Dans les années soixante, un professeur de l’université de l’Illinois, Don Bitzer ((Ingénieur talentueux, Don Bitzer fera partie de ceux qui inventeront l’écran plasma)), met en place un système d’enseignement utilisant les ordinateurs. Il le baptise du nom du célèbre philosophe grec, PLATO  dont les lettres forment également le sigle de Programmed Logic for Automated Teaching Operations. PLATO est un système d’éducation, son but est de permettre aux étudiants d’apprendre la programmation en la pratiquant. L’objet de la programmation est PLATO lui-même. Il appartient aux utilisateurs d’améliorer le système. Don Bitzer est ingénieur de formation et s’est occupé de la mise en place du hardware du dispositif. Pour l’écriture des programmes, il a réuni autour de lui une équipe d’étudiants et de professeurs au sein de la Computer based Education Research Laboratory.

PLATO est le premier système de temps partagé grand public. De tels systèmes existaient dans les universités comme le MIT, mais PLATO a été le premier a être largement ouvert au public. Son financement est assuré au départ par les trois corps d’armée américain (US Army, Navy et US Air Force). Un financement public sera assuré par la NSF à partir de 1967. Ce nouveau financement permet d’avoir des machines qui avec de bonnes capacités graphiques et sonores.

Pendant toutes les années soixante, la taille du sytème est restée modeste. A partir de 1972, PLATO arrive à sa quatrième version et prend une nouvelle dimension a partir d’un point banal.

Les utilisateurs de PLATO pouvaient signaler les bugs à l’équipe de maintenance en éditant un texte appelé « notes » et en y ajoutant leurs remarques et suggestions. Le système était fonctionnel mais présentait quelques failles. D’abord, il n’était pas possible à plusieurs personnes d’éditer le fichier « notes » en même temps. Ensuite, même si les contributeurs se faisaient connaître en ajoutant leurs noms ou leurs initiales, il n’était pas possible de savoir qui avait fait quoi ce qui posait des problèmes de sécurité. Régulièrement, le fichier « notes » était effacé. Un incident de ce type amène un des responsables de l’équipe de programmation, Paul Tenczar, à demander à un étudiant, David, R. Wooley, d’améliorer le système. Les idées de Paul Tenczar sont précises : les utilisateurs devront s’identifier pour signaler les bugs. Le programme gardera en mémoire l’identité de la personne et la date de la contribution. Le programme permettra également d’afficher les notes en partageant l’écran en deux parties : en haut la remarque de l’utilisateur, et en bas la réponse de l’équipe de programmation.

David Wooley met au point un système beaucoup plus complexe. Toutes les réponses à une note sont liées de sorte qu’il est possible de suivre la conversation. Le programme propose également un index des différentes notes avec pour chaque note, la date, le titre de la note et le nombre de réponses. Après en avoir discuté avec l’équipe de programmation, David Wooley améliore encore le système. Il ajoute deux espaces distincts. Dans le premier, les nouveaux venus peuvent poser des questions et recevoir l’aide des plus anciens. Le second est réservé à l’équipe de programmation pour des annonces.

Le système modifié comporte trois espaces distincts : System announcement, Help notes et General notes et est mis en ligne le 7 aout 1973. Notes devient rapidement l’élément central de PLATO

En 1973, Doug Brown écrit un programme qui permet à plusieurs utilisateurs de discuter ensemble. Il l’appelle Talkomatic. Le programme est divisé en plusieurs fenênetres horizontales. avec une fenêtre pour chaque participant qui avait la possibilité d’écrire en même temps que les autres. Les caractères apparaissaient à l’instant de leur écriture, ce qui augmentait grandement le sentiment d’immersion de l’application. Talkomatic deviendra rapidement très populaire sur PLATO bien qu’il ne soit pas une fonctionnalité officielle du système. Les administrateurs considèrent même son usage comme frivole mais il est toléré. Il finit même par leur inspirer l’idée d’un système similaire qui permet à deux utilisateurs de discuter en temps réel.

