Publié en 2013, le Diagnostic Standard Manual (DSM) comprend un nouveau trouble appelé Internet Gaming Disorder (Trouble de l’Addiction au Jeu sur Internet). Le DSM est un manuel psychiatrique de référence pour les psychiatres américains. Il est aussi largement utilisé en dehors des USA dans les domaines de la recherche, de la psychiatrie et de la psychothérapie. Il a pour ambition d’augmenter la fiabilité des diagnostics en décrivant et classant les affections mentales
Cette création a donné lieu a de nombreuses critiques souvent rapportées dans ce blog. Quoi que l’on pense de ce trouble, il est intéressant de revenir sur le processus de sa création à partir de l’APA elle même
Ce processus est décrit par Nancy Petry et Charles O’Brien dans l’article “ Internet gaming disorder and the DSM-5” . L’article rapporte que pour préparer la version du DSM-5, l’American Psychiatric Association a mis en place des groupes de travail qui avaient pour objectif d’identifier les forces et les faibles du DSM-IV. Ces groupes de travail se sont appuyés sur les publications existantes pour faire leurs recommandations
Le “Substance Use Disorder work-group” a travaillé sur le trouble d’usage des substances. Il était formé de 12 personnes assistées de 20 conseillers. Une des aires d’expertise du groupe était les addictions comportementales ce qui l’a amené a travailler sur l’Internet Gaming Disorder. Le groupe de travail onsulté des experts et passé en revue la littérature sur les comportements sexuels excessif, le shopping, le sport, le travail, les jeux d’argent et les jeux vidéo
Petry et O’Brien évoquent que ce groupe de travail a examiné plus de 250 articles sur les jeux vidéo. Ces articles portaient principalement sur les jeunes adultes et adolescents des pays asiatiques. Ils notent :
Malgré une littérature abondante, le groupe de travail a conclu sans hésitation qu’aucun critère de diagnostic standard n’a été appliqué à l’ensemble des études
Certaines études ont utilisé des échelles ou des critères inspirés du Trouble d’Usage de Substance D’autres ont fait un parallèle avec les jeux d’argent. D’autres encore ont fait preuve de créativité en créant de nouveaux critères. Finalement, il n’y a pas de standard qui permet de différencier le trouble. Sans surprise, la prévalence du trouble, son déroulement, son traitement, ou ses marqueurs biologiques ne sont pas identifiés
Les auteurs concluent
Malgré des incohérences dans la classification et des données limitées concernant l’évolution et l’étiologie de la maladie, le trouble des jeux sur internet sera inclus dans la section 3 du DSM-5.
L’idée des éditeurs du DSM-5 est de favoriser par la création de ce trouble une recherche de bonne qualité pour mieux l’identifier, déterminer sa prévalence, connaître son histoire naturell et ses caractéristiques biologiques.
L’Internet Gaming Disorder donne une définition du trouble en 9 points qui s’appuie sur une étude (Tao et al., 2010) (Tao et al., 2010) qui recommande un seuil de 5 critères et une déficience cliniquement significative
Ils notent également que l’inclusion de l’Internet Gaming Disorder ouvre la discussion sur les autres addiction comportementales tout en reconnaissant que c’est un sujet très controversé
Je suis étonné par le raisonnement que l’on peut résumer de la maniière suivante
- les auteurs constatent que la qualité des études sur l’addiction aux jeux vidéo est faible;
- Ils crééent un trouble de l’addiction aux jeux vidéo;
- Le trouble créé repose sur UNE étude dont on peut critiquer la qualité;
- le trouble concerne uniquement les jeux vidéo en ligne alors que l’idée d’une addiction au shopping, au sexe ou au spor est écartée… parce que les études étaient d’une qualité insuffisante.
Je serai curieux de connaitre le nom des experts de ce groupe de travail et de leur assistants. Comment ont ils été choisis ? Comment peut-on arriver a une telle conclusion avec de telles prémisses. J’aimerai comprendre pourquoi les jeux vidéo font l’objet d’une telle pathologisation
Le texte donne un début de réponse. Le débat sur l’addiciton aux jeux vidéo est une porte d’entrée pour les addictions comportementales. J’imagine que le groupe de travail sur les addictions était divisé entre ceux qui voulaient maintenir les addiction dans le champ de l’usage de toxiques et ceux qui voulaient l’étendre à tout comportement source de plaisir. Aucun camp n’a eu un avantage décisif sur l’autre. L’addiction aux jeux vidéo serait alors un compromis. Les us y voient quelques similitudes avec l’utilisation de susbtance via le neuromythe “jeu vidéo-dopamine”, les autres y voient une reconnaissance partielle de leur thèse.
Références :
Petry, N. M., & O’Brien, C. P. (2013). Internet gaming disorder and the DSM?5. Addiction, 108(7), 1186-1187
Tao, R., Huang, X., Wang, J., Zhang, H., Zhang, Y., & Li, M. (2010). Proposed diagnostic criteria for internet addiction. Addiction (Abingdon, England), 105(3), 556?564. https://doi.org/10.1111/j.1360-0443.2009.02828.x