En une poignée d’années, les jeux vidéo sont passés du statut de curiosité et de passe-temps pour des étudiants en informatique en une industrie globale du divertissement. Dans les années 50-70, des ordinateurs ont été détournés de leur fonction de calculateur pour jouer au morpion, aux échecs ou aux dames. Après ces faux-départs, le big bang est donné en 1962 par Steve Russell, Martin Graetz et Alan Kotok qui programment sur un ordinateur PDP-1 un jeu de bataille spatiale appelé Spacewar!  À l’époque, les ordinateurs étaient des appareils rares et précieux utilisés pour faire des calculs complexes. 

Depuis les années 60, les choses ont considérablement évolué. En effet, aujourd’hui, un adolescent dispose d’une puissance de calcul dans sa chambre qui dépasse celle dont disposait un chef d’état-major américain à l’époque.  Il s’est vendu en 2021 339,7 millions d’ordinateurs dans le monde. Une partie de la puissance de calcul de ces machines a servi à afficher des mondes numériques pour le plaisir de 200 millions de joueurs. L’offre ludique s’est beaucoup diversifié depuis les premières torpilles de Spacewar! Les joueurs d’Eve Online s’affrontent dans 7800 systèmes solaires. Les explorateurs peuvent se tourner vers les milliards de mondes de No Man’s Sky, chaque monde possédant un écosystème spécifique. Les progressions sans accroc de Candy Crush Saga ont aussi de quoi séduire des millions de joueurs. Ceux qui préfèrent l’excitation des champs de bataille peuvent s’affronter dans des jeux comme Call of Duty. Sous le terme “jeu vidéo

Si es jeux vidéo sont partout, ils sont aussi assez difficiles à définir. Il est tout d’abord possible de les décrire comme une industrie globale du divertissement. Les commentateurs de cette industrie la comparent souvent à une autre industrie de l’image en notant que son chiffre d’affaires atteint ou dépasse celle du cinéma. Les bénéfices de l’industrie des jeux vidéo peuvent être conséquents Par exemple, le jeu vidéo Grand Theft Auto V (2013) a coûté 227 millions d’euros mais a rapporté 5 milliards d’euros à son éditeur Rockstar Games tandis que le film Avatar a rapporté 2.8 milliards de dollars pour un investissement de 360 millions d’euros. Plus près de nous, en 2018, le jeu vidéo Fortnite a rapporté 3 milliards de dollars à son éditeur Epic Games. Ces chiffres montrent que les jeux vidéo font bien partie des industries de la culture et du divertissement, au moins en termes financiers. Le parallèle peut être poussé plus loin. En effet, comme pour le cinéma, à côté des grosses productions qui utilisent des ficelles bien rodées, on trouve de petites équipes qui produisent un autre type de jeu vidéo. L’esthétique, la musique, la mécanique de ces jeux, le message politique qu’ils portent parfois sont si différents qu’ils portent le nom d’Indiegames. Lie in my heart de Sébastien Genvo met en jeu les doutes, les regrets, les interrogations à la suite du suicide de sa compagne. Ces Indiegames apportent aux joueurs des expériences très différentes de celle des jeux vidéo classiques.

Les jeux vidéo sont des expériences diverses et variées qui se prêtent à une définition difficile. Ils offrent aux joueurs une multitude de scénarios différents. Tantôt, le joueur endosse le rôle du héros qui sauve des princesses, tantôt il incarne la princesse qui doit sauver le monde. Il peut prendre plaisir à résoudre des puzzles en alignant trois bonbons de la même couleur, ou à être le dernier survivant dans une bataille intense. Les parties peuvent se dérouler dans le confort d’un salon ou d’une chambre, mais aussi dans des endroits tels qu’un arrêt de bus, un parc, pendant la pause repas, voire dans une salle d’arcade. Le joueur peut aussi se délecter de rejouer à des jeux de son enfance ou de son adolescence ou explorer les derniers titres sortis. Sous le terme “jeu vidéo”, il est possible de faire des choses aussi différentes que mener des enquêtes policières, s’engager dans un conflit mondial, gérer un zoo, être un joueur de jeu vidéo ou un fonctionnaire des douanes, vivre la vie d’un routier en Europe. 

Une manière de se retrouver dans cette diversité est d’identifier ce que les jeux vidéo ont en commun. D’évidence, les jeux vidéo sont des jeux, mais cette première évidence nous confronte à une nouvelle difficulté. Qu’est-ce qu’un jeu ? World of Warcraft est un jeu vidéo, mais peut-on dire que l’on joue lorsque l’on passe des heures à récolter des objets pour composer une pièce d’armure ? Chercher à obtenir une monture rare pendant des années, est-ce jouer ? Est-ce que les joueurs qui participent à une marche funéraire jouent ou honorent la mémoire de la personne disparue ? La seconde chose qui peut aider à définir les jeux vidéo est le fait que le joueur manipule des images présentées sur un écran en agissant sur un contrôleur. L’interaction est au cœur de l’expérience vidéoludique. Lorsque cette interaction est compromise par des compétences insuffisantes ou un problème technique, le joueur est immédiatement chassé de l’expérience vidéoludique. Comprendre les jeux vidéo, c’est donc d’abord comprendre cette interaction, analyser le rôle joués par l’histoire, les sensations ou les mécaniques et comprendre comment tout cela se transforme en un jeu