JEU VIDÉO : Jeu qui se joue avec un ordinateur

Un jeu vidéo est un jeu qui se joue avec un ordinateur (ADAMS, 2014;  FRASCA (2001a). Cette définition sous entend qu’une définition du jeu vidéo, si elle veut être moins générale, doit passer par une définition du jeu.

Le jeu est généralement défini à partir des travaux de HUIZINGA et CAILLOIS. Pour le premier, le jeu  activité volontaire, accomplie dans des limites de temps et de lieux, avec une règle, pourvue d’une fin en soi, accomplie avec plaisir et avec le sentiment d’”être autrement”

courante » . En discutant le travail de HUIZINGA, CAILLOIS définit le jeu comme le jeu comme une activité libre, séparée des autres activités humaines, incertaine, improductive, réglée et fictive

Après avoir passé en revue de nombreuses définitions du jeu, SALEN et ZIMMERMAN en arrivent à le définir  comme un système au travers duquel les joueurs vivent un conflit créé artificiellement, défini par des règles et qui produit un résultat quantifiable. Cette définition vaut pour les jeux vidéo ont ont par ailleurs des caractéristiques spécifiques.

Pour ces auteurs, les jeux vidéo sont caractérisés par les éléments suivants.  Leur interactivité est à la fois restreinte et immédiate. Ils manipulent de l’information et sont des systèmes automatiques complexes. Enfin, ils peuvent se jouer en réseau. Par exemple, dans  un FPS, les pressions exécutées sur les touches et les mouvements de la souris sont traduits immédiatement sur l’écran. Le jeu manipule l’information qui permet d’afficher l’environnement en 3D et garde en mémoire ce qui n’est pas immédiatement visible pour chaque mémoire. Le moteur du jeu, l’intelligence artificielle et les routines de contrôle sont automatisées. Enfin, les réseau crée un environnement dans lequel les joueurs peuvent interagir et jouer.

ADAMS (2014) a également décrit les spécificités du jeu vidéo en termes de règles, de rythme, de monde  et d’intelligence artificielle. Les jeux vidéo ont ceci de particulier que les joueurs n’ont pas besoin de connaître les règles du jeu avant de commencer la partie. L’ordinateur établit les frontières du jeu en permettant et en interdisant certaines actions. Cela permet aux joueurs d’être libérés du fardeau de l’apprentissage des règles et de se préoccuper uniquement du jeu. L’ordinateur est également responsable du rythme du jeu. Certains jeux vidéo sont rapides tandis que d’autres ont un tempo plus lent. Les jeux vidéo sont des mondes fictionnels  avec des personnages, des lieux et des situations qui constituent un ensemble cohérent. Les joueurs peuvent se représenter comme participant à ce monde imaginaire. Enfin, le jeu vidéo met en jeu une intelligence artificielle qui détermine la stratégie, reconnaît les trajectoires , reconnaît les formes et amine les habitants du monde

Pour SALEM et ZIMMERMAN , les frontières d’un jeu vidéo sont floues. Si on considère le jeu vidéo comme un élément de la culture, il faut alors prendre en compte dans sa définition les magazines spécialisés, le marketing , l’économie du matériel, les caractéristiques démographiques des joueurs etc. Si c’est l’expérience du jeu qui est privilégiée, la définition se centrera sur les relations cognitives, affectives et physiques qui existent entre le joueur et le jeu vidéo. Si l’on prend en compte le système formel du jeu vidéo, alors il faudra considérer les relations entre le logiciel , le hardware et le joueur.

 

NEWMAN (2013)  définit le jeu vidéo par ses composants. Un jeu vidéo est un ensemble composé par des images, des sons, une ‘interface, le gameplay et l’histoire. Les images peuvent être en 2D ou en 3D. Il peut s’agir de vidéo ou de colonnes de chiffres. Les effets sonores, la musique, les bruits de fond sont également à prendre en compte. L’interface est tout ce que le joueur utilise pour jouer : joystick, joypad, clavier, souris, mais aussi le système de menu et les objets sur lesquels le joueur doit cliquer. Le gameplay correspond a ce qui rend le jeu immersif et fun. Enfin, l’histoire inclut le background du jeu ainsi que toute l’information que le joueur collecte pendant la partie qu’il s’agisse des personnages rencontrés dans le jeu ou des manières de jouer