Il est possible de discuter avec une personne quelque soit l’application que l’on utilise. Il suffit d’appeler la commande TERM permettait de produire des types de branchement hypertexte. De ce fait, les conversations seront appelées des TERM-talk. La personne appelée voit au bas de son écran un message identifiant l’appelant et elle peut prendre ou refuser l’appel. Par la suite, il sera possible à l’appelant d’avoir une vue partagée avec l’appelé. Cela permet à ceux qui ont besoin d’aide de montrer ou était le problème tout en discutant avec l’enseignant en bas de l’écran.

Il sera également possible de « term-commenter » les programmes que l’on utilise. Il suffit pendant l’utilisation du programme d’appeler la commande TERM. Ces commentaires sont ensuite collectés dans un fichier qui est associé au programme. Cela apporte une aide appréciable au programmeur qui a ainsi un groupe important de debuggeurs et cela permet aux utilisateurs d’avoir accès aux avis d’autres utilisateurs.

En 1974, une nouvelle fonctionnalité apparaît. Elle permet aux utilisateurs d’avoir enfin accès au mail. Kim Mast est l’auteur de Personal Notes. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une déclinaison de Notes : chaque note est disposée sur un écran et il est possible a l’utilisateur de la sauvegarder, de la faire suivre à un tiers, ou de répondre à l’utilisateur. Le système a cependant un défaut que sa popularité rendra de plus en plus insupportable. Les utilisateurs ne disposent que de deux fichiers, et il devient de plus en plus pénible de parcourir le volume de notes produites en une journée.

Don Bitzer propose d’utiliser un système de catégories : « bugs », »suggestions », « événements », « blagues » etc. auxquelles les notes seraient liées. Le système est testé au début de l’année 1975 auprès de quelques utilisateurs. Apprécié au départ, il devient objet de polémiques. Les testeurs n’arrivent pas à un consensus : le système de catégories doit il organiser l’ensemble, ou doit il être secondaire. Par ailleurs, d’autres besoins émergent : des utilisateurs demandent a pourvoir utiliser PLATO pour développer d’autres projets. De plus, le volume des utilisateur fait toucher à General Notes ses limites. Don Blitzer repart de zéro et propose Group Notes en Janvier 1976.

Group Notes laisse plus de place aux utilisateurs et répond à deux de leurs demandes. Les choses ne sont plus supervisées par le staff d’administrateurs et ensuite les notes sont organisées par sujet. Les utilisateurs s’en emparent massivement et l’on discute livres, cinéma, religion, musique, science-fiction ou encore de sujets plus académiques

Dans Group Notes, toute personne qui crée une note en est le « directeur ». Cela signifie qu’elle gérer les droits en écriture et en lecture d’individus ou de groupes entiers. Un directeur peut effacer n’importe quelle note alors qu’un simple directeur ne peut effacer que ses propres notes si elles n’ont pas encore reçu de réponse. Le directeur peut autoriser les notes anonymes. Le système n’enregistre alors aucun identifiant et l’auteur de la note est « anonymous » . Enfin, chaque directeur peut mettre en ligne des notes spéciales notées « Message du directeur ». Elles concernent généralement les règles d’usages du groupe ou donnent des informations sur une action qui a été prise sur le groupe

La plate forme d’éducation sera rapidement détournée par ses utilisateurs de son but d’origine : on s’y connecte moins pour apprendre que discuter cinéma, musique, science fiction, religion ou tout autre sujet que l’on a à cœur. Mais surtout, PLATO permet le jeu en ligne : les trekkies et autres fans de space-opera se retrouvent sur EMPIRE, les rôlistes sur DND, version PLATO du jeu de rôle Dungeon and Dragons, les pilotes sur Airfights… jeux qui préfigurent l’expérience ludique telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ou plus exactement : on y joue, et le jeu permet, parfois, l’apprentissage.

« La croissance de PLATO a également généré tous les problèmes qui sont maintenant bien connus dans les communautés en ligne, comme le flaming, les hommes se faisant passer pour des femmes etc. La liberté de parole (« free speech ») était la règle , mais il y a eu quelques incidents dans lesquels des messages politiques ont été annulés officiellement par crainte de mettre en danger le financement de PLATO » David R. Wooley ((Woolley, D. R. (pas de date). PLATO: The Emergence of Online Community. Retrouvé Juillet 23, 2009, de http://thinkofit.com/plato/dwplato.htm