Popper-Gurassa, Haydée.

Popper-Gurassa, Haydée. “De l’idéal virtuel à l’autre réel.” Dialogue 4 (2010): 75-86.

POPPER-GURASSA est psychothérapeute de couple. Elle examine à partir du cas d’une jeune femme reçue en traitement les effets d’un site de rencontre sur la vie affective et fantasmatique.

Le virtuel est un territoire avec des caractéristiques propres. Situé entré l’imaginaire et le réel,il revient à chaque utilisateur de décider s’l l’investi plutôt d’un coté ou d’un autre. Il peut être un puissant facteur de relance fantasmatique

Les caractéristiques de l’Internet ne sont pas une condition suffisante pour produire un surinvestissement addictif. Le cas d’une jeune femme, Sandrine, qui consulte pour des TOC de vérification  et une mésentente conjugale est présenté. A la suite de sa séparation d’avec son compagnon, Sandrine s’inscrit sur un site de rencontre. Les sollicitations qu’elle y reçoit la valorise mais les relations se terminent après une ou deux semaine de relation.

L’entrée dans le virtuel peut avoir pour conséquence de réactiver ou de mettre en oeuvre des mécanismes psychiques dont certains vont soutenir le fonctionnement psychique tandis que d’autres favorisent la régression ou la stase affective

Pour POPPER-GURASSA , le virtuel est caractérisé par la permanence de l’objet. Il évoque alors des caractéristiques précoces de continuité, de réponse, d’interaction et de rêverie.  Le virtuel a également pour fonction de contenir les fantasmes, les affects et les pensées dans un cadre. Le virtuel ferait ainsi partie du processus psychique de constitution de l’appareil à penser

Le réseau Internet est un espace dans lequel les mouvements d’omnipotence, de régression et de retrait narcissique peuvent être exprimés. L’absence de retaliation renforce les mécanismes à l’oeuvre.  Les construction virtuelles permettent d’étayer le désir sur un objet de satisfaction incarné sans être présent physiquement

Les scénario virtuels impliquent une constante “répétition  de la relation ou l’objet de remplacement serait une icone des objets primaires”. La capacité de transformation de l’objet serait ainsi réduite sur Internet.

POPPER-GURASSA  s’intérerroge sur la relation à l’objet virtuel. Est elle hallucinatoire ? réelle, ou fantasmatique ? Sur le réseau, il est possible d’investir préférentiellement l’objet sur un de ces trois pôles ce qui met à l’épreuve la frontière entre la réalité et le monde fantastique qui peut conduire la personne dans une dépendance à la toute puissance du monde réel.

Le virtuel crée un effet entonnoir pour les mouvements pulsionnels en dirigeant les investissements vers des objets plus faciles. L’excitation pulsionnelle est leurrée car est dirigée vers un objet réel. Mais le virtuel a aussi pour fonction de maintenir vivant te la pulsion.

Dans les mondes virtuels, les investissement de l’objet sont rapprochés d’un agir. Cela semble particulièrement vrai dans les jeux vidéo ou la recherche d’une solution immédiate est la condition de la poursuite de la relation individu-ordinateur. Les mondes virtuels sont des mondes toujours présents fonctionnant comme des piliers narcissiques.

Les sites de rencontre sont rapidement décrits . POPPER-GURASSA  insiste que chacun peut imaginer l’autre comme une personne idéale et se donne une valeur tout aussi élevée. Les sites de rencontre sont des lieux ou l’imposture est la norme tout comme la volonté de pouvoir, de maîtrise, de séduction et d’emprise sur l’autre. Les fantasmes d’incorporation, de fécalisation et d’emprise peuvent accompagner la participation à site de rencontre. Chacun investit le site en fonction de sa personnalité

Dans le cadre de la thérapie, l’investissement de la patiente est vécue comme un dévoiement de l’idéalisation transférentielle sur la thérapeute. La dépendance à l’autre, qui avait été à l’origine de la demande d’aide, est déplacée sur le site de rencontre pour ne pas être vécue dans le transfert

Pour POPPER-GURASSA, l’investissement du monde virtuel dépend essentiellement des difficultés de rencontres dans la vie réelle. Les sites de rencontre semblent intensifier l’illusion nécessaire à toute rencontre amoureuse. Cela peut conduire à des aménagements réels dans la vie de couple ainsi formé mais ces aménagements sont rendus difficiles parce qu’ils sont été construits sur un fond de clivage et étayage narcissique. Le virtuel permet l’illusion de maîtrise de l’objet tout en étant dépendant de celui-ci

