La discussion sur l’addiction aux jeux vidéo dure depuis une vingtaine d’années. Pourtant, après plusieurs centaines d’articles de recherche, les résultats recueillis à ce jour sont trop maigres pour tirer une conclusion ce qui a conduit l’APA à proposer en 2013 à des fins de recherche une définition du trouble de l’addiction aux jeux vidéo en ligne. Il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une reconnaissance du trouble. Le diagnostic est donné lorsque la personne présente 5 symptômes sur les 9 symptômes suivants sur une période de 12 mois : préoccupation, symptôme de manque, tolérance, jeu pour améliorer l’humeur, jeu malgré les conséquences négatives, mensonges pour jouer, jeu vidéo à la place d’activités investies dans le passé, jeu vidéo malgré des conséquences négatives weekend,

L’OMS a choisi une autre voie en annonçant en 2019 la création d’un trouble de l’addiction aux jeux vidéo qui devrait être inséré dans la CIM-11 en 2020. Le diagnostic est donné si la personne présente les symptômes suivants : perte de contrôle sur le jeu, priorité accrue accordée au jeu au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidienne et poursuite ou pratique croissante du jeu dépit de répercussion dommageable sur une période de 12 mois. L’OMS reprend donc les critères du DSM en les simplifiant.

La notion d’addiction aux jeux vidéo est infondée à ce jour comme le remarquent l’APA et l’OMS ainsi que plusieurs auteurs. Certains psychothérapeutes repoussent ce constat au motif de “la clinique à raison”. Ils entendent par là qu’ils rencontrent des personnes qui ont des problèmes avec les jeux vidéo. Appeler ces problèmes “addiction” ou “zqsd” serait pour ces psychothérapeutes sans importance. C’est malheureusement contribuer à maintenir de mauvaises pratiques dans le champ de la psychothérapie . Chaque intervention doit être soigneusement construite en fonction de l’évaluation du cliniciens et des meilleures connaissances disponible. Ne pas prendre en compte la recherche sur le jeu vidéo est de ce point de vue une faute

