La crainte que les jeux vidéo soient préjudiciables aux joueurs est ancienne. Elle s’insère dans une suspicion générale à propos des écrans. Dans les années 1980, la télévision avait fait l’objet de recherches pour examiner son lien avec d’éventuels troubles de l’attention. Elle avait finalement conclu a une relation faible expliquée en partie par le type de contenu et par le fait que le temps passé devant la télévision remplace des activités critiques pour le développement. Dans les années 2000, Nicolas Carr avait mis en avant le fait que le régime d’attention continuellement discontinue est est finalement dommageable a notre capacité à maintenir une attention soutenue. La discussion reprend aujourd’hui avec les écrans mais dans un contexte différent de celui de la télévision. En effet, les études sur la télévision portait sur de très jeunes enfants (2-3 ans) tandis que les enfants concernés par les études sur les jeux vidéo sont généralement de jeunes adolescents.

Les psychologues ont mené de nombreuses recherches pour explorer le lien entre les jeux vidéo et des troubles de l’attention. D’une façon générale, un lien est trouvé entre le temps passé jouer aux jeux vidéo et des troubles dont le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ce trouble est défini par une attention dysfonctionnelle et l’impulsivité.es enfants qui présentent ce trouble ont aussi des difficultés dans des tâches qui impliquent les fonctions exécutives ils sont également en difficulté dans les relations avec leurs pairs et dans leur scolarité, ont tendance à prendre davantage de risque que les autres enfants. La prévalence du trouble est estimée autour de 5 %. 

Les personnes qui jouent le plus aux jeux vidéo sont aussi celles qui ont le plus souvent des symptômes qui évoquent la dépression, l’anxiété ou le TDAH. Une étude menée en Californie rapporte que les adolescents qui sont des utilisateurs fréquents des jeux vidéo sont aussi ceux qui ont le plus de chance d’avoir des symptômes évoquant le TDAH. Les chercheurs ont suivi 2600 adolescents Californiens pendant deux ans. Les adolescents qui présentaient déjà des symptômes de TDAH ont été sortis de l’étude. Les participants devaient rapporter leurs utilisations de différents média dont les jeux vidéo. Les auteurs trouvent une relation modeste entre l’utilisation des média et le TDAH. L’analyse des résultats montre que les conversations vidéo puis les jeux vidéo étaient le plus associé à des symptômes de TDAH. 

Le design de l’étude étant corrélationnel, il n’est pas possible de déterminer le sens de la relation entre les jeux vidéo et le TDAH. Il est possible que les jeux vidéo soient la cause de TDAH ou que les personnes qui présentent ce trouble soit préférentiellement attirées vers les jeux vidéo ou encore qu’un facteur inconnu conduise à la fois aux TDAH et une grande appétence pour les jeux vidéo. Pour certains chercheurs, le problème est surtout que les jeux vidéo n’aident pas les personnes présentant un TDAH. Dans une étude longitudinale de trois ans menée auprès de 3000 enfants de Singapour, Douglas Gentile et ses collègues observent que les joueurs les plus importants deviennent encore plus impulsifs et moins attentifs.

Pourtant, en psychothérapie, il est facile de constater à quel point les enfants qui présentent une TDAH arrivent à être focalisé lorsqu’ils jouent à un jeu vidéo. Les observations des psychothérapeutes rejoignent celle des parents qui note l’effet des jeux vidéo sur leurs enfants. 

Gentile rejoint ici Carr pour expliquer les effets des jeux vidéo sur l’attention. Les jeux vidéo apportent au joueur un flux constant de stimulations visuelles, sonores et parfois tactiles. Mais son interprétation est différente. Pour Carr, les simulations constantes fragmentent l’attention. Pour Gentile, le problème est que le joueur n’a pas à faire beaucoup d’efforts pour être attentif puisque le jeu lui présente les bonnes informations au moment ou il en a besoin. 

Plusieurs théories expliquent le goût des enfants TDAH pour les jeux vidéo. La première est biologique. Elle affirme que les joueurs vont vers les jeux vidéo parce qu’ils provoquent une libération de dopamine. Les personnes TDAH ayant un déficit de cette hormone, ce serait donc une sorte d’auto-médication. Une autres théorie affirme que les jeux vidéo apportent aux joueurs le refuge dont ils ont besoin. Les enfants TDAH peuvent ainsi soigner leur 

Cependant, la relation entre les jeux vidéo et les troubles de l’attention est bien plus complexe qu’une simple relation de cause a effet comme le montre une méta-analyse menée Bediou et ses collègues. Les chercheurs ont rassemblé les publications couvrant la période 2000-20015 pour examiner la relation entre les jeux vidéo d’action (principalement des FPS) et les fonctions attentionnelles. Ils trouvent bien un lien entre les jeux vidéo et l’attention, mais contrairement aux affirmations de Gentile, ce lien est positif que ce soit pour les études transversales ou les études qui documentent les interventions à long terme. 

