2369 / 1966. «Beam me up, Scotty ! »[1] La formule est prêtée au Capitaine Kirk, commandant de l’Enterprise. La formule est devenue un witz pour toute personne se trouvant dans une situation difficile nécessitant une assistance rapide [2].
Elle est issue de Star Strek, série télévisée à l’idéal utopiste et optimiste : la Terre a mis fin à ses conflPsy et Geek ;-) › Edit Post — WordPressits et bénéficie des progrès des sciences et des techniques. Elle est alliée à d’autres espèces intelligentes avec lesquelles elle a fondé la Fédération des Planètes Unies. Diffusée U.S.A. de 1966 à 1969 [3],chaque épisode de la série est introduit par une voix off : « Espace, frontière de l’infini vers laquelle voyage notre vaisseau spatial l’Enterprise. Sa mission de cinq ans : explorer de mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et au mépris du danger, avancer vers l’inconnu. ». Le Capitaine Kirk en est le commandant. Avec son équipage, il découvre de nouvelles formes de vie et de nouvelles civilisations Son action doit obéir aux Directives, et à la première d’entre elle qui stipule que la Fédération des Planètes Unies ne doit pas interférer dans le développement des autres espèces et civilisations de l’univers. Le système de directives reprend les recommandations de l’Organisation des Nations Unies, et ce plus particulièrement pour la Directive première qui est calquée sur le principe de non ingérence de l’O.N.U. Elle s’inspire aussi sans doute des « Trois lois de la robotique » imaginées par Isaac Asimov dès 1942 [4]Bien évidement cette directive entrera plus d’une fois en contradiction avec les 23 directives suivantes. Et plus d’une fois, de Capitaine Kirk demandera dans l’urgence : « Beam me up, Scotty ! »
Star Trek est sans doute la première série télévisée à avoir une communauté de fans. Les trekkies sauveront la série de la disparition, d’abord en 1968 en réussissant à la prolonger d’une années. Ensuite, en maintenant son univers vivant pendant la nuit télévisuelle d’une trentaine d’années qu’elle traversera. Leur ténacité sera telle qu’ils réussiront à imposer à la NASA le nom d’Enterprise pour la première navette spatiale américaine Il faudra attendre 1993 pour retrouver l’univers de Star Trek sur le petit écran avec « Star Trek : Deep Space Nine » [5] et une année de plus pour une adaptation au cinéma avec « Star Trek : générations ». Pendant toutes ces années, des fans maintiendront la flamme de la passion grâce à une myriade de fanzines, d’associations et de « conventions » permettant aux trekkies de se retrouver, de mettre en commun et de partager leur intérêt et leurs connaissances sur l’univers Star Trek. C’est avec ce même enthousiasme qu’ils s’engouffreront dans les réseaux et qu’ils y feront claquer les noms des personnages, des lieux, des événements de la série comme des étendards. Ces nouveaux espaces informatisés et l’imaginaire de la science fiction semblaient se répondre. Les premiers étaient aux seconds comme un futur présentifié, un « déjà-là » tandis que les seconds étaient aux premiers une réserve de mots, d’images et de mythes permettant de les explorer de façon un peu plus assurée.
2941 Troisième Age./1937. John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) publie Bilbo le hobbit. Le récit était tout d’abord destiné au cadre familial car c’est pour ses enfants que le professeur d’anglais racontait les pérégrinations de Bilbo Baggins dans un monde de magie peuplé de créatures extraordinaires. Bilbo est entrainé dans une quête par le magicien Gandalf et 13 nains pour récupérer auprès de Smaug le Dragon le trésor qu’il a usurpé aux ancêtres des nains. Tolkien utilise ses connaissances linguistiques – il est philologue et linguiste – pour construire un monde cohérant. Chaque nom a son étymologie, chaque personnage a sa généalogie, chaque objet a son histoire, chaque monde sa cosmogonie. Bilbo le Hobbit sera publié une première fois en 1937 et le livre connait un remarquable succès. Du vivant de Tolkien, il est traduit en une douzaine de langues. A la demande de l’éditeur, Tolkien travaille sur une suite, Le seigneur des Anneaux qui sera publiée une première fois en 1954-1955. Le public visé est cette fois ci différent. Il ne s’agit plus d’enfants mais d’adultes, et parmi les premiers, les auditeurs du groupe littéraire les inklings à qui Tolkien lit les pages au fur et à mesure de leur écriture. Parmi eux, Lewis Carroll C.S. Lewis qui fera du livre une critique enthousiaste.
Tolkien donne à la fantasy une audience populaire. La fantasy décrit un monde où le magique a d’emblée sa place. Créatures merveilleuses et gentes personnes s’y croisent dans un univers romanesque ou toutes les choses comme le vivant, le bon comme le mauvais, sont reliées par la magie.
