Indiegames de Bounthavy SUVILAY

Indiegames de Bounthavy SUVILAY

Indiegames de Bounthavy SUVILAY est un livre consacré à l’histoire du jeu vidéo indépendant, à son développement aux expériences qu’ils suscitent chez les joueurs. Richement illustré, il se place d’emblée comme une référence sur le sujet

Le livre s’ouvre sur un bref rappel de l’histoire du jeu. Le lecteur ne trouvera pas ici l’histoire du jeu vidéo en détail car le but de Bounthavy SUVILAY est de faire sentir que les dynamiques qui ont présidé à la naissance des jeux vidéo se retrouvent pour les jeux indépendants. Dans les années 1960, les créateurs de jeux vidéo étaient souvent des  créateurs et des créatrices solitaires. Ce travail de création solitaire se retrouve aussi avec les mods sont des modifications apportées à un jeu vidéo par un joueur. Avec les jeux vidéo indépendants, on retrouve les même mécanismes : des personnes seules ou des petites équipes produisent un jeu vidéo qui par ses caractéristiques contrastent avec les productions des grandes éditeurs. En effet, les  jeux indépendants renouvellent les jeux vidéo en apportant idéologique ou politique. Ils permettent également de sortir des rails de l’industrie du jeu vidéo en apportant des mécaniques de jeux et des esthétiques différents.

En 2008, le succès de jeux comme Braid ou World of Goo montrent qu’il est possible de faire des jeux vidéo avec peu de moyens Les jeux indépendants permettent de retrouver le souffle et l’imaginaire des pionniers du numérique qui ont construit des empires dans leurs garages. Le livre de Bounthavy SUVILAY montre que les succès ne doivent pas masquer toutes les difficultés de la création d’un jeu indépendant. Ces questions sont traitées dans le chapitre intitulé La vie d’indé n’est pas un long fleuve tranquille. C’est même, à la lire, un parcours du combattant puisqu’il faut survivre à ses collègues, au développement du jeu, aux imprévus, au premier tout en utilisant au mieux sa formation initiale et en trouvant des financements. Si le premier chapitre était intéressant pour les éléments historiques des jeux indépendants, ce chapitre est important parce qu’il permet de dégonfler l’image du “wonder boy” qui crée un jeu génial seul. Cela peut arriver, mais la plupart du temps, le succès est au bout de beaucoup de travail, de compétences et de l’appuis de financements participatifs et institutionnels ainsi que l’implication d’éditeurs indépendants ou traditionnels

L’un des attraits des jeux indépendants est probablement l’indépendance qu’ils prennent par rapport aux standards des jeux vidéo. Ils peuvent ainsi proposer une expérience de jeu différente de ce que l’on trouve dans les jeux vidéo classiques dans leurs dynamiques, leurs esthétiques et leurs narrations. Ces trois dimensions sont ensuite explorées en détail par Bounthavy SUVILAY qui s’appuie, comme dans tout le livre par de nombreux exemples.

Les systèmes de jeu sont réinterprétés en utilisant les dynamiques des moteurs physiques. Par exemple les boules de goo de World of Goo réagissent en fonction de certaines contraintes qui, habilement utilisées, permettent de résoudre des puzzle. D’autres jeux font des clins d’oeil à l’histoire du jeu vidéo (Ridiculous fishing) ou sur la génération procédurale de mondes (No Man’s Sky). Les jeux indépendants permet aussi d’explorer une histoire d’une manière novatrice. Howling Dogs laisse le joueur sans défense, ce qui est une transgression majeure des standards des jeux vidéo. L’histoire peut être horrible (Amnésia) , traiter de questions de santé mentale (Layers of Fears) mais parfois le jeu est juste un prétexte pour explorer un monde (A Normal Lost Phone). Enfin, certains jeu indépendants sont des sortes de documentaires qui permettent d’explorer une situation (Venti Mesi). Enfin, l’esthétisme des jeux indépendants peut être très travaillées. Le jeu est alors une flânerie esthétique dans un environnement à la beauté stupéfiante (Journey). La beauté n’empêche pas de créer des situations ou le joueur lutte pour sa survie (Shelter)

La direction artistique permet aux studio de jeu vidéo indépendants de faire des arbitrage dans le processus de création des jeux vidéo. Bounthavy SUVILAY montre que le temps est la contrainte majeure de ces studios qui doivent choisir entre un la création d’un style visuel ou d’un gameplay novateur. Une grande place est faite ici aux graphistes qui doivent être tantôt des illustrateurs tantôt des animateurs tout en maniant avec brio les langages du pixel art, de la 2D, de la 3D ou de l’animation

Le livre se ferme sur le design sonore. Bounthavy SUVILAY montre que les contraintes de téléchargement ont conduit les premiers développeurs de jeux indépendants à des choix techniques comme les chiptunes c’est à dire de sons générés par la puce de l’ordinateur (ou de la console). Par la suite, le design sonore va être un élément essentiel de l’expérience vidéo ludique qu’ils s’agisse des musiques ou des environnements sonores qui sont travaillés pour rendre des ambiances, guider l’expérience du joueur ou donner une impression de puissance

Le livre est agrémenté  par les interviews de Ian DALLAS, Rex CROWLE, YOAN et Eric CHANI

Indiegames de Bounthavy SUVILAY décrit le continent jusque là peu exploré des jeux indépendants. On pourra regretter de ne pas trouver d’explications sur les dynamiques du phénomène. Pourquoi les jeux indépendants apparaissent en 2008 ? Pourquoi un jeu a un succès énorme et d’autres échoue ? Mais le livre est plein de détails et d’anecdotes qui permettent de se faire une idée précise des jeux vidéo indépendants. J’ai trouvé particulièrement intéressant qu’il remette en question le mythe prométhéen du wonder boy qui apporte triomphalement aux gamers un jeu qu’il a codé seul pendant des années. Les jeux indépendants se font dans des tissages complexes entre des logiques institutionnelles traditionnelles et les bricolages participatifs typiques des cultures numériques. Il est aussi reposant de lire un livre sur les jeux indépendants qui situe Minecraft a sa sujet place : un jeu certes important, mais un jeu parmis tant d’autres !