Une des toutes premières études sur les jeux vidéo date de 1984. Nous sommes à la troisième génération de consoles. La SNES et Mario règnent en maîtres sur les téléviseurs de salon. Apple présente son Macintosh et William Gibson invente le mot cybersespace dans Le Neuromancien.

Joseph R. Dominick  est un professeur de journalisme et de communication. L’étude qu’il présente concerne davantage les jeux d’arcade que l’ont trouvait dans les salles de jeu que les consoles de salon.  Trois questions sont explorées : la relation entre le jeu vidéo et les émissions violentes de télévision, la relation entre le jeu vidéo, les émissions de télévision violentes et les comportements violents; la relation entre le jeu vidéo, les émissions de télévision violentes et l’estime de soi. La méthode utilisée est le questionnaire (n=250)

Dominick problématise la question d’une manière qui deviendra classique. Il isole deux questions : la première est celle du lien entre l’estime de soi et les jeux vidéo. Est il vrai que d’être bon aux jeux vidéo a des effets positifs sur l’estime de soi ? La seconde est celle du lien entre l’agressivité et les jeux vidéo . Là encore, sa position deviendra classique. Il commence par isoler deux filières théoriques. La première est la théorie de la stimulation : voir plus d’images violentes donne lieu à plus de comportements violents. La seconde est la théorie de la catharsis : voir plus d’images violence “purge” de la violence. Dominick précise que cette théorie n’a jamais été véritablement validée.

Dominick apporte une autre idée qui sera souvent reprise : la télévision est une activité passive, tandis que les jeux vidéo nécessitent de la concertation et une action physique. Contrairement à la télévision, les jeux vidéo sont donc une activité. Enfin, il remarque que la violence des jeux vidéo est toujours légitime, abstraite, et qu’elle varie en fonction des compétence du joueur

Les résultats

L’étude trouve une corrélation entre les émissions violentes de télévision et les jeux vidéo. Plus les adolescents déclarent regarder souvent la télévision, plus ils jouent souvent aux jeux vidéo.  Il trouve également un lien entre la télévision et l’agression réelle, et entre la délinquance et les jeux vidéo.

En ce qui concerne l’estime de soi, il ne trouve pas de relation entre cette variable et les jeux vidéo pour les filles. Pour les garçons, la télévision, les jeux vidéo et le statut socio-économique sont tous inversement corrélé avec l’estime de soi

Dominick conclue que “jouer aux jeux vidéo n’est ni la menace que beaucoup de ses critiques ont brandi ni totalement sans conséquences négatives.” En effet, les corrélations entre le jeu vidéo et l’agression sont modestes et partiellement expliquées par le sexe. Le jeu vidéo n’est pas non plus lié aux performances scolaires : ce ne sont pas ceux qui passent le plus de temps dans les salles de jeu qui ont les plus mauvais résultats.La relation la plus solide est celle qui est trouvée en l’estime de soi et les jeux vidéo chez les garçons. Les résultats montrent que les garçons qui ont l’estime de soi la plus basse sont également ceux qui dépensent le plus d’argent dans les jeux vidéo.

 

 

L’étude de Dominick perdre de prendre conscience de deux choses. Tout d’abord, l’adoption des jeux vidéo par la jeunesse a été immédiate. En 1984, 92% des jeunes questionnés jouent aux jeux vidéo. Trente ans plus tard, nous avons des scores comparables.  Il n’y a donc pas eu de conquête progressive des jeux vidéo et mais une adoption massive et immédiate de ce nouveau média. loin d’être une mode passagère, le gout pour les jeux vidéo s’est maintenu et a été transmis à la génération suivante.

Au plébiscite des jeunes répond tout aussi immédiatement les inquiétude des adultes.  C. Everett Koop affirme [il n’y a rien] de constructif dans ces jeux… tout est éliminer, tuer, détruire” et Phillip Zimbardo “Mange-le, brûle-le, zappe-le est le message [de ces jeux ] plutôt que la coopération et l’échange. La plupart de ces jeux tend à alimenter un imaginaire masculin de contrôle, de pouvoir et de destruction”. Les avis négatifs de ces experts pèseront largement dans l’esprit du public et contribueront a présenter les jeux vidéo d’une manière biaisée.

Enfin, aucun lien significatif n’est trouvé entre la violence et les jeux vidéo. Cela n’empêchera pas trente ans de recherches sur cette question, avec des résultats similaires aux études les plus actuelles : le jeu vidéo est universel chez les plus jeunes sans que cela se traduise par une augmentation des comportements violents ou de la délinquance. On remarquera que formellement, dans le même temps, les images des jeux vidéo sont devenus beaucoup plus violentes que celles d’un Mario ou d’un Pac Man.

 

En résumé :

  • une adoption immédiate des jeux vidéo. 92% des jeunes jouent aux jeux vidéo. L’adoption des jeux vidéo par les jeunes n’a pas été progressive. Elle a été massive et ce dès le début de l’histoire des jeux vidéo
  • La question de la violence est immédiate.  Alors que les jeux vidéo de l’époque s’appellent Pac Man, Space invaders et Donkey Kong, ils sont immédiatement associés à la violence
  • un lien faible entre jeux vidéo et violence est faible. Le lien entre les jeux vidéo et la violence est faible. Le meilleure prédicteur de la violence trouvé est la performance scolaire. Si l’on appliquait aux notes le raisonnement que l’on applique aux jeux vidéo, cela voudrait dire qu’il faudrait interdire les mauvaises notes.
  • Il existe une différence entre les garçons et les filles Les garçons jouent davantage que les filles. Ils dépensent également davantage d’argent aux jeux d’arcade. La troisième différence tient au fait que les filles vont rarement seules dans les salles de jeu (6% contre 21%) ce qui indique pour l’auteur de l’étude que le jeu vidéo est une activité “sociale” pour les filles.

 

 

Dominick, Joseph R. (1984) Videogames, Television Violence, and Aggression in Teenagers.  Journal of Communication vol. 34 (2) p. 136-147