En France, l’académicien Jean Marie Rouart s’écrie : « Avec le retour de Tolkien, dont le succès brave tous les ukases de la littérature expérimentale ou minimaliste, le romanesque reprend sa revanche : une orgie de féerie, un bain dans l’imaginaire le plus débridé, un abandon dans l’irrationnel. » [6]
Le public américain découvre le Seigneur des Anneaux en 1954. Peu à peu, il infiltre tous les domaines de la culture. On trouve son influence dans la littérature bien sûr, puisqu’il devient une locomotive de la fantasy mais également au théâtre et au cinéma. Des groupes de musique y font explicitement référence. Il fait bientôt partie des œuvres de référence, avec le Guide du routard intergalactique, Star Trek, Conan le Barbare et Elrik le Nécromancien ,de toute une génération. A travers les aventures du Capitaine Kirk et de son équipage ou de Frodon et la Communauté de l’Anneau, des jeunes gens trouveront à la fois des modèles identificatoires et les matrices que la culture leur tend pour comprendre le monde. La guerre de Corée (1950-1953) vient de se terminer, et celle du Viêt-Nam (1959-1975) s’annonce. Deux blocs, l ’Est et l’Ouest se font face et s’affronteront jusqu’à la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Une des conséquences de leur opposition dans l’espace géopolitique sera la création d’un nouvel espace, d’abord au creux des université américaines, puis bientôt au-delà des bâtiments académiques. Il prendra finalement pour nom : Internet.
Internet sera maintenu, investi et développé par toute une jeunesse gorgée de science fiction et de fantasy. Ces deux genres littéraires serviront à la fois de réserve imaginaire et d’amorce pour nommer les phénomènes que les arpenteurs de ces espaces autres inventent et découvrent dans un même mouvement. La langue du réseau porte les traces de cette origine. Ici comme là, on trouve des sorciers (wizards) possédant de grands pouvoirs, les trolls y sont toujours détestables, les murs de feu (firewalls) œuvres de grande puissance, les processus peuvent y être aussi peu logiques que dans Le Baron de Munchausen (bootsraping), et les vers (worms) sont redoutables. Star Trek et Le seigneur des anneaux offrent deux visions contrastées : la première est porteuse d’espoir et d’optimisme ; elle présente la science et la technique comme nécessairement bonnes. La seconde présente un monde plus sombre : la magie a remplacé la science, la grandeur est du domaine du passé, le monde bascule lentement et surement dans le chaos. L’ensemble éclaire les espoirs et les craintes de ce que l’on appellera cyberspace.
La littérature n’est pas la seule à annoncer les mondes numériques. A partir de 1920 et jusqu’aux années 1950, les américains, puis le monde, verront leur quotidien changer peu à peu. De nouveaux matériaux : l’inox, la bakélite, l’aluminium, permettent de donner aux objets de nouvelles apparences. Aucun objet ne semble échapper à ce mouvement ou la réalité est littéralement redessinée : la trottinette comme la locomotive, l’éplucheur à légume comme l’automobile sont dotées de ces courbes et des ces couleurs si particulières par leurs formes et leurs couleurs que l’on regroupera sous le nom de streamline. L’objet ne doit plus seulement être utile. Il doit visuellement annoncer sa fonction. Il est porteur d’un message. Il devient beau et aimable. Les objets du streamline disent la puissance, la vitesse, le progrès.
La science fiction [7] comme le streamline sont des précurseurs des mondes numériques qui s’annoncent. D’abord parce qu’ils ont en commun les même questions : quel impact est-ce que les objets et les machines ont sur l’homme ? Que doit-on ajouter ou retirer à un objet pour qu’il soit humain ? et à un corps humain pour qu’il soit un objet ? Ensuite, parce qu’avec eux commence la distribution industrielle. On trouve les mêmes objets chez soi et chez son voisin, à la maison comme au travail, ce qui contribue à faire baisser les barrières qui existaient entre les environnements familiaux ou personnels, entre le « chez moi » et le « chez l’autre », entre professionnel et le personnel, le privé et le public. Enfin, parce qu’ils sont qu’ils sont dupliqués, parce qu’ils peuvent être produits si grande quantité qu’on les retrouve partout, ces objets préfigurent dans l’espace géographique les multitudes et le processus clé des mondes numériques : le copier – coller.
[1] Scotty, téléportez moi ! »
[2] Mikkelson, Barbara. “snopes.com: Beam Me Up, Scotty!,” juillet 18, 2007. http://www.snopes.com/legal/beamup.asp
[3] Elle est diffusée en France par la chaine Télé Monté Carlo dans les années 1970 puis en 1982 sur TF1
[4] Première Loi : Un robot ne doit pas porter atteinte à un être humain ni, en restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. ;Deuxième Loi : Un robot doit obéir aux ordres donnés par un être humain sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la Première Loi. ;Troisième Loi : Un robot doit chercher à protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la Première Loi ou la Deuxième Loi. Asimov, Isaac. Les robots. J’ai lu, 2001
[5] En France, la série sera diffusée sur la chaîne Jimmy entre 1998 et 2002
[6] Jean Marie Rouart, « Le retour au merveilleux », Le Figaro Littéraire, 13 décembre 2001.
[7] C’est en 1929 qu’Hugo Gernsback invente le vocable « science fiction » pour dire ces histoires où le futur est imaginé
Para. #3, Ce n’etais pas Lewis Carroll, (qui est mort en 1898), mais C S Lewis (qui a signé Le Lion, la sorcière et l’armoire)- l’ami de Tolkien qui a écrit une critique enthousiaste.
Oups ! Merci ! J’avais pas vu !
Je suis une fan de ton blog !! Un seul comm’: Brillant !
Merci pour le com sympathique !