Parce que les médias sont de plus en plus présents dans la vie des enfants et de leurs familles, il est important que le professionnel puisse faire une évaluation rapide et efficace de leur utilisation. L’objectif de ce texte est de que les professionnels évaluent les pratiques numériques des enfants en tenant compte de leurs besoins psychologiques, affectifs et sociaux. Il est moins utile de connaître le temps que l’enfant passe devant un écran ou le fait qu’un enfant de 10 ans joue à un GTA que de comprendre les usages et les gratifications que les écrans apportent à la famille et à l’enfant. L’expérience d’un enfant devant un écran n’est pas la même s’il utilise l’écran pour se divertir, pour se consoler ou s’il a un adulte à ses côtés qui commente et accompagne les images. Certaines utilisations des écrans sont des points d’appuis qui permettent aux enfants d’entrer en relation avec leurs proches et de consolider des liens existants tandis que d’autres utilisations ont au contraire une fonction isolante. Ce sont ces usages et leurs effets qu’il faut évaluer.
- Entre 0-2 ans
À deux ans, le principal challenge développemental de l’enfant est de passer d’une maîtrise sur les choses à une maîtrise sur soi-même. Ce passage est facilité par des jeux avec des objets et des interactions avec des personnes qui se produisent dans un climat de sécurité et de chaleur. Pendant cette période, les jouets de l’enfant changent qualitativement. Les premières possessions de l’enfant ont pour fonction d’éveiller sa sensorialité et sa motricité tandis que ceux de la seconde année sont orientés vers les jeux symboliques et les jeux d’exercice. C’est aussi le moment où l’enfant apprécie l’expérience apportée par le livre qui lui apporte des situations qui lui permettent de se penser autrement.
Un ensemble de recherches montre que pour les tout-petits, les médias rendent un service faible ou inexistant en termes d’aide au développement. Plus l’enfant est petit, plus les écrans sont inutiles. En effet, les enfants ont besoin d’un adulte qui les protège de situations pénibles, les aide à contenir leurs expériences et à les transformer en émotions, en mots et en histoires partageables avec d’autres.
Les enfants de cet âge ont aussi besoin d’intégrer leur sensorimotricité pour avoir une maîtrise suffisante de leur corps et des objets qu’ils manipulent. Dans ce contexte de développement, les écrans sont plus une gêne qu’une aide véritable. En effet, les écrans n’ont pas les qualités appropriées pour aider l’enfant à intégrer leur expérience sensorimotrice et affective. Ils ne sont pas déformables, ne peuvent pas être maltraités, perdus ou abandonnés. L’enfant ne peut pas manipuler sans pitié ces objets comme il le fait avec ses jouets ou son doudou. Cela l’empêche de prendre conscience de l’effet de ses actes et d’en être pleinement responsable, ce qui est nuit à la construction de la maîtrise de soi.
Les écrans peuvent aussi compliquer les moments clés de la journée par les distractions qu’ils apportent. Les repas ou les moments d’endormissement deviennent alors problématiques du fait de la séduction des écrans. Comment prendre le temps de manger ou de s’endormir lorsqu’il y a des images brillantes et des sons amusants qui attirent l’attention et qui suscitent autant de plaisir ? Parfois, ce n’est pas le plaisir qui détourne l’attention de l’enfant. Occasionnellement, l’enfant utilise un écran non pas pour le plaisir que l’appareil lui apporte, mais pour éviter le déplaisir. La situation est encore plus grave, car l’enfant utilise l’écran pour contenir l’anxiété qui menace de le déborder dans certaines situations.
La manière dont l’enfant utilise les écrans est riche d’enseignements. Certains enfants sont trop intéressés par les stimulations visuelles ou sonores des écrans et d’autres ne le sont pas assez. À deux ans, un enfant est capable de désigner du doigt un objet qui l’intéresse pour le montrer à un adulte. Cette capacité met en jeu une bonne intégration sensorimotrice et une attention partagée avec l’autre. Autrement dit, les réactions aux écrans et à leurs stimulations permettent de faire des hypothèses sur le fonctionnement neurologique et sensorimoteur de l’enfant qui devront être explorée par des investigations plus poussées. La manière dont l’enfant réagit lorsque l’écran ne fonctionne pas est aussi une source d’information intéressante. Enfin, même un très jeune enfant à une compréhension de la manière dont les événements s’enchaînent les uns aux autres. Cette compréhension et elle présente lorsque l’enfant utilise un écran ?
Les écrans ne sont pas sont en soi néfastes pour les enfants. Comme on le voit, ils peuvent être utilisés pour le plaisir qu’ils apportent ou pour se défendre d’une anxiété qui dépasse les compétences de contenance de l’enfant. Un écran peut par ailleurs être un médiateur aussi intéressant qu’un livre pour un moment de complicité partagé. Les tablettes et les ordinateurs ouvrent sur la transmission de la mémoire familiale lorsque l’enfant parcourt un album photographique avec un parent. Enfin, il existe quelques jeux vidéo qui sont adaptés aux très jeunes enfants. Leur design (des couleurs vives, des formes simples, quelques sons) met le jeu vidéo à la portée de leurs compétences cognitives. L’enfant fait alors l’expérience intéressante qu’il a une action sur le monde. Cependant, cette expérience est soutenante si elle est accompagnée et guidée par un adulte.
Les questions suivantes aident à évaluer l’utilisation des écrans par un jeune enfant et sa famille dans le contexte de son développement. Tout investissement excessif des fonctions sensorielles ou défensives des écrans doit amener une action réparatrice de l’entourage de l’enfant.
- Existe-t-il des hyper ou hyporéactions aux écrans ?
- L’enfant utilise-t-il les écrans pour se réconforter ?
- Quel est l’état émotionnel de l’enfant lorsqu’il utilise les écrans ?
- Comment réagit l’enfant lorsque l’écran ne répond pas ?
Pour conclure, entre zéro et deux ans, l’important est d’apprécier si dans leur relation à l’enfant, les parents arrivent à se servir des écrans comme des points d’appuis de leur fonction parentale