Le Fourn, Jean-Yves. “Les enfants jouent-ils encore?.” Enfances & Psy 3 (2001): 46-49.
Pour les spécialistes de l’enfance, le jeu est un élément essentiel du développement de la personne. Aussi, voir que le temps de jeu est de plus en plus pris par les jeux vidéo amène a se poser la question de leur impact sur le développement des enfants ? S’agit il encore de jeu ? C’est à cette question que repond le pédopsychiatre psychanalyste Jean-Yves Le FOURN dans Les enfants jouent-ils encore ? publié dans la revue Enfance & Psy
Le texte est organisé en trois parties. La première est la retranscription d’un dialogue avec Sébastien, 13 ans, reçu en psychothérapie pour des fugues scolaires. Sebastien est bloqué dans Tomb Raider 3 ce qui permet à l’auteur d’introduire dans la seconde partie un rapprochement entre les jeux vidéo et les récits mythique.
Persée passe par des épreuves qui sont autant de niveaux. Il affronte et vainc les Grée ce qui lui permet d’aller à la rencontre des Nymphes qui lu offrent des cadeaux qui lui permettront de vaincre la Méduse. De la même façon, Lara Croft reçoit des armes pour triompher des monstres qu’elle rencontre. Il y a donc entre les jeux vidéo et les mythes des structures thématiques similaires.
La troisième partie du texte est apporte une réponse à la question “Les enfants jouent-ils [avec les jeux vidéo]” Malgré une hésitation de principe, Le FOURN donne une réponse claire. Avec les jeux vidéo, l’enfant ne rejoue pas. Le plaisir à recommencer est remplacé par le plaisir du “toujours plus”. Alors que le jeu transforme l’angoisse de l’enfant en plaisir (KLEIN), “le jeu vidéo transforme l’angoisse de l’enfant en réussite (impossible) de rencontrer cet Autre, autre que lui-même”
La seconde différence entre le jeu et le jeu vidéo est que l’on ne peut y éprouver le sentiment de perte. On ne peut pas vraiment “jouer sa vie” dans les jeux vidéo.
Le FOURN trouve que les jeux vidéo ont une logique consumériste et individualiste qui les démarque des jeux de société.
Jouer aujourd’hui n’a pas le même sens. Il s’agit plus d’un “passage à l’acte de jouer” : “Même s’ils ont conservé en apparence un aspect ludique, avec ces jeux ont ne joue pas : on met en acte des motions pulsionnelles”
Les jeux vidéo trouvent grâce aux yeux de le FOURN sur un point : “ces jeux peuvent offrir un matériel vivant et actuel pour la psychanalyse, qui saura appréhender le “Réel” à travers leur expérience”
Il est toujours étonnant de voir comment des affirmations sur le jeu vidéo peuvent être données sans aucun fondement. Pour Le FOURN, les jeux vidéo en permettent pas la transformation de l’angoisse en plaisir parce qu’il n’est pas possible de répéter le même jeu; ils sont individualiste et consuméristes et n’ont de jeu que l’apparence.
Pour donner un peu de contexte, en 2001, GTA III, Metal Gear Solid 2, Max Payne ou The Legend of Zelda: Oracle of Seasons and Oracle of Ages étaient les jeux qui tournaient sur Windows 98, la PS 2 ou la XBox. Il est facile pour ceux qui ont joué à ces jeux de se rappeler le nombre de fois ou un niveau a du être repris. C’est une des différences entre le mythe et les jeux vidéo. Persé n’a droit qu’à un seul essai là ou Lara Croft peut reprendre son ouvrage 1000 fois sur le métier. Autrement dit : “la pratique du jeu vidéo est ainsi partagée entre activité compulsive et mise en sens” (TISSERON, 2001)
Il est difficile de dénier l’aspect consumériste des jeux vidéo qui s’est d’ailleurs accru avec le système des jeux “free to pay” Deux aspects sont à prendre en compte. Le premier est l’idéologie consumériste véhiculée dans l’expérience du jeu. La plupart du temps, le joueur achète avec la monnaie du jeu les objets dont il a besoin. Parce que la richesse a tendance à remplacer la compétence, les enfants peuvent y apprendre cultiver ses aptitudes est une chose secondaire.
Est ce si nouveau ? Après tout, les idéologies de l’automobile ou du capitalisme étaient captées dans des jeux comme 1000 Bornes ou le Monopoly. Tout le monde riait de bon coeur à la violence de la route lorsque qu’une carte “Crevaison” était posée. Le feu rouge n’était pas le signe d’un interdit temporaire mais une frustration intense au désir de rouler le plus vite possible. Le Monopoly est clairement un jeu dans lequel le vainqueur est celui qui possède le plus grand monopole.
Tous les jeux traduisent les idéologies, les conflits et les valeurs de la culture du moment. Les jeux d’aujourd’hui n’échappent pas à la règle. Ils sont une manière par laquelle la culture est transmise aux enfants.
Les jeux vidéo sont ils moins sociaux que les autres ? En 2001, quelques joueurs se retrouvaient dans des MMORPGs comme Anarchy Online dans lesquels la vie sociale est un composant essentiel de l’expérience du jeu. Bien sûr, tous les jeux vidéo ne poussent pas aussi massivement la composante sociale que les MMORPG. Par ailleurs ceux ci concernent généralement peu les enfants. Pour ces derniers, le jeu vidéo est un lanceur de conversations et un signe de reconnaissance. Il y a ceux qui jouent sur GameBoy, ceux qui ont une PS 2 et le clan des Xbox. Échanger sur l’expérience de jeu permet aux enfants de faire reconnaître leurs expériences et leurs statuts sociaux.. S’il existe quelques enfants pour qui le jeu vidéo est un refuge et une barrière aux interactions sociales, pour la majorité le jeu vidéo est un média social. Il l’est même deux fois parce qu’il ajoute à la sociabilité du jeu les possibilités de jeu en ligne.
“Les enfants jouent-ils encore ? Game-Boy et jeux vidéo” donne une idée fausse des jeux vidéo parce qu’il est plein de raccourcis faciles que l’auteur ne se donne jamais la peine d’étayer.