La Fédération Française des Psychologues et de la Psychologie a organisés du vendredi 9 au samedi 10 octobre un colloque intitulé Aux sources de la violence. Je crois pouvoir dire que le colloque a été un succès : 2000 participants et des interventions qui couvrent les grands axes que les psychologues ont l’habitude de rencontrer : la violence à l’école, la violence sur soi, la violence dont on est l’objet…
J’ai eu le plaisir de co-animer avec Benoit Virole le symposium Mondes virtuels, jeux vidéo et société numérique : implications et responsabilités avec comme intervenants Thomas Gaon, Elizabeth Rossé Brillaud et Sophie Gaetan
Thomas Gaon ((Pour ceux qui l’ignoreraient, Thomas Gaon est un ami, et il est possible que mon avis ne soit pas totalement neutre )) a commencé avec un Etat de la recherche sur les liens entre violence et jeux vidéo. La présentation était nerveuse, dynamique, et a montré clairement que le lien entre jeu vidéo et violence était purement imaginaire. Que cela soit imaginaire n’empêche pas que cette construction ait des effets et sa logique propre. Thomas Gaon a utilisé le modèle de [w:panique morale] pour en déconstruire les mécanismes. Le texte est vraiment très bien fait et j’espère que l’on pourra le voir très prochainement en ligne.
Elisabeth Rossé Brillaud a parlé des Joueurs excessifs de jeux vidéo. Elle a récusé le terme d’addiction et ne l’utilise que par commodité. Elle a montré a l’aide de quelques petits aperçus cliniques les dynamiques sous-jacentes au jeu excessif en distinguant entre les situations ou le jeu excessif apparait comme un élément de la problématique adolescence; les situations dans lesquels l’excès de jeu vidéo constitue une problématique en soi; les situations dans lesquelles le jeu vidéo excessif est un élément d’une processus psychopathologique. Dans tous les cas, les jeux vidéos peuvent servir d’étayage a la construction et au développement de soi, ou au contraire servir de geoles
Sophie Gaetan a présenté son mémoire de M2 ( jeu vidéo pathologique et addiction à soi. Le travail part des conceptions classique de l’addiction pour rejoindre la question des jeux vidéo. Sophie Gaetan a exploré ce qui se passe lorsque le jeu vidéo n’est plus une expérimentation mais une fuite. Une échelle de dépression a été administrée a des joueurs de jeu vidéo de 11 a 14 ans et la perception de soi comme celle de l’avatar a été évaluée. C’est un travail qui a mon avis nécessite d’être précisé au niveau du recrutement des sujets et de la méthodologie et surtout des conclusions qui traversent plusieurs registres
Le texte de Thomas Gaon m’intéresse moi aussi, et pas qu’un peu. Cela fait longtemps que j’espère voir une bibliographie complète des études sur les liens (réels ou supposés) entre la violence des jeux vidéo et l’agressivité des comportements. Mes seules références jusqu’à présent sont :
– Dans le camp des “pour” : les études de “l’école behavioriste américaine” (Craig Anderson, Douglas Gentile, Brad Bushman, Rowell Huesmann, Karen Dill, Bruce Bartholow, l’APA, l’AAP, etc…) ainsi que les études de “l’école anti-killerspiele” allemande (Werner Hopf, Günther Huber, Rudolf Weiss, Manfred Spitzer, etc…).
– Dans le camp des “contre”, et en tant que contrepoids “crédibles”, c’est-à-dire non subventionnés par une quelconque industrie des médias (contrairement à Jonathan Freedman, payé par la MPAA) ET ayant fait l’objet de publis dans des revues ou des conférences peer-reviewed, je ne connais que Christopher Ferguson, ainsi que Cheryl Olson et Lawrence Kutner de “Grand Theft Childhood”. Et à la rigueur Jerald Block.
J’ai bien peur que dans un cas comme dans l’autre, ce ne soit pas assez.
PS : Yann, puisque tu es psychologue, pourrais-tu si en as le temps analyser une étude en anglais et dire ce qu’elle a dans le ventre ? Il s’agit de celle-ci, déjà envoyée à Olivier Mauco : http://www.vgmg.ch/forschung/media_violence_youth_violence_2008.pdf
Allons, renvoyer dos a dos les psychologues comme cela, ce n’est pas très gentil :-) !
Je vais jeter un coup d’oeil au pdf.
Ben, en fait, quand il y a des “experts” invités à s’exprimer sur le sujet des effets des jeux “violents”, j’entends principalement parler d’eux, sans doute parce que ce sont majoritairement eux qu’on invite à s’exprimer dans les médias (généralistes ou spécialisés)… et peut-être aussi parce qu’ils ne citent que des gens de leur profession.
Par ailleurs, il est vrai que je connais beaucoup d’autres personnes qui sont invitées comme “spécialistes” de la question sans être pour autant des psys. Dans le camp des “pour”, on trouvera le criminologue Christian Pfeiffer, la sociologue Maria Mies ou l’enragée Sabine Schiffer. Dans le camp des “contre”, Henry Jenkins et Jeffrey Goldstein sont archi-connus, sans oublier Richard Rhodes. Enfin, pour ce qui est de Stephen Kline, je le mettrais plutôt “entre les deux”. Reste à savoir, en dehors de toute jugement quant à la qualité de leur argumentation, qui parmi eux a mené des recherches qui soient validées par leurs pairs.
Par exemple, il y a bien la fameuse étude de Pfeiffer selon laquelle une consommation excessive de médias (en particulier des jeux “violents”) nuit aux résultats scolaires. Cela dit, même si cette étude a été largement médiatisée dans le monde, je ne sais plus si elle a été “validée”.
Ensuite, il reste un problème : que “vaut” une recherche “de sociologue” par rapport à une recherche “de psychologue” sur la question des effets de la violence des jeux vidéo ? Et là, je sèche complètement.