Qu’en est il des couples qui se forment sur les sites de rencontre ?  Malheureusement, POPPER-GURASSA ne répond pas à sa question. Le texte aurait gagné a à s’appuyer les études disponibles. L’étude de Michel BOZON montre par exemple que le répertoire des pratiques et rencontres sexuelles s’élargit . Le web est marqué par une opposition stéréotypée entre sexe et amour – ce que les psychanalystes traduire par investissement préférentiel des pulsions partielles et investissement génital – renvoyant de manière tout autant stéréotypée aux hommes et aux femmes. Les sites de rencontre sont par ailleurs segmentés par population définies par l’âge, le lieu d’habitation, la religion, mais cette ségrégation des lieux de rencontre n’est ni récente ni spécifique à l’Internet. Cette étude dépeint avec précision l’arrière-plan sur lequel se déroulent les rencontres en ligne

Le destin des couples formés en ligne est approché par BAKER et al.  Les résultats de leur étude donnent 4 facteurs déterminants dans la  réussite des couples qui se sont rencontrés en ligne : 1) le lieu de la première rencontre; 2) les difficultés surmontées pour former le couple; 3) le temps passé à correspondre avant la première rencontre et 4) la capacité des personnes à résoudre les conflits et les problèmes de communication.

Certes, ces deux études ne donnent pas un point de vue psychanalytique sur le destin des couples en ligne. Mais elles apportent des éléments de compréhension qui doivent être pris en compte par un psychanalyste. POPPER-GURASSA laisse entendre que la rencontre en ligne nécessite un travail supplémentaire de la part des couples qui réussissent à former une relation durable. Est-ce certain ? Rien dans son texte va dans ce sens. Par contre, il est assez évident que les couples sur Internet doivent faire un travail particulier puisqu’ils doivent faire le tri entre leurs images internes et la personne réelle pour effectuer le parcours de l’idéal virtuel à l’autre réel. .

Sans doute est ce là la principale force du travail de POPPER-GURASSA  : montrer la spécificité des relations en ligne. Sur le réseau Internet, l’objet et l’image de l’objet sont si intimement liés qu’agir sur l’image c’est agir sur l’objet. Dans le monde virtuel, l’objet et son image sont intimement liés. Agir sur l’image, c’est agir sur l’objet. Les fonctionnement des digiborigènes n’est pas différent de celui des peuples premiers qui donnent a l’image un caractère si important qu’il craignaient que l’on capture leurs images dans des photographies ou des films. Cette pensée magique se traduit sur Internet par des tabou comme celui qui frappe les images de profil qui ne doivent jamais être commentées. Lorsque quelqu’un s’aventure à faire un commentaire, il doit être positif. Cette confusion entre l’objet et l’image est alimentée par les caractérisiques du “virtuel” que décrit bien l’auteur. Le réseau Internet parce qu’il se présente comme toujours là peut exercer des fonctions de contenance de pensées et des émotions

POPPER-GURASSA montre bien comment cette confusion ouvre à des fonctionnements qui sont particuliers parce qu’ils sont à la fois une solution et un problème. Le retrait en ligne permet de rencontrer des personnes – c’est une solution – mais ces personnes pour être véritablement dans une relation de couple doivent être débarassée de l’invetissement narcissique doit elles font l’objet. – c’est le nouveau problème. Cependant, dans sa description du virtuel, POPPER-GURASSA ne prend en compte qu’un aspect de la question. Sur Internet, les choses sont permanentes jusqu’à ce qu’elles ne soient plus. Un site, un service ou un jeu vidéo sont accessible 24/7 mais ils peuvent disparaitre du jour au lendemain. Les ordinateurs et les smartphones ne sont pas exempts de pannes temporaires ou définitives. Dans les mondes virtuels comme partout ailleurs, l’échec et l’absence sont possible. Cela signifie qu’il n’est pas possible de faire des mondes virtuels des mondes ou la satisfaction est assurée. Les investissements défensifs ou transformateurs de l’Internet peuvent être remis en question a la suite d’une défaillance numérique

Au final, le travail de POPPER-GURASSA permet de mieux comprendre comment le fonctionnement particulier d’une personne rencontre les caractérisques de l’internet avec des effet de symbolisation ou au contraire de stase psychique.

SOURCES

Baker, Andrea. “What makes an online relationship successful? Clues from couples who met in cyberspace.” CyberPsychology & Behavior 5.4 (2002): 363-375.

Bozon, Michel. “Pratiques et rencontres sexuelles: un répertoire qui s’ élargit.” Hors Collection Social (2008): 273-295.