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“Living a virtual life : Social dynamics of online gaming” (2004) est l’un des tous premiers premiers articles sur le phénomène social des jeux massivement multijoueur qui  rend compte des dynamiques sociales du jeu Ultima Online (1997)

 

Les jeux en ligne attirent alors l’intéret des chercheurs parce qu’il rassemblent des personnes venant d’horizon socio démographiques différents. Le choix du terrain se porte sur Ultima Online, un MMO créé par Origin en 1997 dans lequel les joueur incarne des personnages qui vivent dans un monde appelé Britannia. Ils peuvent être des mineurs, des guerriers, des magiciens, des bardes ou des soigneurs. Au moment de l’étude, 260.000 personnes jouent régulièrement à Ultima Online

Un questionnaire a permis de recueillir des informations démographiques sur les joueurs, sur leurs partenaires de jeu, et sur les effets du jeu dans leur vie hors ligne. Les auteurs se sont également appuyés sur les manuels de jeu et sur des entretiens par mail et par messagerie instantannée (ICQ). Deux joueurs ont été observés dans leur environnement habituel. Enfin, l’observation participante a été utilisée

L’étude apporte plusieurs contributions importantes. Tout d’abord elle donne un cadre théorique de compréhension des phénomènes sociaux en ligne en distinguant plusieurs niveaux. Le niveau micro social correspond aux  motivations des joueurs, à leurs stratégies, à leurs compétences et aux objets qu’ils détiennent. Le niveau mésosocial correspond aux guildes formées dans le jeu mais aussi aux événements sociaux comme les conventions qui ont lieu en dehors du jeu mais qui lui sont associés. Enfin, le niveau macrosocial rassemble la communauté d’un jeu vidéo.

Les données recueillies donnent une idée du profil démographique des joueurs. Le joueur moyen est un homme de 24 ans qui est familier des ordinateurs et des MMO et qui joue autour de 23 heures par semaines.  Même s’il y a très peu de femmes (3%), les joueurs pratiquent peu le changement de sexe pour leurs personnages.

En fonction du temps et de la fréquence de jeu, les auteurs différencient les joueurs modérés, tenaces, fréquents et assidus. Le joueur tenace joue peu fréquemment, mais lorsqu’il commence a jouer il a tendance à jouer longtemps. Le joueur assidu joue fréquemment et pendant de longues période. Le joueur modéré a tendance a jouer peu fréquemment pendant de courtes périodes

Pour deux joueurs sur trois, les interactions sociales sont un des attraits majeurs du jeu. Progresser dans le jeu n’est important que pour un joueur sur quatre. Cette tendance est plus prononcé chez les joueurs assidus. Les joueurs ont tendance à suivre les règles explicites du jeu mais ils suivent également des règles d’honneur socialement construites. Ces interactions sociales débordent du jeu puisqu’elles sont maintenues en ligne par des mail ou par messagerie instantanée (ICQ). Elles donnent également lieu à des rencontres hors ligne. Contrairement à l’image d’Epinal du gamer isolé dans un monde virtuel, les joueurs construisent des relations sociales fortes et durables qui ont des effets sur leur vie hors ligne.

L’étude de KOLO, CASTULUS et BAUR se situe dans la ligne des travaux exploratoires de Nick YEE. Les MMORPG apparaissent alors comme de nouveaux mondes à conquérir pour les sciences humaines et sociales. Les chercheurs étaient fascinés à l’idée de voir des mondes sociaux se construire sous leurs yeux. Ils avaient la possibilité de doubler leurs investigations qualitatives des données que le design des mondes en ligne permet de collecter.

Les auteurs mettent bien en évidence que les craintes de désocialisation que l’on voit apparaître dans les média ne correspondent pas à ce que l’on observe sur le terrain. Les joueurs constituent des relations sociales qui n’ont rien de virtuel. Dans les années 2000, la seconde vague de MMORPG a donné lieu à des paniques morales qui se sont traduites par des craintes que ces jeux provoquent désocialisation et addiction. Les recherches menées sur les MMORPG ou plus précisément sur l’addiction n’ont jamais confirmé ces craintes. Par exemple, YEE et CAPLAN (2008) remettent en cause le stéréotype du joueur désocialisé tandis que DOUGLGAS (2008) montre les limites de la notion d’addiction à l’Internet

Il semble qu’il y ait une spécificité de la population allemande dans Ultima Online. Le nombre de femmes est vraiment faible lorsqu’on le compare à d’autres mondes en ligne. YEE (2003)  estime qu’il y a entre 3 et 5 fois plus d’hommes que de femmes dans le MMORPG Everquest. Le nombre d’hommes serait de 85% ce qui fait un nombre de femmes 5 fois plus important que dans Ultima Online. Il est possible que les chercheurs aient rencontré un biais du fait de la situation particulière de Ultima Online. En 2004, des jeux comme City of Heroes et World proposent des graphismes plus évolués, des mondes plus vastes tandis que Le Seigneur des Anneaux Online permet de se retrouver dans l’univers de Tolkien. Ultima Online était probablement joué par quelques passionnés dont la démographie particulière ne reflete pas celle des MMORPG en général.

 


“Living a virtual life: Social dynamics of online gaming” apporte un cadre théorique pour comprendre les MMO en en précisant différents niveau d’interaction. Mais son apport principal est que les interactions en ligne sont des interactions sociales qui ont un retentissement jusque dans la vie hors ligne des personnes.  Ce qui se passe à Britannia ne reste pas à Britannia mais enrichit la vie sociale des joueurs.  

 

SOURCE Kolo, Castulus, and Timo Baur. “Living a virtual life: Social dynamics of online gaming.” Game studies 4.1 (2004): 1-31.