité à solliciter la plasticité cérébrale. Selon une étude de Sünderhauf et al. (2016), les jeux vidéo commerciaux pourraient induire des changements significatifs dans des zones cérébrales clés, comme l’hippocampe et le cortex préfrontal, zones également stimulées par les thérapies de remédiation cognitive (CRT). Ce type de jeux stimule des fonctions telles que la mémoire, l’attention, et le contrôle exécutif, compétences souvent altérées chez les patients schizophrènes.

Il a été noté que, des jeux vidéo combinant activité physique et stimulation cognitive, semblent particulièrement prometteurs. Leutwyler et al. (2012) ont démontré que ces  exergames sont non seulement facilement utilisés par des patients âgés atteints de schizophrénie, mais qu’ils peuvent aussi favoriser une activité physique modérée, essentielle pour améliorer la condition physique de ces patients. L’étude a montré que 73 % des participants âgés de 55 ans et plus étaient prêts à utiliser ces jeux au moins une fois par semaine.

Une autre perspective intéressante est celle du soutien à l’estime de soi et aux interactions sociales. Peter et Estingoy (2014) ont exploré l’utilisation de jeux vidéo à interface corporelle (comme Kinect) et ont observé des améliorations dans la mémoire de travail, l’estime de soi et les comportements sociaux chez des patients schizophrènes. Ces résultats indiquent que certains jeux peuvent contribuer à renforcer la confiance en soi des patients, améliorer leur perception d’eux-mêmes et encourager des comportements coopératifs.

  • Limites et précautions à considérer

Malgré les avantages potentiels, l’utilisation des jeux vidéo dans le traitement de la schizophrénie présente certaines limites. Une des principales critiques réside dans le manque de données robustes et homogènes. Roberts et al. (2021), dans leur revue systématique, ont noté que bien que les jeux vidéo n’aient pas entraîné d’effets négatifs clairs, la qualité des preuves demeure faible. En outre, les exergames ont montré une amélioration de la condition physique dans un seul essai, mais aucune différence significative n’a été observée dans les autres domaines. Cela suggère que les données sont encore trop limitées pour tirer des conclusions définitives.

Par ailleurs, l’hétérogénéité des résultats dans les études existantes complique l’évaluation de l’efficacité des jeux vidéo en tant qu’outil thérapeutique. Sünderhauf et al. (2016) soulignent que bien que les jeux vidéo puissent stimuler certaines zones cérébrales, les résultats varient selon les études et les types de jeux utilisés, rendant difficile l’établissement de recommandations claires.

Enfin, un autre point à considérer est l’impact à long terme des jeux vidéo sur la motivation et l’engagement des patients. Bien que certains jeux favorisent une participation régulière, il reste à déterminer si cet intérêt persistera au fil du temps, ou s’il est simplement dû à la nouveauté de l’approche (Dupuis, 2019). Un suivi à long terme est donc nécessaire pour évaluer la durabilité des effets positifs observés.

  • Conclusion

L’utilisation des jeux vidéo dans le traitement de la schizophrénie ouvre des perspectives intéressantes, notamment en matière d’amélioration des fonctions cognitives, de la condition physique, et des interactions sociales. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les effets à long terme et l’efficacité des différentes formes de jeux vidéo. Bien que les premiers résultats soient prometteurs, il est important de rester prudent et de considérer ces jeux comme des compléments, et non des substituts, aux traitements conventionnels.

Références

Dupuis, E. (2019). *Utilisation médicale du jeu vidéo dans la schizophrénie : une revue de la littérature*. Thèse de doctorat, Université de Lorraine. Disponible sur https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03298363

Franck, N. (2015). Des jeux pour lutter contre la schizophrénie. *Cerveau & Psycho*, Nov. 2015/Jan. 2016, 54-59.

Leutwyler, H., Hubbard, E. M., Vinogradov, S., & Dowling, G. A. (2012). Videogames to promote physical activity in older adults with schizophrenia. *Games for Health Journal: Research, Development, and Clinical Applications*, 1(5), 380-383.

Peter, C., & Estingoy, P. (2014). Le jeu vidéo comme médiation thérapeutique : une nouvelle approche dans la prise en charge de la schizophrénie. *Études et Pratiques en Psychologie*, 2(3), 6-19.

Roberts, M. T., Lloyd, J., Välimäki, M., Ho, G. W. K., Freemantle, M., & Békefi, A. Z. (2021). Video games for people with schizophrenia. *Cochrane Database of Systematic Reviews*, 2021(2), CD012844. https://doi.org/10.1002/14651858.CD012844.pub2

Sünderhauf, C., Walter, A., Lenz, C., Lang, U. E., & Borgwardt, S. (2016). Counter striking psychosis: Commercial video games as potential treatment in schizophrenia? A systematic review of neuroimaging studies. *Neuroscience and Biobehavioral Reviews*, 68, 208-222.