Duris, O. (2017). Du jeu au jeu vidéo. Sur l’intérêt des univers vidéo ludiques dans la clinique de la psychose infantile. Revue de l’enfance et de l’adolescence, (1), 85-98.

 

Le psychologue Olivier DURIS montre l’intérêt des jeux vidéo dans le travail psychothérapeutique. Son article Du jeu au jeu vidéo. Sur l’intérêt des univers vidéo ludiques dans la clinique de la psychose infantile publié dans la Revue de l’enfance et de l’adolescence reprend quelques notions communément utilisée dans les médiations numériques (virtuel, virtuel numérique, jeu, aire et objet transitionnel) mais la trop grande place donnée à la théorie prive le lecteur des preuves de l’intérêt de cette notion.

Olivier DURIS part du virtuel et du virtuel numérique avant d’en venir au jeu (vidéo) proprement dit. Ce faisaint, il s’appuie préférentiellement sur la théorisation que fait Serge TISSERON du virtuel psychique qu’il  définit comme une dynamique d’anticipation et situé entre le perçu et l’imaginer.

D’une façon générale, le jeu est un bon medium pour la psychothérapie parce qu’il permet de mettre en scène des désir mais aussi de retrouver des anxiétés qui pourront être traitées par le psychothérapeute. Pour Olivier DURIS, le jeu vidéo est une expérience à l’intérieur de laquelle les joueur peuvent construire des espaces, des objets ou des personnages et jouer avec des objets comme avec des objets transitionnels. Par rapport à la clinique de la psychose, le jeu vidéo permet de traiter les processus de symbolisation primaires ou archaïques. En effet, pour Olivier DURIS, le jeu vidéo peut réactiver les traces des expériences de premiers mois de vie. L’avatar fonctionne comme un “miroir conteneur” ou, comme le dit joliment Olivier DURIS, “Contrôler l’avatar c’est entrer dans sa peau numérique”. En plus des fonctions de contenance, pour Oliver DURIS le jeu vidéo est permet des mises en scènes répétitive et la recherche de stimulations sensori-motrices.

Il est curieux de voir encore en 2017 des discussions sur le virtuel surtout lorsqu’il s’agit de jeu vidéo.  Le virtuel est une notion rapportée par les chercheurs lorsqu’ils ont tenté de comprendre comment fonctionnaient les espaces numériques en général et les jeux vidéo en particulier. Mais les joueurs de jeu vidéo, leurs personnages, les histoires jouées, les expériences vécues n’ont jamais été virtuelles. Ils ne sont pas virtuel au sens de quelques chose qui serait “en puissance”. Ils intangibles mais  réels.

En cela, l’idée d’une “peau numérique” me semble féconde. Il faudrait la mettre au regard des fonctions du Moi-Peau (ANZIEU D.;1974, 1974). Il est en effet possible de faire l’hypothèse qu’un joueur cherche dans un jeu vidéo des fonctions du Moi-peau qui sont défaillantes chez lui.  La fonction de contenance est la plus évidente. Elle est d’ailleurs bien pointée par Olivier DURIS. Mais il est possible de faire l’hypothèse que les jeux vidéo ont une fonction de recharge de libidinale ou d’inscription des traces sensorielles

Sur ce dernier point, je rejoins Olivier DURIS qui souligne que que de ce fait, les jeux vidéo peuvent être intéressants dans la clinique de la psychose. Ce point a été travaillé par Anne BRUN et surtout par Guillaume GILLET qui ont montré à plusieurs reprise comment la pratique des jeux vidéo pouvait réactiver des éprouvés sensi-moteurs profondément enkystés. Ici, le texte d’Olivier DURIS pêche par manque de précision. Peu d’éléments cliniques sont rapportés, et ceux qui sont donnés sont trop généraux. Par ailleurs, parler de jeu vidéo dans ce contexte n’aide pas à se faire une idée. Il est par exemple des avatar humanoïdes qui appellent un type de projections qui est probablement différente des projections qui se produisent lorsque le joueur contrôle une raquette (Pong) ou une voiture (Need for speed) . Parler de médium malléable est ainsi excessif. C’est la matière numérique qui peut être un médium malléable et l’avatar ne porter qu’une ou deux fonction du médium malléable.

L’affirmation d’Olivier DURIS selon laquelle les jeux vidéo sont des objets transitionnels est largement discutable. Elle repose, je crois, sur l’analyse que fait Sherry TURKLE de l’utilisation des MUDs par certaines personnes. L’idée de cet auteur était que l’Internet était un espace transitionnel, ce qui a été largement critiqué par Michael CIVIN dans Psychanalyse de l’Internet

J’ai dans “Les jeux vidéo et l’expérience transitionnelle” montré que les jeux vidéo ne pouvaient pas être des objets transitionnels mais qu’ils pouvaient être des médiums avec lesquels une expérience transitionnelle peut être vécue. Par exemple, les jeux vidéo n’ont pas les qualités spéciales que WINNICOTT donne aux objets. Si l’on pense à un personnage dans un jeu vidéo, celui appartient totalement à l’éditeur de jeu. Un personnage ne peut pas faire l’objet de câlins, il ne survit pas à la haine, il apporte aucune chaleur, il n’est pas entre l’espace interne et externe et enfin, il n’est pas graduellement désinvesti ou détruit. Les jeux vidéo permettent de vivre des expériences diverses dont l’expérience transitionnelle est un exemple. Il peuvent tout aussi bien participer au travail de subjectivation qu’être au service des mécanismes de défense. Ils contribuent ainsi à la protection du Moi mais aussi au rétrécissement de ses possibilités

Au final, dans son article  Du jeu au jeu vidéo. Sur l’intérêt des univers vidéo ludiques dans la clinique de la psychose infantile, Olivier DURIS expose l’intérêt des médiation vidéo ludique dans la clinique de la psychose. L’article aurait gagné en profondeur en s’étayant davantage sur des éléments clinique. Il reste cependant une contribution intéressante qui rend compte de l’expérience effective d’un psychothérapeute utilisant les jeux vidéo comme médiation.)

REFERENCES

ANZIEU, Didier. Le Moi-peau (1985). Paris, Dunod, 1995

CIVIN, Michael Psychanalyse du net. Hachette Littératures, 2003.

TURKLE, Sherry. The second self: Computers and the human spirit. 1984.

LEROUX, Yann. Les jeux vidéo et l’expérience transitionnelle. L’école des parents, 2016, no Supp. 2, p. 89-104.