Même si ce lien positif est faible, il a été jugé suffisamment positif pour explorer les possibilités de remédiation cognitive offertes par les jeux vidéo. Une étude menée par Kollins Scott montre qu’un traitement de 4 semaines à base d’un jeu vidéo spécialement désigné pour solliciter des réponses rapide et des prises de décision améliore les capacités attentionnelles mesurées à l’aide du Test of Variable of Attention d’enfants TDAH . Des jeux comme Smart Brains, Crystal of Kaydor ou Tenacity 

Enfin, les enfants présentant un TDAH n’ont pas attendu les psychologues pour jouer aux jeux vidéo. Ils sont des gamers comme les autres ce qui en soi fait des jeux vidéo une activité intéressante. Les enfants TDAH peuvent ainsi profiter des pouvoirs du jeu à savoir la communication, les apprentissages et l’intégration des émotions. Ils trouvent aussi avec les jeux vidéo un environnement spécifique qui correspond à leurs besoin. Les jeux vidéo ont en effet l’avantage de présenter des situations complexes du point de vue de l’attention d’une manière qui n’excède pas les capacités du joueur. Les informations saillantes sont soulignées – par exemple une arme flotte dans l’espace. L’enfant doit également contrôler son impulsivité s’il veut progresser dans le jeu. Que ce soit dans un FPS ou un MOBA, foncer dans le tas est rarement une stratégie gagnante. Les jeux vidéo reposent massivement sur les fonctions exécutives puisqu’ils faut planifier les actions tout en gardant une flexibilité suffisante pour pouvoir s’adapter à l’imprévu. Le plan d’action est donc nécessaire, mais il doit être mis à jour régulièrement en fonction des informations reçues par le joueur.

Si les jeux vidéo ne doivent pas être démonisés, il ne doivent pas non plus être idéalisés. Il est a peu près certain que les jeux vidéo ne provoquent pas de TDAH mais il reste à mieux comprendre dans quelles conditions ils sont une aide au développement des enfants TDAH et quand ils les entraînent dans une spirale négative du point de vue du développement. En effet, les connaissances rassemblées sur les pratiques vidéoludisme des enfants a besoin particulier restent encore éparses. L’influence des jeux vidéo sur leurs  compétences cognitives, sociales et la vie émotionnelles de ces enfants reste encore a explorer. Il est probable que l’environnement humain joue un rôle plus grand que le temps passé à jouer aux jeux vidéo mais cela reste à ce jour une hypothèse qui attend d’être confirmée par la recherche. 

L’examen de la littérature contredit l’idée que les jeux vidéo sont dommageables pour l’attention. Par contre, les recherches montrent que jouer aux jeux vidéo d’action a un effet positif sur les capacités attentionnelles. Cet effet est suffisament grand pour que les interventions basées sur les jeux vidéo aient également un effet positif et pour que les enfants TDAH puissent profiter des pouvoirs des jeux vidéo.

Sources

Bediou, B., Adams, D. M., Mayer, R. E., Tipton, E., Green, C. S., & Bavelier, D. (2018). Meta-analysis of action video game impact on perceptual, attentional, and cognitive skills. Psychological bulletin, 144(1), 77.

Prot, S., Gentile, D. A., Anderson, C. A., Suzuki, K., Swing, E., Lim, K. M., … & Liau, A. K. (2014). Long-term relations among prosocial-media use, empathy, and prosocial behavior. Psychological science, 25(2), 358-368.

Kollins, Scott H., et al. “2.40 A Multicenter, Randomized, Active-Control Registration Trial of Software Treatment for Actively Reducing Severity of ADHD (Stars-Adhd) to Assess the Efficacy and Safety of a Novel, Home-Based, Digital Treatment for Pediatric ADHD.” Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry 57.10 (2018): S172.

Ra, C. K., Cho, J., Stone, M. D., De La Cerda, J., Goldenson, N. I., Moroney, E., … & Leventhal, A. M. (2018). Association of digital media use with subsequent symptoms of attention-deficit/hyperactivity disorder among adolescents. Jama, 320(3), 255-263.