J’étais hier à Saint Jean d’Angély (17) pour parler avec des documentalistes de jeu vidéo. J’ai pu avoir un aperçu des difficultés auxquelles ils sont confrontés dès lors qu’il s’agit de matières numériques. L’administration est incroyablement tatillonne et interdictrice. Quels sont les jeux que l’on peut "accepter" dans un CDI ? Peut on autoriser Counter Strike ? Evidement non ! Mais pourquoi est ce si évident ? Pourquoi s’evertue-t-on à faire en sorte que l’école ne soit pas un lieu de plaisir ? Ne peut-on pas avoir des accès Internet libres ? Evidement non ! L’institution scolaire se doit de protéger les enfants des dangers de la pornographie ! Mais depuis quand un filtre est il une protection efficace ? L’ éducation nationale a ouvert un fil twitter et peut être est ce que c’est un signe que les choses vont plutôt dans le bon sens ? ((Hélas, le compte Twitter de l’Education Nationale montre qu’ils veulent s’en servir comme d’un médias Haut Bas (top to bottom) alors que twitter est un média horizontal)) Peut être verra-t-on un jour des écoles développer et maintenir des écologies numériques ?

 

Mon idée était de montrer la complexité de ces objets et le travail psychique qu’il nécessitent pour que le jeu puisse se produire.

 

Jouer avec un ordinateur

J’avais divisé mon intervention en deux parties. La première reprenait quelques grandes étapes de l’histoire du jeu vidéo, des premiers gestes de Willie  Higginbotham, Steve Russel et Willie Crowther. Les deux premiers ont fait des jeux pour autre chose que jouer : pour Higginbotham, il s’agissait d’intéresser les visiteurs à son laboratoire et pour Russel, il s’agissait de monter les capacités du PDP-1. Willie Crowther a fait un jeu pour jouer. Ce n’était pas la première fois que l’on jouait avec des ordinateurs. Après tout, les membres du Tech Model Railroad Club avaient utilisé un ordinateur pour gérer leur réseau, et on leur doit quelques mots comme le verbe "to hack". Mais c’était la première fois que l’on jouait avec la machine. Auparavant, les jeux d’échecs ou de morpion qui avaient été programmés servaient à jouer contre la machine. Le joueur devait rivaliser d’intelligence avec l’ordinateur.

De ces premiers temps, on peut dégager deux grandes lignées de jeux. La première correspond aux jeux vidéos pour lesquels il n’y a pas d’autre objectif au jeu que le jeu lui même. La seconde lignée correspond aux jeux pour lesquels le jeu n’est qu’un prétexte : ce sont les serious games c’est à dire les jeux qui servent de support à un apprentissage ou à la publicité d’un message. L’expression est d’ailleurs une fausse opposition, car il suffit d’observer un enfant pour voir que tout jeu est sérieux.

Ces premiers jeux portent des éléments de la culture des hackers : l’information doit être libre, on peut créer de la beauté avec les machines. Il mêlent aussi des éléments idéologiques qui nous viennent du libéralisme ou même du néolbéralisme. Jouer avec un jeu vidéo, c’est se mettre au contact des nouvelles écritures que permettent les mondes numériques : c’est sauvegarder, charger, créer et détruire. C’est aussi se frotter au monde de l’hypertextualité : on "linke" les objets dans WoW c’est à dire qu’un clic permet d’afficher ses caractéristiques

 

Hybrides

Ce sont vraiment des objets curieux, composites, hybrides. En cela aussi, ce sont des bonnes ambassades, car l’hybridation est vraiment quelque chose qui caractérise notre 21ième siècle. Cette notion a été travaillée par [W:Bruno Latour] que nous avions déjà rencontré avec Gabriel Tarde et les conversations. L’hybridation intervient à deux niveaux dans les jeux vidéos. D’abord dans leur composition, puisqu’ils mêlent images, sons, narrations. Ensuite, dans l’appareillage qu’ils proposent au joueur.

 

Les trois usages du jeu vidéo.

Avec les jeux vidéo, nous avons trois usages possible. Nous pouvons jouer avec, dans, ou par le jeu vidéo

Lorsque nous jouons avec la forme de relation recherchée est la coopération. Cette coopération est empreinte de compétition  ou de rivalité comme dans les jeux d’échec ou de reflexion : il faut battre la machine, il faut être plus adroit, plus rapide, plus malin qu’elle.

Lorsque nous jouons dans, la forme de relation qui est recherchée est l’immersion. Le jeu vidéo est un environnement dans lequel le joueur se glisse. Il est dans l’image, ou dans l’environnement sonore que lui propose. On retrouve là toutes les puissances de l’image décrites par Serge Tisseron : puissance de sensorialité, de mémoire, d’accomplissement de désir, de sens, de puissance d’action et les fonctions d’enveloppe qui valent aussi bien pour l’image que pour le sonore. On aurait donc là un double jeu de miroir : celui de l’enveloppe des images ((ces images ne se limitent pas au visuel !)), et celui de l’enveloppe sonore.

Lorsque nous jouons par le jeu vidéo, c’est que cette forme de relation est considérée comme étant la seule possible pour accéder à l’éxpérience du jeu. S’il y a du jeu, il doit y avoir du jeu vidéo et toute autre forme de jeu est dévalorisée. Cette liaison exclusive et nécessaire signale

 

 

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