Les auteurs francophones mettent l’accent sur l’environnement technique du jeu vidéo. Ils prêtent une attention particulière au programme informatique, à l’interaction homme/machine et à l’interface. Pour Alexis BLANCHET le jeu vidéo “une activité ludique régulée par un ordinateur ou un circuit électronique qui combine un appareillage audiovisuel – un écran souvent accompagné d’un dispositif sonore – avec une interface physique sur laquelle agit le joueur (manette, joystick, clavier d’ordinateur, microphone, écran tactile…). Les actions du ou des joueurs engagent des changements de paramètres pris en compte par le programme informatique et traduits à l’écran par des modifications de l’image diffusée”  ALVAREZ définit succinctement le jeu vidéo comme “une application interactive”, tandis que COUSSIEU met l’accent rapproche les jeux vidéo de mondes synthétiques en définissant “le jeu numérique” comme “la mise en présence d’un monde artificiel simulé par un programme informatique” Enfin, pour TRICLOT les jeux vidéo sont à la fois “une expérience spécifique” et “des univers simulés, engendrés par le calcul”

La multiplicité des définitions tient une  série de facteurs. Tout d’abord, un jeu vidéo est un jeu. Toute tentative de le définir passe par la difficile épreuve de définir le jeu.  Alors qu’il est facilement d’identifier un joueur au premier coup d’oeil, un demi siècle de publication n’a pas permis de donner une définition universelle du jeu. Plus l’auteur tente de circonscrire son objet, plus il devient possible de donner des contre-exemple qui ne rentrent pas dans sa définition. la seconde difficulté tient au média jeu vidéo.  De Spacewar! aux jeux d’arcade, de ADVENT aux MMORPG, des jeux de plateau à leurs versions numériques, les jeux vidéo n’ont jamais cessé de se transformer. Les images sont devenues plus précises puis certains jeux vidéo sont revenus à l’esthétique de leurs débuts (cf. MINECRAFT), les périphériques de contrôle se sont diversifié (joysticks, joypads), les jeux sont devenus plus simples a jouer avec les CASUAL GAMES et ils sont jouables a tout moment grâce aux smartphones. L’inflexion actuelle des dispositifs de jeu vers les casques de réalité virtuelle montre que la créativité qui a présidé à leur invention il y a plus de 50 ans est toujours active. Enfin, chaque auteur a tendance à décrire le jeu vidéo à partir de sa fenêtre théorique. Par exemple, Mathieu TRICLOT le fait dans un dialogue socratique qui met en scène Socrate et Mario. L’utilisation de disciplines et d’outils théoriques différents pour rendre compte du même objet apporte une pluralité de points de vue qui est riche en soi. Mais elle comporte aussi le risque vision kaléidoscopique qui fait perdre de vue ce qu’est le jeu vidéo.

Dans ce contexte, une définition du jeu vidéo est toujours problématique. Elle court le risque d’être datée du fait de l’évolution constante du média. Space Invaders (1978) et Space Invaders Revolution (2005) sous tous les deux des jeux vidéo dans lequel le joueur tire avec un canon mobile sur des aliens qui descendent lentement vers la terre. Mais le second est une réécriture du premier. L’expérience du joueur de Space Invaders Revolution doit beaucoup aux relations que les deux jeux entretiennent. Les définitions du jeu vidéo sont également problématiques parce qu’elles sont centrées sur une discipline. De ce fait, plus la définition est précise, plus elle risque de manquer l’expérience générale du jeu vidéo. Mais plus elle reste vague, plus elle se rapproche d’une définition du jeu et elle ne prend pas en compte la spécificité du média. Dans ce contexte, il est plus prudent de décrire les relations entre l’objet jeu vidéo et les pratiques de jeu pour comprendre le jeu vidéo comme expérience (GENVO, 2013)

 

SOURCES .

 

Gervereau, Laurent. Dictionnaire mondial des images. Nouveau Monde éditions, 2014.

Salen, Katie, and Eric Zimmerman. Rules of play: Game design fundamentals. MIT press, 2004.

Newman, James. Videogames. Routledge, 2013.

Michael, David R, and Sandra L Chen. Serious games: Games that educate, train, and inform. Muska & Lipman/Premier-Trade, 2005.

Genvo, Sébastien. “Penser les phénomènes de ludicisation à partir de Jacques Henriot.” Sciences du jeu 1 (2013).

Triclot, Mathieu. Philosophie des jeux vidéo. Zones, 2011.

Gervereau, Laurent. Dictionnaire mondial des images. Nouveau Monde éditions, 2014.

Alvarez, Julian et al. “Morphologie des jeux vidéo.” H2PTM, Hammamet, Tunisie 29.10 (2007): 2007-31.

Coussieu, Wilfried. “L’expérience d’Autrui dans les jeux vidéo: du design à la médiation numérique de l’intersubjectivité?.” psychologie clinique 37.1 (2014): 67-81.

Triclot, Mathieu. Philosophie des jeux vidéo. Zones, 2011.

Adams, Ernest. Fundamentals of game design. Pearson Education, 2014.