Voici les problèmes posés par l’addiction aux jeux vidéo

  • 5 critères sur 9
    Dans la définition du DSM, le diagnostic du trouble de l’addiction au jeu vidéo en ligne est donné lorsque 5 critères pami 9 étaient validés. Pourquoi 5 et pas 3 ou 9 sur neuf ? Aucune précision n’est donnée. Pourtant, les résultats sont très différents en fonction de la hauteur de la barre.
  • Des propriétés addictives encore inconnues
    Qu’est-ce qui dans les jeux vidéo est susceptible de créer une addiction ? À ce jour, les chercheurs et les psychothérapeutes peinent à identifier les propriétés addictives des jeux vidéo. Certains tentent de se débarrasser de la question en mettant en avant le fait que l’essentiel est que le comportement provoque la libération de la dopamine. Les personnes seraient ainsi dépendantes d’une drogue que leur cerveau secrète pendant les parties de jeux vidéo. Mais les psychologues font semblant de méconnaître que les biologistes ont abandonné ce mode de l’addiction : plus personne ne pense sérieusement que l’addiction repose uniquement sur la libération de la dopamine. Ce ce qui concerne les jeux vidéo le modèle dopaminergique de l’addiction est d’autant plus faible que la quantité de dopamine libérée pendant une partie de jeu vidéo est sans commune mesure avec celle libérée lors d’une prise de drogue. Danse premier cas, les quantités estimées sont 50 à 100% la quantité normale (Kopp et al., 1998). Elle est de 350% pour la cocaïne et 1200% pour la méthamphétamine
  • Des critères non-discriminants
    L’addiction au jeu vidéo en ligne a été durement critiquée par ceux-là même qui contribuent à sa construction. Par exemple Griffiths et des collègues montrent qu’il n’y a qu’un seul critère (la poursuite du jeu vidéo malgré les conséquences négatives) qui fait consensus. Tous les autres sont problématiques parce qu’insuffisamment discriminants. Griffiths est un des premiers à avoir publié sur les “addictions technologiques” et un des auteurs les plus prolifiques sur le sujet. Lorsqu’il affirme que les critères de l’addiction aux jeux vidéo donnés par le DSM sont problématiques, il est difficile d’y voir un parti pris pro-jeu vidéo
  • Une addiction Canada dry
    L’OMS a tellement simplifié les critères de l’addiction aux jeux vidéo que ses principaux critères ne figurent pas dans sa définition. La préoccupation, les symptômes de manque, la tolérance et la tromperie sont absents du trouble de l’addiction aux jeux vidéo selon l’OMS. L’addiction aux jeux vidéo ressemble à l’addiction mais ce n’est pas de l’addiction.
  • Une pathologisation du quotidien
    La définition de l’addiction aux jeux vidéo est si large qu’elle peut faire tomber dans le champ de la pathologie toutes les activités de loisir Griffiths s’est “amusé” à décrire une addiction à la pêche en se basant sur les critères de l’addiction aux jeux vidéo. Billieux et ses collègues plaisantent sur une “addiction à la recherche”. (Billieux et al., 2015) Curieusement, lorsqu’il s’agit de jeux vidéo, il n’est plus question de plaisanterie, mais de trouble grave. La définition du trouble de l’addiction souffre de deux manques graves : 1) la déficience fonctionnelle c’est-à-dire l’impact négatif important sur la vie quotidienne et 2) la stabilité dans le temps du comportement dysfonctionnel, car il semble que le problème du jeu vidéo excessif soit assez transitoire pour la plupart des personnes
  • Des faux positifs et des faux négatifs
    En utilisant les critères de l’addiction aux jeux vidéo, Colder Carras et Kardefelt-Winther montrant qu’ils ne permettent pas de faire la différence entre des personnes qui ont un investissement passionnel du jeu vidéo de celles qui ont un engagement problématique. Par ailleurs, les personnes qui ont des difficultés autour des jeux vidéo ne sont pas bon plus repérées. Au final, le diagnostic de l’addiction aux jeux vidéo conduit à traiter des personnes qui n’ont pas de difficulté et à ne pas traiter celles qui ont des problèmes
  • Un symptôme de troubles préexistants
    Il n’y a pas à ce jour de preuve que l’addiction aux jeux vidéo soit un trouble primaire Par contre, il y a beaucoup d’éléments qui laissent penser que cette “addiction.” Est le symptôme d’une condition préexistante. Cela est noté des 1998 par Young qui observe que les comportements problématiques autour de l’Internet et des jeux vidéo disparaissent lorsque l’anxiété ou la dépression de la personne est traitée.
  • Un mécanisme de coping
    Un mécanisme de coping est un mécanisme par lequel une personne tente de trouver un meilleur équilibre. Il est probable que le jeu vidéo puisse avoir cette fonction. C’est d’ailleurs un des critères de l’addiction donnée par le DSM : jouer aux jeux vidéo pour traiter des émotions négatives. Lorsque Joël Billieux, un des experts de l’OMS qui a construit le trouble de l’addiction aux jeux vidéo, et ses collègues examinent les joueurs de jeux vidéo, ils trouvent que les joueurs problématiques sont ceux qui utilisent un mécanisme inadapté pour traiter des émotions négatives ou des événements négatifs, ceux qui satisfont un fort désir de performance, et ceux qui ont les traits d’une personnalité obsessive compulsive. (Billieux et al., 2015). De l’avis même d’un des experts de l’OMS, les trois sous-types de joueurs problématiques s’expliquent par des mécanismes de coping défaillants et non par une quelconque addiction.
  • Un parcours de soins fléché dans la mauvaise direction
    Le projet de soins dépend en grande partie du diagnostic qui est établi. Si le comportement d’une joueur est compris comme une addiction l’effort thérapeutiques visera a diminuer les comportements addictifs. Or, si le jeu vidéo est utilisé comme une mécanisme de coping l’intervention aura un effet négatif immédiat en supprimant la béquille sur laquelle la personne s’appuie. Au final, elle aura comme effet d’aggraver la situation de la personne.

On voit bien comment à partir d’une méthodologie biaisée, on arrive à des pratiques cliniques erronées et problématiques. L’addiction aux jeux vidéo a été créé par copier coller puisque aussi bien Griffiths que Young sont partis du trouble lié aux jeux d’argent et de hasard pour construire une nouvelle maladie. Cette analogie faible est le péché originel de l’addiction aux jeux vidéo. Les biais méthodologiques des études suivantes ont contribué à maintenir le problème et même à l’aggrzver puisque la répétition des études sur ce thème laisse penser qu’il y a quelque y a bien un problème. Mais même en en psychologie répéter 1000 fois une phrase ne la rend pas plus vraie. Le diagnostic de l’addiction au jeux vidéo est problématique parce qu’il confond les causes et les conséquences, conduit à prendre des personnes passionnées pour des malades, ne permet pas d’identifier des personnes pour qui la pratique des jeux vidéo est problématique